Note d’analyse

Retisser les fils du destin : parcours des jeunes placés

En France, l’origine sociale est la caractéristique héritée qui influe le plus sur les destinées. Qu’en est-il pour les jeunes éloignés de leur famille par un placement en protection de l’enfance ? En quoi leurs trajectoires scolaires et professionnelles diffèrent-elles de celles des jeunes d’origine modeste ou de l’ensemble des jeunes du même âge ?

Publié le : 10/09/2024

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Les jeunes placés connaissent des parcours scolaires très heurtés. Sont en cause les difficultés familiales — notamment les situations de maltraitance qui sont à l’origine du placement et qui perturbent les apprentissages, l’origine sociale souvent très défavorisée des familles biologiques qui pèse sur la scolarité avant le placement, et enfin des situations de handicap beaucoup plus fréquentes que dans la population générale du même âge. Ces facteurs peuvent être contrebalancés par un placement dans une famille d’accueil qui s’implique dans la scolarité de ces jeunes, leur insuffle des aspirations élevées et les élève dans un milieu social plus favorisé que celui de leurs parents biologiques. S’agissant des placements en établissement, si certains professionnels de la protection de l’enfance accordent une grande importance à la scolarité, le plus souvent leurs attentes sont peu ambitieuses à l’égard de ces jeunes fréquemment en butte à des difficultés scolaires.

Que ce soit en famille ou en établissement, le fonctionnement institutionnel qui contraint les jeunes à une autonomie financière précoce conduit les professionnels de la protection de l’enfance à les aiguiller vers des études courtes, censées leur assurer une insertion professionnelle rapide. Les jeunes placés sont donc beaucoup plus fréquemment diplômés d’un CAP-BEP que les autres et moins souvent sans diplôme que les jeunes issus de familles inactives. À 20 ans, ils sont moins nombreux que les jeunes d’origine modeste à suivre des études dans la voie scolaire générale et plus nombreux à travailler que les autres jeunes de leur âge. En revanche, leurs emplois ne diffèrent pas de ceux des autres jeunes qui travaillent.

Au total, si le placement restaure partiellement les chances de réussite scolaire et professionnelle, il n’augmente guère les probabilités d’accéder à l’enseignement supérieur et d’obtenir un diplôme favorable à une ascension sociale. Pour y remédier, il faudrait faire de la réussite scolaire un objectif explicite du placement, améliorer la coopération entre l’Éducation nationale et les services de la protection de l’enfance et mettre en place un suivi statistique pérenne des jeunes placés.

Les opinions exprimées dans ce document engagent leurs auteurs
et n'ont pas vocation à refléter la position du gouvernement.

Diplôme le plus élevé obtenu par les jeunes âgés en moyenne de 20 ans en 2015

* Champ enquête ELAP V2 : jeunes placés ou ayant été placés en protection de l’enfance de sept départements (Paris, Seine-et-Marne, Essonne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Nord et Pas-de-Calais), nés en France métropolitaine et DROM et âgés de  18 à 22 ans révolus en 2015 (hors jeunes placés par les services de la Protection judiciaire de la jeunesse). 

** Champ enquête Emploi 2015 : jeunes nés en France métropolitaine et DROM, âgés de 18 à 22 ans révolus au 31 décembre 2015. 

*** Champ enquêtes Emploi 2014-2015-2016 empilées : jeunes nés en France métropolitaine et DROM, âgés de 18 à 22 ans  révolus au 31 décembre 2014, 2015 ou 2016.  

Lecture : 17 % des jeunes placés ou ayant été placés en protection de l’enfance sont sans diplôme, contre 8 % pour l’ensemble des  jeunes du même âge. 

Sources : enquête ELAP V2 ; enquête Emploi 2015 et enquêtes Emploi 2014-2015-2016 empilées, calculs France Stratégie

Introduction

Depuis une dizaine d’années, les rapports administratifs et les travaux de recherche sur les jeunes pris en charge en protection de l’enfance se sont multipliés[1]. En mobilisant des données et des méthodologies hétérogènes, ils pointent les difficultés particulières auxquelles sont confrontés ces jeunes. Dans le même temps ont été développés des travaux sur l’inégalité des chances sociales[2].

Ces deux catégories de travaux présentent peu d’intersections. Aucun par exemple n’étudie la mobilité sociale des jeunes passés par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Cette lacune peut s’expliquer par l’incomplétude des données disponibles : il faut à la fois pouvoir identifier dans les enquêtes statistiques les jeunes suivis en protection de l’enfance et connaître leur position sociale ainsi que celle de leurs parents pour en déduire leur mobilité intergénérationnelle. Or la profession des parents, à partir de laquelle on définit en général la position sociale, n’est pas toujours renseignée dans les dossiers des services départementaux de l’ASE et elle ne figure pas dans leurs logiciels métiers. Interroger directement les jeunes ne permet pas systématiquement de récupérer cette information car une partie d’entre eux n’ont pas connu leurs parents, n’ont plus de contact avec eux[3] ou ne souhaitent pas parler de leur famille biologique. Enfin se pose une question de méthode : faut-il attribuer aux jeunes placés en protection de l’enfance l’origine sociale de leur famille biologique ? celle de leur famille d’accueil[4] ? ou encore celle des autres professionnels[5] qui suppléent leurs parents ?

