Téléchargez le rapport Quelles évaluations des politiques publiques
pour quelles utilisations ?
Téléchargez la note d'analyse 109 Qui utilise les évaluations académiques
des politiques publiques ?
Premier volet – Qui utilise les évaluations académiques des politiques publiques ?
En matière d’évaluations académiques sur l’impact des politiques publiques, la France rattrape son retard par rapport aux pays les plus avancés [1]. Mais ces évaluations sont-elles davantage utilisées dans le débat public ? Pour explorer cette question, on considère ici exclusivement les évaluations quantitatives et causales publiées dans les revues académiques à comité de lecture et portant de façon ex post sur le critère évaluatif d’impact. En partant d’un échantillon de 227 évaluations, l’analyse recense ainsi près de 8 300 citations sur la période 2008-2020.
Premier constat, les citations sont faites à une écrasante majorité par des chercheurs (à 94 %). Les décideurs publics, les administrations et les médias y ont peu recours : 60 évaluations de notre échantillon n’ont même jamais été citées par ces acteurs sur la période. Deuxième constat : de façon agrégée, les citations augmentent rapidement sur la période 2012-2020, passant de 230 citations en 2012 à près de 1 700 en 2020. La hausse est plus rapide que celle du nombre d’évaluations disponibles : ainsi chaque évaluation disponible est citée 3,9 fois en 2012, contre 7,4 fois en 2020. Pour les décideurs publics, les administrations publiques et les médias réunis, le nombre de citations est multiplié par 3,6 entre 2012 et 2020. Toutefois, ce nombre reste stable et relativement faible lorsque l’effet volume est corrigé (0,4 citation par évaluation disponible).
La thématique « économie » est beaucoup évaluée (30 fois) et ses évaluations sont parmi les plus citées, avec plus de 50 citations en moyenne par évaluation. Par contraste, des thématiques comme « sécurité et police » et « culture » donnent lieu à peu d’évaluations, qui figurent parmi les moins citées (entre 0 et 6 citations par évaluation). Par ailleurs, les rares évaluations sur les thématiques « famille » et « environnement » (6 évaluations chacune) sont davantage citées que les très nombreuses évaluations sur la thématique « travail » : on relève respectivement 53, 42 et 35 citations en moyenne par évaluation.
Toutes thématiques confondues, les évaluations sont d’autant plus citées par ces acteurs qu’elles sont en français, publiées par des chercheurs issus d’une administration publique ou qu’elles formulent des résultats riches – pas nécessairement conclusifs – et des recommandations suffisamment larges. Confirmés par des entretiens auprès de chercheurs et de commissions de l’Assemblée nationale, ces faits stylisés pourraient inspirer des bonnes pratiques à tout évaluateur soucieux d’éclairer le débat public.
Deuxième volet – Quelles évaluations sont mobilisées avant et après le vote d’une loi ?
Les évaluations de politiques publiques gagnent du terrain en France. Encore faut-il mesurer leur utilité réelle. On peut le faire en étudiant l’écho rencontré par les évaluations académiques dans le débat public [2]. De manière plus inédite, on peut aussi examiner le nombre de travaux évaluatifs au sens large cités au cours du travail législatif et le nombre d’évaluations d’impact produites en aval du vote.
Sur un échantillon de 262 lois votées de 2008 à 2020, on constate que, pour chacune, 18 travaux évaluatifs en moyenne sont cités en amont du vote. Ce nombre est plus élevé pour les projets de loi que pour les propositions de loi ou les mesures des lois de finances. Seules 14 lois n’ont donné lieu à aucune citation d’évaluation. À l’inverse, certaines lois suscitent plus d’une centaine de citations, le record allant à la loi Pacte de 2019. Les chiffres sont à la hausse puisqu’on dénombre 25 citations pour chaque loi en 2020 contre seulement 8 en 2008. Pour les projets de loi, 25 % des citations figurent dans les études préalables d’impact du gouvernement, le reste dans les travaux parlementaires. Comme attendu, les citations sont plus nombreuses pour les lois comportant une clause évaluative ou expérimentale, et pour celles à fort écho médiatique.
En aval du vote, 40 % de ces 262 lois ont fait l’objet d’au moins une évaluation ex post, avec une moyenne de 2,7 évaluations par loi (soit 1,1 pour l’ensemble de l’échantillon). Logiquement, compte tenu du délai nécessaire pour réaliser une évaluation ex post, la proportion de lois évaluées est plus importante sur la période 2008-2017 (46 %). Sur la période 2008-2020, cette proportion est plus élevée pour les mesures des lois de finances (76 %) et plus faible pour les propositions de loi (25 %). Elle atteint 62 % pour les lois faisant l’objet d’une clause évaluative ou expérimentale. Les lois portant sur le travail, l’économie, le logement ou l’énergie ont été nettement plus évaluées que celles sur le tourisme, la sécurité et la police, ou la fonction publique. Près de 42 % des évaluations ont été réalisées par des administrations publiques, 23 % par des chercheurs, 18 % par des comités mixtes et 13 % dans le cadre de travaux parlementaires.
Une petite moitié des évaluations, portant sur 74 lois, comportent des recommandations : 45 de ces lois ont suivi – au moins partiellement – l’une de ces recommandations, soit une proportion de 61 %. Ce taux s’élève pour les lois comportant une clause évaluative (66 %) ou expérimentale (72 %). Cette analyse statistique peut être prolongée par des études de cas afin de préciser les dynamiques à l’œuvre et formuler des recommandations adaptées.
Quelques chiffres clés : citations en amont du vote de la loi, proportion de lois évaluées
ex post et proportion de lois amendées suite à une recommandation
Les opinions exprimées dans ces documents engagent leurs auteurs
et n'ont pas vocation à refléter la position du gouvernement.
[1] C’est l’objet de la note de Baïz A. et al. (2022), « Qui utilise les évaluations académiques des politiques publiques ? », op. cit.
[2] Bono P.-H., Debu S., Desplatz R., Hayet M., Lacouette-Fougère C. et Trannoy A. (2018), « Vingt ans d’évaluations d’impact en France et à l’étranger. Analyse quantitative de la production scientifique », Document de travail, n° 2018-06, France Stratégie, décembre.
Read the analysis paper n°109 : Who uses academic assessments of public policies
Read the analysis paper n°110 : What assessments are conducted before and after a law is passed