Les quatre premiers colloques étaient consacrés à l’évaluation socioéconomique des projets de transports (16 septembre 2014), à la prise en compte des externalités environnementales (2 avril 2015), des effets d’agglomération (22 octobre 2015) et enfin à la prise en compte des risque naturels et sanitaires dans le calcul socioéconomique (17 mars 2016). Le cinquième colloque s'est tenu le 14 décembre 2016 et était consacré à la sélection des projets d’investissement public.
"Merci tout d’abord à la DGFIP de nous accueillir dans ces locaux qui nous offrent d’excellentes conditions pour débattre. Ce cinquième colloque sur le choix des investissements publics est consacré à un thème plus général que ceux abordés lors des quatre précédents ; il s’agit de fait d’un sujet classique mais qui prend une nouvelle actualité dans le contexte actuel. Lorsque ces thématiques sont habituellement abordées, il n’est pas question de macroéconomie. Nous supposons en effet que l’environnement macroéconomique est stable ou connaît des fluctuations de faible ampleur.
La réflexion actuellement engagée au plan international sur la question de l’investissement public s’inscrit dans la conjonction de la faiblesse de la demande engagée au niveau international et du niveau extraordinairement bas des taux d’intérêt en termes réels : nous sommes confrontés à des taux nuls sur le long terme, ce qui constitue un environnement très particulier. Ceci nous amène à nous interroger sur l’opportunité d’utiliser l’investissement public comme un élément de rééquilibrage économique global. Des économistes américains tels que Lawrence Summers et le FMI ont mis en avant cette problématique, qui transparaît partiellement dans le plan Juncker. Par ailleurs, celle-ci a suscité un certain débat en Allemagne. Enfin, l’actualité américaine ravive l’intérêt pour cette question.
Faut-il utiliser la « fenêtre », plus ou moins longue, des taux bas pour accélérer un certain nombre de programmes d’investissement public dans un contexte en partie traditionnel mais, également, en partie modifié par la question de la transition écologique et énergétique ? Dans certains pays, il fait suite à de longues années de dépression en matière d’investissement public. La rareté de la ressource publique soulève la question de la soutenabilité de cet effort au regard de la forte montée du taux d’endettement, notamment en France. En même temps, la possibilité d’investir à taux d’intérêt zéro peut permettre à l’investissement public d’avoir des incidences positives sur le taux d’endettement, comme l’ont montré les calculs réalisés par le FMI.
L’une des questions posées, qui n’est pas à l’ordre du jour de cette séance, concerne la manière d’insérer cette perspective dans une stratégie de finances publiques axée sur la maîtrise de l’endettement. Par ailleurs, nous sommes également confrontés à d’autres questions. D’une part, le taux d’intérêt réel est durablement différent du niveau d’équilibre, ce qui nous mène à réfléchir sur la prise en compte d’un environnement de ce type dans les calculs traditionnels en matière de projets d’investissement. D’autre part, il convient de s’interroger sur la nature même de ces investissements.
Nous venons d’évoquer la problématique de l’évaluation des projets d’investissement dans le domaine des transports. À l’heure actuelle, nous n’avons pas besoin de construire des autoroutes ou des lignes supplémentaires de TGV. Nous avons besoin d’investissements de nature différente, qui posent des problèmes plus complexes. Tel est le cas des investissements dans le renouvellement du matériel de transport en zone urbaine dense, qui soulèvent la question du risque, de la fiabilité et de leur incidence sur les temps de transports. Par ailleurs, nous avons besoin d’investissements dans les infrastructures éducatives et sanitaires, qui posent des problèmes spécifiques. Enfin, la question des investissements englobe celle du capital humain, notamment dans le cadre européen où le déficit dans ce domaine est marqué.
L’une des questions est donc de savoir si des programmes tels que le plan Juncker devraient avoir une composante plus marquée sur le capital humain.
Nous pouvons également nous interroger sur les investissements dans la transition écologique qui constituent de très bons candidats pour l’investissement public mais qui posent une série de questions difficiles. Dans ce cas, les externalités sont globales et non nationales ou locales. Le rendement économique se situe à très long terme, les irréversibilités en matière climatique sont certaines, mais difficiles à appréhender, et les incertitudes technologiques sont très fortes. En effet, le développement de nouvelles filières technologiques nous amène à nous interroger sur le choix à effectuer entre des investissements dans les technologies actuelles et un renforcement des investissements dans la recherche pour développer les technologies d’avenir. Enfin se pose la question de la crédibilité des politiques publiques, notamment par rapport à la trajectoire du prix du carbone. Même si celle-ci a été inscrite dans une loi de programmation, nous savons bien qu’elle dépend d’un certain nombre de vicissitudes impossibles à exclure.
Au total, ces questions sont complexes et nous devons y réfléchir de manière globale. Si l’Europe et notamment la France étaient confrontées à un questionnement accru sur le renforcement des investissements publics, les réponses à ces problématiques deviendraient urgentes : elles doivent donc être anticipées.
Certes, l’éventail de ces questions est plus large que les thématiques que nous pourrons traiter au cours de cette demi-journée. Cependant, nous avons mis en place, conjointement avec le Commissariat général à l’investissement, un comité d’experts, que Roger Guesnerie a accepté de présider, ce dont je le remercie, ce qui nous permettra d’approfondir le débat. Les différents colloques qui se sont déroulés au cours de quatre journées de 2014 à 2016 sont matière à capitalisation. Nous avons publié sur Internet un document synthétique à ce sujet. Vous avez la possibilité d’y réagir et nous vous y invitons vivement."
Le commissaire général de France Stratégie
Les opinions exprimées dans ce document engagent leurs auteurs
et n’ont pas vocation à refléter la position du gouvernement.