Cette note se place à la croisée des deux types de travaux, sur la protection de l’enfance et sur l’inégalité des chances. Dans la lignée des études menées par France Stratégie[6], elle déroule le fil de la construction des parcours scolaires des jeunes pris en charge en protection de l’enfance. En effet, « la réussite scolaire joue un rôle déterminant pour le parcours de vie des enfants protégés[7] ». Si ce constat s’applique à tous, le capital scolaire est encore plus primordial pour les jeunes placés « qui ont peu d’autres ressources à faire valoir[8] ». Il s’agit donc ici de mettre en lumière comment ils s’en sortent dans un système éducatif français marqué par une forte dépendance de la réussite scolaire à l’origine sociale[9] et d’analyser leur scolarité au prisme de l’origine sociale des personnes qu’ils côtoient au quotidien. La note suit le fil des destinées jusqu’à l’insertion dans le marché du travail.

L’analyse est centrée sur les jeunes qui ont été éloignés de leur milieu d’origine par une mesure de placement[10], quelles qu’en soient les modalités : placement individuel (dans une famille d’accueil, chez un tiers) ou placement collectif dans un établissement (voir le schéma dans Encadré 1). Elle porte uniquement sur les jeunes nés en France, qui ont donc suivi toute leur scolarité dans le système éducatif français. Elle exclut ainsi les mineurs non accompagnés[11] et les jeunes arrivés en France avec leur famille, qui ont effectué tout ou partie de leur scolarité dans des systèmes éducatifs étrangers (voir Encadré 2).

Enfin, la note repose sur une double démarche : l’exploitation d’enquêtes statistiques et la synthèse de recherches qualitatives françaises sur les jeunes placés. La première partie décrit leurs trajectoires scolaires et les compare à celles des autres jeunes. La deuxième partie présente les facteurs qui influent sur les parcours scolaires des jeunes placés et les font diverger de ceux des autres jeunes. La dernière partie étudie l’insertion professionnelle et la position sociale des jeunes placés, comparées à celles des autres jeunes.

La protection de l’enfance repose sur un système institutionnel dual composé d’un versant administratif, avec les services départementaux de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), et d’un versant judiciaire, un juge pour enfants intervenant au titre de l’assistance éducative.

Les interventions en protection de l’enfance recouvrent des aides à domicile (dites en milieu ouvert) qui maintiennent les enfants dans leur milieu familial ; et des mesures de placement (dites aussi mesures d’accueil) en dehors de la famille d’origine. Le placement peut avoir lieu dans une famille d’accueil, chez un tiers ou dans un établissement (voir Schéma 1).

Au 31 décembre 2022, le nombre de mineurs et de jeunes majeurs pris en charge en protection de l’enfance, toutes prestations et mesures financées par l’ASE[12] confondues, est estimé sur la France entière (hors Mayotte) à 344 000, soit 310 000 mineurs et 34 000 jeunes majeurs[13]. Parmi eux, le nombre de mineurs non accompagnés et d’anciens mineurs non accompagnés dont la prise en charge s’est poursuivie lorsqu’ils sont devenus jeunes majeurs, regroupés dans la catégorie « mineurs non accompagnés[14] », est estimé à 39 500[15]. Ils représentent 11,5 % de l’ensemble des jeunes pris en charge en protection de l’enfance en 2022 et 19 % des jeunes placés fin 2022[16].

Le taux de prise en charge, qui rapporte le nombre de mineurs ou de jeunes majeurs concernés par une prestation ou une mesure de protection de l’enfance au nombre total de mineurs ou jeunes majeurs sur le territoire national, est estimé en 2022 à 21,9 ‰ pour les mineurs et à 13,8 ‰ pour les jeunes majeurs[17]. Le taux de mineurs placés est de 12,5 ‰ et celui de jeunes majeurs placés de 12,8 ‰.

Les jeunes placés en protection de l’enfance sont inégalement répartis sur le territoire : hors mineurs et jeunes majeurs non accompagnés, leur part varie de 4,3 ‰ dans la métropole de Lyon à 23,5 ‰ dans la Nièvre, pour un taux national de 10,2 ‰ (voir Carte 1).

Schéma − Prestations et mesures en protection de l’enfance

* Champ enquête ELAP V2 : jeunes placés ou ayant été placés en protection de l’enfance de sept départements (Paris, Seine-et-Marne, Essonne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Nord et Pas-de-Calais), nés en France métropolitaine et DROM et âgés de  18 à 22 ans révolus en 2015 (hors jeunes placés par les services de la Protection judiciaire de la jeunesse). 

** Champ enquête Emploi 2015 : jeunes nés en France métropolitaine et DROM, âgés de 18 à 22 ans révolus au 31 décembre 2015. 

*** Champ enquêtes Emploi 2014-2015-2016 empilées : jeunes nés en France métropolitaine et DROM, âgés de 18 à 22 ans  révolus au 31 décembre 2014, 2015 ou 2016.  

Lecture : 17 % des jeunes placés ou ayant été placés en protection de l’enfance sont sans diplôme, contre 8 % pour l’ensemble des  jeunes du même âge. 

Sources : enquête ELAP V2 ; enquête Emploi 2015 et enquêtes Emploi 2014-2015-2016 empilées, calculs France Stratégie

Carte - Nombre de jeunes accueillis pour 1 000 jeunes de moins de 21 ans au 31 décembre 2022

Note : au niveau national, la part de jeunes accueillis à l’ASE, hors mineurs et jeunes majeurs non accompagnés, est de 10,2 pour 1 000 jeunes de moins de 21 ans  au 31 décembre 2022 (hors Pyrénées-Orientales, Seine-et-Marne, Tarn-et-Garonne, Guadeloupe, La Réunion et Mayotte). 

Champ : France métropolitaine et DROM. 

Sources : DREES, enquête Aide sociale ; Insee, estimations provisoires de population au 1er janvier 2023 (résultats arrêtés fin 2023)

L’analyse statistique des trajectoires scolaires et de la situation professionnelle des jeunes placés en protection de l’enfance repose sur l’exploitation de l’enquête Étude longitudinale sur l’accès à l’autonomie des jeunes en protection de l’enfance (ELAP, Ined-Laboratoire Printemps), seule enquête statistique d’envergure portant spécifiquement sur les jeunes placés. Elle a pour objectif l’étude des profils, des conditions de vie dans le placement et des conditions de sortie du dispositif des jeunes placés en protection de l’enfance.

En 2013-2014, la première vague d’enquête (ELAP V1) a été réalisée auprès d’un échantillon représentatif des jeunes âgés de 17 à 20 ans placés au moment de l’enquête par les services de protection de l’enfance de sept départements localisés dans deux régions : l’Île-de-France (Paris, Seine-et-Marne, Essonne, Hauts-de-Seine et Seine-Saint-Denis) et les Hauts-de-France (Nord et Pas-de-Calais)[18]. Les jeunes placés par les services de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ne sont pas dans le champ de l’enquête. 1 622 jeunes ont répondu à l’enquête. La seconde vague (ELAP V2) a été conduite en 2015 auprès d’un sous-échantillon de 756 jeunes ayant répondu en première vague. Certains n’étaient plus pris en charge en protection de l’enfance tandis que d’autres bénéficiaient d’un contrat jeune majeur permettant un prolongement de leur prise en charge au-delà de 18 ans[19].

L’enquête a été réalisée avant la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite « loi Taquet », qui maintient de droit jusqu’à 21 ans la prise en charge des jeunes en protection de l’enfance dès lors qu’ils n’ont pas de ressources ou de liens familiaux suffisants.

Dans la suite de la note, par souci de simplification, le terme de « jeunes placés » sera utilisé pour désigner à la fois les jeunes interrogés en vague 1 (tous étaient alors placés) et les jeunes interrogés en vague 2 (une partie était sortie de placement).

L’analyse réalisée à partir de cette enquête porte sur les jeunes placés nés en France (départements et régions d’Outremer compris), soit 852 jeunes en vague 1 (54 % de l’échantillon) et 371 en vague 2 (55 % de l’échantillon).

Les catégories auxquelles sont comparés les jeunes placés sont construites à partir de l’origine sociale des jeunes captée par la « PCS ménage », la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles de l’Insee. Seules ont été retenues les origines sociales proches de celle qui ressort des recherches qualitatives portant sur les jeunes placés. On obtient ainsi trois catégories de jeunes :

  • ceux issus de ménages composés d’un parent ouvrier et d’un parent employé ou de deux parents ouvriers (familles d’origine modeste) ;
  • ceux issus de ménages composés d’un parent employé et d’un parent inactif, d’un parent ouvrier et d’un parent inactif, d’un parent employé sans conjoint, ou d’un parent ouvrier sans conjoint (familles d’origine très modeste) ;
  • ceux issus de ménages composés de deux parents inactifs (n’ayant jamais travaillé) ou d’un parent inactif sans conjoint (familles les plus modestes). 

Les jeunes placés sont également comparés à l’ensemble des jeunes de leur âge.

Le panel de la DEPP[20] portant sur les élèves entrés en sixième pour la première fois en 2007 a été exploité pour calculer les indicateurs de scolarité pour les quatre catégories de jeunes ainsi définies. Ces jeunes avaient en 2013-2014 quasiment le même âge que ceux interrogés dans l'enquête ELAP V1[21]. Les indicateurs relatifs au diplôme et à l’emploi ont été calculés à partir des données de l’enquête Emploi 2015 en sélectionnant les jeunes de 18 à 22 ans révolus, dont l'âge moyen est identique à celui des jeunes interrogés dans l'enquête ELAP V2[22]. Ces calculs ont été faits par France Stratégie.

La comparaison des indicateurs calculés à partir de ces trois enquêtes présente toutefois deux limites qu’il convient de garder à l’esprit : l’échantillon de l’enquête ELAP est de petite taille et non représentatif au niveau national, contrairement à l’enquête Emploi et au Panel 2007.

Les résultats tirés de l’enquête ELAP ont été complétés par les enseignements issus de recherches qualitatives portant sur les jeunes placés en protection de l’enfance et par des informations recueillies lors d’auditions menées par France Stratégie[23].

Des parcours scolaires souvent heurtés 

Des difficultés importantes et cumulées 

Dès l’école primaire, de nombreux jeunes placés en protection de l’enfance rencontrent des difficultés scolaires qui se manifestent par des taux de redoublement particulièrement élevés. Ainsi, parmi ceux nés en France interrogés dans l’enquête ELAP V1 en 2013-2014, 40 % avaient redoublé à l’école primaire (voir Tableau 1), soit une proportion 2,5 fois plus élevée que celle constatée pour l’ensemble des jeunes du même âge nés en France (16 %). Les jeunes placés ont également redoublé plus souvent à l’école primaire que ceux issus de familles à dominante ouvrière (22 %) ou de familles composées d’un seul parent actif employé ou ouvrier (31 %). Au collège, ils ont davantage redoublé (21 %) que l’ensemble des jeunes (14 %) mais pas plus que les jeunes d’origine très modeste (20,5 %) et la plus modeste (21 %). Finalement, seuls 43 % des jeunes placés en protection de l’enfance sont arrivés « à l’heure » en troisième, une proportion nettement inférieure à celle de l’ensemble des jeunes (71,5 %), des jeunes issus de familles modestes (61,5 %) et très modestes (52,5 %). En revanche, les jeunes placés ont le même parcours de redoublement que leurs pairs issus de familles inactives.

Redoublement à l’école primaire et au collège

* Champ enquête ELAP V1 : jeunes placés en protection de l’enfance de sept départements (Paris, Seine-et-Marne, Essonne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Nord et Pas-de-Calais) nés en France métropolitaine et DROM et âgés de 17 à 20 ans en 2013-2014 (hors jeunes placés par les services de la Protection judiciaire de la jeunesse). 

** Champ Panel 2007 de la DEPP : élèves nés en France entrés pour la première fois en sixième en 2007 dans un collège public ou privé de France métropolitaine  ou des DOM (hors Mayotte).  

Lecture : 40 % des jeunes placés en protection de l'enfance ont redoublé au moins une fois à l’école primaire, contre 16 % pour l’ensemble des jeunes du même âge.  

Sources : enquête ELAP V1 ; Panel 2007 de la DEPP, calculs France Stratégie

Les parcours des jeunes placés en protection de l’enfance sont également marqués par des périodes de déscolarisation. Fréquentes l’année au cours de laquelle survient le placement[24], ces déscolarisations progressent à partir de l’âge de 11 ans[25]. Parmi les jeunes placés nés en France interrogés dans l’enquête ELAP V1, 24 % ont été déscolarisés au moins une fois pendant deux mois ou plus au cours de leur scolarité[26].

Les jeunes placés sont aussi beaucoup plus nombreux à avoir fréquenté une classe de l’enseignement spécialisé, qui scolarise des enfants en grande difficulté ou en situation de handicap : c’est le cas pour 28 % des jeunes placés nés en France interrogés dans l’enquête ELAP V1, contre seulement 4 % de l’ensemble des jeunes nés en France (voir Tableau 2). Ce taux est aussi inférieur à 10 % pour les jeunes issus des familles modestes et très modestes. En revanche, il frôle les 20 % pour les jeunes dont les parents sont inactifs.

À 17 ans, quasiment 20 % des jeunes placés nés en France ont des difficultés pour lire ou écrire le français[27]. À titre de comparaison, sur les 750 000 jeunes de 17 ans et plus ayant participé à la journée Défense et Citoyenneté en 2014, un peu moins de 10 % présentaient des difficultés de lecture[28]. Des entretiens auprès de professionnels (éducateurs spécialisés, psychologues et cadres de direction) concernés par la scolarité des jeunes âgés de 12 à 18 ans placés dans quatre Maisons d’enfants à caractère social (MECS) confirment le cumul des difficultés rencontrées par les enfants dont ils ont la charge : retard en lecture, en écriture, en mathématiques, difficultés de compréhension, d’imagination et d’attention[29].

Scolarisation dans l’enseignement spécialisé

Note : pour les élèves du Panel 2007 de la DEPP, l’enseignement spécialisé concerne les classes de SEGPA au collège, les classes relais, les UPI, les CPA, les  DIMA, les Formations apprenti junior, les CLIPA, les IME, les Missions générales d’insertion et autres scolarités. Pour les jeunes placés en protection de l’enfance, il  s’agit des classes de SEGPA, des CLIS, des GCA, des EREA et des IME-IMP-IMPRO32. À la rentrée de septembre 2015, les CLIS ont été remplacées par les ULIS.  

Lecture : 28 % des jeunes placés en protection de l’enfance ont fréquenté au moins une classe de l’enseignement spécialisé au cours de leur scolarité, contre 4 %  pour l’ensemble des jeunes du même âge.  

Sources : enquête ELAP V1 ; Panel 2007 de la DEPP, calculs France Stratégie

Des études courtes, souvent dans la voie professionnelle 

Les trajectoires scolaires des jeunes placés en protection de l’enfance se distinguent aussi par une orientation précoce dans la voie professionnelle courte et par un faible accès à l’enseignement supérieur (voir Tableau 3). Une petite moitié (46 %) des jeunes placés âgés de 18 à 22 ans sont titulaires d’un diplôme professionnel, et plus souvent d’un CAP-BEP (30 %)[30] que d’un bac professionnel (16 %)[31]. Les jeunes du même âge sont bien moins nombreux à avoir obtenu un diplôme dans la voie professionnelle (26 %) et lorsque c’est le cas, la moitié est allée jusqu’au bac professionnel. Même les jeunes issus de familles à dominante ouvrière sont moins nombreux à être titulaires d’un CAP-BEP. Cette prépondérance de la voie professionnelle dans les parcours des jeunes placés a pour conséquence leur éviction de la voie générale : seuls 12 % possèdent un bac général ou un diplôme de l’enseignement supérieur, soit trois fois moins que pour l’ensemble des jeunes (39 %). Même parmi les jeunes d’origine la plus modeste, la proportion est un peu plus élevée (15 %).

Diplôme le plus élevé obtenu par les jeunes âgés en moyenne de 20 ans en 2015

Lecture : 17 % des jeunes placés ou ayant été placés en protection de l’enfance sont sans diplôme, contre 8 % pour l’ensemble des  jeunes du même âge. 

Sources : enquête ELAP V2 ; enquête Emploi 2015 et enquêtes Emploi 2014-2015-2016 empilées, calculs France Stratégie

Enfin, les jeunes placés sont deux fois plus souvent dépourvus de tout diplôme (17 %) que l’ensemble des jeunes (8 %). En revanche, ils ne le sont pas plus que les jeunes issus de familles monoactives d’employé ou d’ouvrier, et nettement moins que ceux issus des familles les plus modestes, qui se distinguent de tous les autres par un taux très élevé (30 %) de sortie du système éducatif sans aucun diplôme.

Ces écarts sont observés sur des échantillons de jeunes âgés en moyenne de 20 ans. Il est difficile de prévoir quelle sera leur ampleur pour les diplômes définitifs. D’un côté, les jeunes placés redoublant souvent, il est probable que parmi ceux interrogés à 18 ans, certains obtiendront un CAP-BEP ou un bac (professionnel ou général) plus tard, à 19, 20 ou 21 ans. De l’autre côté, 59 % des jeunes placés étaient déjà sortis de formation initiale lorsqu’ils ont été interrogés dans l'enquête ELAP V2 (voir plus loin, Tableau 9), alors qu’au même âge, 60 % des jeunes du Panel 2007 suivaient encore des études, y compris en alternance, avec donc la possibilité d’obtenir un diplôme supérieur[33].

De multiples facteurs explicatifs 

Un contexte familial peu propice aux apprentissages scolaires 

La situation des jeunes avant le placement est marquée par des difficultés familiales multiples susceptibles d’affecter leur scolarité : ruptures familiales[34], décès de l’un ou des deux parents[35], négligences et maltraitances parentales[36], violences et conflits conjugaux[37]. Les négligences, par le manque de stimulation ou le stress qu’elles génèrent, nuisent au développement cérébral de l’enfant[38]. Les maltraitances créent des difficultés psychiques[39], cognitives, émotionnelles et comportementales qui entravent les apprentissages [40]. Elles favorisent aussi l’apparition de troubles anxieux, de dépression et de difficultés relationnelles, résultat d’un attachement précoce insécure ou désorganisé : « Finalement, les raisons qui conduisent au placement sont les mêmes que celles qui conduisent au développement de la plupart des troubles psychopathologiques de l’enfant et de l’adolescent[41] » et elles ont pour conséquence de « marque[r] négativement les parcours scolaires[42] ».

Outre les périodes de retour en famille qui sont parfois l’occasion d’une réitération des comportements maltraitants, les jeunes placés peuvent être confrontés à des violences au sein des structures de placement en protection de l’enfance. Il n’existe pas de statistiques exhaustives à ce sujet, mais les témoignages recueillis dans le cadre de l’enquête ELAP montrent que les violences entre adultes et enfants sont présentes dans certaines familles d’accueil et qu’il s’agit souvent de violences psychologiques et éducatives[43], et de nombreux jeunes placés en foyer décrivent des violences physiques, psychologiques ou sexuelles entre pairs. Ce continuum des violences familiales aux violences institutionnelles[44] entretient les facteurs perturbant les apprentissages.

Le handicap à l’origine d’orientations vers l’enseignement spécialisé 

La proportion importante de scolarités suivies dans l’enseignement spécialisé tient en partie à la surreprésentation des situations de handicap chez les jeunes placés. Parmi les jeunes de 17 à 20 ans placés en famille d’accueil interrogés en 2013-2014 dans l’enquête ELAP V1 (hors mineurs isolés étrangers), 10 % étaient en situation de handicap[45], soit sept fois plus que pour l’ensemble des jeunes âgés de 15 à 19 ans en 2021 (1,2 %)[46]. Fin 2018, les jeunes en situation de handicap accompagnés par les structures médicosociales pour enfants ou adolescents représentaient 8 %[47] des mineurs et jeunes majeurs placés au titre de l’ASE, contre 1 % des jeunes en population générale[48]. Bien que ce chiffre de 8 % inclut les mineurs non accompagnés, l’ordre de grandeur est donc le même que celui observé pour les jeunes placés en familles d'accueil[49]. Cette forte prévalence du handicap chez les jeunes placés au titre de l’ASE peut s’expliquer notamment par leur vécu qui a conduit au placement et qui les surexpose au développement de troubles psychiques[50]. De fait, dans les établissements et les services accompagnant des enfants ou adolescents handicapés, les bénéficiaires de l’ASE présentent beaucoup plus souvent des troubles du psychisme, du comportement ou de la communication[51]. En 2015, un rapport du Défenseur des droits soulignait que la prévalence du handicap résulte aussi du fait que des jeunes en situation de handicap sont, en l’absence de réponses adaptées à leurs besoins, placés par défaut dans des structures relevant de la protection de l’enfance[52].

Ce même rapport pointait aussi de « véritables parcours de déscolarisation » : aux ruptures de scolarisation fréquentes chez les jeunes porteurs de handicap s’ajoutent celles tout aussi fréquentes parmi les jeunes pris en charge par l’ASE, les deux s’amplifiant mutuellement et constituant « une double peine »[53]. D'après lui, plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation. Premièrement, la majorité des prises en charge des jeunes handicapés en protection de l’enfance se fait dans des structures non spécifiques − MECS et familles d’accueil − qui ne disposent pas des moyens nécessaires (« insuffisance du nombre d’encadrants, absence de formation, absence de logique de soins[54]... ») à un accompagnement satisfaisant. Deuxièmement, les établissements médicosociaux, qui assurent une prise en charge scolaire, éducative et thérapeutique adaptée aux besoins des enfants en situation de handicap[55], « se trouvent parfois réticents à accueillir les enfants ASE[56] », car ils sont nombreux à présenter des troubles du comportement qui font d’eux des « profils plus compliqués à traiter[57]». Troisièmement, les politiques publiques dont relèvent les jeunes en situation de handicap pris en charge par l’ASE « sont organisées en “silos” [et] vont s’ignorer : politique de la protection de l’enfance, politique du handicap, politique de soutien à la parentalité, politique d’éducation et de scolarisation, politique de lutte contre la pauvreté et l’exclusion[58] ».

Des jeunes souvent issus d’un milieu familial défavorisé, aux conditions de vie précaires et aux ambitions limitées

L’origine sociale est la caractéristique héritée qui pèse le plus sur les trajectoires scolaires. Dans le cas des jeunes placés, le milieu social de leur famille biologique a d’autant plus de poids que le placement intervient tardivement[59] et sur une durée limitée. Il peut continuer de jouer en cours de placement lorsque des liens familiaux sont maintenus ou en cas de retour dans la famille d’origine après un placement. Et même lorsque les jeunes sont mis à distance de leurs parents, l’influence de la famille d’origine sur la scolarité persiste[60]. Toutes les études convergent pour montrer que les jeunes issus de familles modestes réussissent moins bien scolairement que ceux qui ont grandi dans une famille favorisée[61]. Or un faisceau d’indices concordants issus des recherches qualitatives et de l’enquête ELAP amène à penser que les jeunes placés en protection de l’enfance proviennent en moyenne d’un milieu social beaucoup plus défavorisé, marqué par un cumul de difficultés, que l’ensemble des jeunes. Leurs parents ont souvent suivi une scolarité courte qui les met en difficulté pour soutenir la scolarité de leurs enfants[62]. Dans l’enquête ELAP V2, parmi les jeunes qui ont renseigné le niveau scolaire de leurs parents[63], un tiers d’entre eux ont indiqué que leur parent ayant été le plus loin avait été scolarisé au plus jusqu’au collège (voir Tableau 4)[64]. La même année, 11 % de l’ensemble des jeunes âgés de 22 ans nés en France, soit une proportion trois fois plus faible, avaient des parents titulaires au plus du brevet des collèges (voir Tableau 5)[65].

Niveau scolaire des parents des jeunes placés en protection de l’enfance

Note : les pourcentages sont calculés sur les jeunes ayant renseigné le  niveau scolaire d’au moins un parent (65 %).   

Champ enquête ELAP V2 : jeunes placés ou ayant été placés en protection de  l’enfance de sept départements (Paris, Seine-et-Marne, Essonne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Nord et Pas-de-Calais), nés en France métropolitaine et DROM et âgés de 18 à 22 ans révolus en 2015 (hors jeunes placés  par les services de la Protection judiciaire de la jeunesse). 

Lecture : 48 % des jeunes placés en protection de l’enfance ont indiqué  que leurs parents avaient été scolarisés jusqu’au lycée (il s’agit du parent  qui a été le plus loin scolairement).   

Source : enquête ELAP V1

Niveau de diplôme des parents en population générale et des familles d’accueil

* Champ : individus nés en France métropolitaine âgés de 22 ans en 2014-2015. 

Lecture : parmi les jeunes âgés de 22 ans en 2014-2015, 11 % ont des parents  qui ont au plus le brevet des collèges (il s’agit du diplôme du parent qui a été  le plus loin). 

Source : enquêtes FQP 2014-2015, calculs France Stratégie 

 

** Champ : France métropolitaine. 

Lecture : 6 % des familles d’accueil sont composées d’un couple ou d’une  personne seule n’ayant jamais dépassé le niveau collège. 

Source : enquêtes annuelles de recensement 2018, 2019 et 2020

L’une des recherches précitées souligne que les parents d’enfants placés entretiennent une relation distante à l’école et nourrissent des espoirs limités pour leurs enfants[66]. Ils occupent des emplois peu qualifiés et précaires, de catégorie ouvrier ou employé. Ils sont souvent sans emploi[67], en situation de pauvreté[68], vivant de minima sociaux[69], avec parfois des situations de mise sous tutelle des prestations ou de surendettement[70], dans des logements surpeuplés ou précaires[71]. L’écart social avec les enseignants, majoritairement issus des catégories sociales moyennes et supérieures, alimente des malentendus sur les attendus de l’école qui pèsent, en sus des conditions de vie précaires, sur la scolarité[72].

Les familles biologiques des enfants placés sont souvent confrontées à des problèmes de santé ou à une situation de handicap de l’un ou des deux parents qui peuvent entraver leur capacité d’aider et de suivre la scolarité de leur enfant. La recherche précitée constate que près de 30 % des mères et 17 % des pères souffrent d’une maladie (physique ou psychique), d’un handicap ou d’une invalidité[73].

Pour les jeunes placés qui ont vécu à un ou plusieurs moments dans leur famille biologique, s’ajoute à ces difficultés le manque de disponibilité de leurs parents pour les soutenir dans leurs apprentissages. Ce manque de disponibilité peut être en partie lié au nombre d’enfants : 45 % des enfants placés interrogés dans l’enquête ELAP V1 avaient plus de trois frères et sœurs, demi-frères et demi-sœurs, contre 13 % pour l’ensemble des enfants du même âge (voir Tableau 6).

Nombre de frères et sœurs, demi-frères et demi-sœurs

Note : pour les jeunes placés en protection de l’enfance, les chiffres portent sur la période 2013-2014 alors que pour les jeunes du Panel 2007, ils portent sur l’année 2011. 

Lecture : 45 % des jeunes placés en protection de l’enfance ont plus de trois frères et sœurs, demi-frères et demi-sœurs, contre 13 % pour l’ensemble des jeunes.

Sources : enquête ELAP V1 ; Panel 2007 de la DEPP, calculs France Stratégie

Les fratries nombreuses sont également beaucoup moins fréquentes dans les familles modestes (15 %) et très modestes (21 %). En revanche, la proportion est identique chez les jeunes ayant grandi dans des familles inactives.

Enfin, le faible contrôle parental, résultat de situations familiales précaires et conflictuelles, peut créer chez les jeunes placés une difficulté à se conformer aux normes comportementales et relationnelles[74] en vigueur dans le milieu scolaire. Mis précocement en situation d’autonomie[75], ces jeunes risquent de s’inscrire dans une relation conflictuelle avec leurs enseignants, jusqu’à l’exclusion.

Au total, si le faible capital culturel et économique du milieu de naissance, les conditions de vie difficiles et les faibles ambitions parentales pèsent sur les parcours scolaires des jeunes placés comme pour les autres enfants de familles défavorisées, ces facteurs se cumulent fréquemment à des difficultés familiales spécifiques, notamment à de la maltraitance, pour grever davantage la scolarité des jeunes placés[76].

Une origine sociale défavorisée qui peut être compensée par les aspirations élevées de la famille d’accueil 

Lorsque les jeunes sont placés très tôt en protection de l’enfance, le capital culturel, économique et social dont ils disposent pour se développer paraît être moins celui de leurs parents biologiques que de leur famille d’accueil. Celle-ci peut devenir « le cadre socialisateur principal[77] » et se substituer à la famille de naissance[78]. Dans l’enquête ELAP V1, 32 % des jeunes placés, hors mineurs isolés étrangers, ont cité au moins un membre de leur famille d’accueil comme personne ayant joué un rôle de parent[79]. Auditionné dans le cadre de cette note, le fondateur d’une association Adepape Repairs! a indiqué que les enfants placés se considèrent comme appartenant au même milieu social que leur famille d’accueil, surtout en cas de placement dans une seule famille. Les parents biologiques peuvent même apparaître comme des contre-modèles à ne pas reproduire. Dans une recherche réalisée auprès de trente jeunes ayant connu un placement familial, dix d’entre eux ont déclaré se sentir affiliés exclusivement à leur famille d’accueil et quinze affilliés à la fois à la famille d’accueil et à leur famille d’origine[80]. Au vu des emplois exercés par les conjoints des assistants familiaux et le cas échéant par ces assistants avant l’entrée dans la profession, les auteurs concluent que les familles d’accueil relèvent des « classes dites populaires supérieures » ou des « classes moyennes inférieures ». Une enquête nationale de la DREES réalisée en 2021 confirme ce positionnement social. D’une part, les assistants familiaux se caractérisent par une longue présence sur le marché du travail[81], alors que les parents biologiques des enfants placés sont souvent durablement éloignés de l’emploi. D’autre part, parmi les 87 % d’assistants familiaux en couple, 67 % ont un conjoint qui occupe un emploi et 30 % un conjoint inactif, principalement à la retraite. Parmi les conjoints qui travaillent, 55 % sont employés, 16 % ouvriers et 9 % cadres ou professionnels libéraux.

Les recherches qualitatives montrent également des familles d’accueil qui se distinguent des familles biologiques par un niveau de diplôme plus élevé[82]. Ce constat est confirmé à l’échelle nationale. Dans les enquêtes annuelles de recensement 2018-2020, seules 6 % des familles d’accueil métropolitains sont composées d’un couple ou d’une personne seule n’ayant pas dépassé le niveau collège[83] (voir Tableau 5 supra), soit une proportion 5,5 fois plus faible que parmi les parents biologiques des jeunes placés (voir Tableau 4 supra). Pour 35 % de ces familles d’accueil, le diplôme le plus élevé est supérieur au bac, alors que seuls 19 % des jeunes ayant connu un placement ont déclaré que leurs parents avaient atteint un niveau scolaire supérieur au lycée.

Les jeunes placés dans des familles d’accueil ont donc grandi dans un milieu social globalement plus favorisé − dont ils ont pu intégrer certaines valeurs, notamment l’importance de la scolarité pour l’avenir − que leur milieu social biologique. Compte tenu du rôle prépondérant en France de l’origine sociale dans les trajectoires scolaires[84], cet accès à un milieu plus favorisé peut contribuer à améliorer la réussite scolaire des jeunes placés. Même si l’exemple ne peut être généralisé, l’audition d’une jeune fille placée chez un tiers de confiance va dans ce sens : « J’ai été placée dans une famille où les parents étaient cadres supérieurs et finalement l’environnement joue aussi énormément. Ça a été une béquille dans les moments où ce que me disait l’ASE me décourageait complètement. »

D’autres caractéristiques liées à la famille de placement sont également importantes : l’intérêt porté à la scolarité des jeunes placés, des attentes élevées à leur égard[85], les encouragements prodigués par les assistants familiaux, leur implication au quotidien dans le suivi scolaire et l’accompagnement aux devoirs constituent des facteurs favorables à la réussite scolaire[86]. Une recherche qualitative montre ainsi que les jeunes ayant réussi scolairement ont été placés dans des familles d’accueil qui avaient les mêmes attentes scolaires à leur égard que pour leurs propres enfants[87]. Surtout, ces familles « croient en l’ascenseur social incarné par l’école et incitent les enfants à s’investir dans ce domaine[88] ». À l’inverse, les représentations pessimistes qu’ont certains assistants familiaux sur la scolarité des enfants placés peuvent contribuer à la faiblesse des attentes et des aspirations pour les enfants[89]. S’ajoute à ces déterminants de la réussite scolaire l’envie des assistants familiaux de venir en aide à des enfants en difficulté, qui constitue la motivation la plus fréquente des assistants familiaux dans le choix de leur activité professionnelle[90]. Cette envie peut naître d’une expérience personnelle : 15 % des assistants familiaux − environ cinq fois plus souvent que dans la population générale − ont eux-mêmes été des enfants placés (en famille d’accueil dans quatre cas sur cinq)[91].

Des attentes scolaires plus fortes à l’égard des jeunes placés en établissement lorsque les éducateurs ont eux-mêmes connu une mobilité sociale ascendante 

De nombreux jeunes placés développent des relations privilégiées avec leurs éducateurs : dans l’enquête ELAP V1, 77 % des interrogés déclarent s’entendre très bien avec leurs éducateurs[92] et près d’un sur dix considère même que les éducateurs ou éducatrices de l’ASE ont joué un rôle de parent[93]. Ces éducateurs, classés en professions intermédiaires[94], sont donc susceptibles d’influer sur la trajectoire scolaire des jeunes placés.

Leur influence transite, comme pour les familles biologiques et les familles d’accueil, par leurs attentes à l’égard des jeunes placés. Une recherche menée dans deux villages d’enfants établit ainsi un lien entre le parcours professionnel des éducatrices et leurs attentes à l’égard des enfants dont elles ont la charge[95] : les intervenantes au parcours ascendant ont le sentiment que les enfants placés peuvent évoluer scolairement et professionnellement, pour peu qu’on les encourage et qu’on leur donne envie de réussir. À l’inverse, celles qui ont connu des parcours de déclassement ou des situations d’échec scolaire prônent pour les jeunes des filières courtes et une insertion rapide et invitent à ne « pas trop les pousser ». Une recherche portant sur la scolarité des enfants placés en établissement a identifié quelques éducateurs qui, ayant une expérience dans l’enseignement, accordaient une place prépondérante à la scolarité des jeunes dans leur pratique professionnelle et nourrissaient des ambitions élevées pour ces derniers[96].

Mais ces cas sont minoritaires. La plupart des travaux montrent que les attentes scolaires des éducateurs à l’égard des jeunes placés en établissement sont au contraire souvent peu ambitieuses[97], nourries par le constat de leurs nombreuses difficultés scolaires, mais aussi par une représentation négative de leur parcours scolaire et une anticipation pessimiste de la fin du placement[98] : « quel que soit leur niveau scolaire, ces derniers sont perçus comme promis à un avenir sombre[99] ». Les éducateurs étalonnent alors leurs attentes à ce qui leur paraît « probablement accessible pour assurer [aux jeunes placés] une situation professionnelle quelle qu’elle soit[100] ».

Par ailleurs, les professionnels qui travaillent en établissement ont pour référence scolaire les enfants placés dans la structure, alors que la famille d’accueil se réfère en général à ses propres enfants[101]. Tirées vers le haut dans le second cas, les attentes à l’égard des enfants placés tendent au contraire à être nivelées par le bas dans le premier cas. 

En outre, bien que les professionnels de l’ASE aient un rapport quotidien avec le monde scolaire[102], la scolarité est souvent reléguée au second plan dans le travail des éducateurs spécialisés, considérée comme une tâche subsidiaire[103]. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation : le placement vise avant tout à fournir au jeune un cadre sûr et sécurisant ; la scolarité ne figure pas dans les objectifs assignés aux établissements de placement ; la faible place donnée à la scolarité − voire sa dévalorisation − dans la formation des éducateurs [104] alimente une attitude distante, parfois défiante, vis-à-vis de la scolarité ; enfin les taux d’encadrement peuvent être trop faibles pour permettre un suivi individualisé de la scolarité des jeunes[105]. Certains éducateurs limitent leur aide aux devoirs aux matières dans lesquelles ils s’estiment compétents[106]. L’enquête réalisée par la Haute Autorité de santé montre qu’environ deux mineurs sur dix en MECS et quatre sur dix en foyer de l’enfance ne bénéficient pas d’un accompagnement scolaire et que dans environ 50 % des établissements, l’aide aux devoirs n’est que « parfois » proposée[107]. Tous ces facteurs se traduisent par un manque d’accompagnement de la scolarité des jeunes placés, auquel s’ajoutent des exigences scolaires réduites de la part des éducateurs. Or « [e]n ayant des attentes réduites, les éducateurs participent malgré eux à la reproduction sociale de la marginalisation scolaire des enfants placés[108] ».

Une scolarité axée sur une autonomie financière précoce 

Pour les jeunes placés, qu’ils vivent en établissement ou en famille d’accueil, l’orientation massive dans la voie professionnelle est la conséquence des difficultés scolaires accumulées au long de leur scolarité. Mais elle résulte aussi du système de la protection de l’enfance qui fait sortir les jeunes du dispositif de placement à 18 ans[109] et les contraint à une autonomie financière dès cet âge couperet.

Dans ce contexte institutionnel, conscients que les jeunes placés ne peuvent pas compter sur la solidarité familiale, les professionnels de l’ASE les découragent souvent, dès 15 ans, de poursuivre des études supérieures. Ils les incitent à revoir leurs ambitions à la baisse et à suivre des études courtes et professionnalisantes[110]. Pourtant, 77 % des jeunes placés encore scolarisés à 17 ans et interrogés dans l’enquête ELAP V1 ont exprimé le souhait de continuer leurs études[111] et un quart de ceux préparant un CAP et un tiers de ceux préparant un bac professionnel n’avaient jamais redoublé avant cette orientation[112]. Ainsi, « dans un contexte de démocratisation de l’accès aux études supérieures qui en prolonge la durée au-delà des limites d’âge de la protection de l’enfance, les jeunes placés qui aspirent à les continuer sont souvent freinés dans leurs possibilités[113] ». Cette orientation vers les voies courtes et professionnelles, qui tient également en partie à une méconnaissance des travailleurs sociaux du système éducatif auquel ils ne sont pas formés[114], a aussi pour conséquence que les jeunes placés sont parfois orientés vers les filières professionnelles jugées les plus abordables mais aux débouchés limités, rendant ainsi difficile une insertion professionnelle qu’elle était censée accélérer[115]. Cette pratique conduit à orienter certains jeunes vers des filières qui ne correspondent pas à leurs aspirations, y compris ceux qui ne rencontraient pas de difficultés scolaires[116].

Un milieu scolaire qui n’offre pas toujours le soutien scolaire nécessaire 

Alors que les jeunes placés ont besoin d’un accompagnement scolaire lorsque celui-ci n’est pas assuré dans leur lieu de placement, les enseignants peuvent se trouver mis en difficulté par le fait que les spécificités et la complexité des parcours de ces jeunes ne sont pas toujours prises en compte comme des besoins éducatifs particuliers, souvent restreints au champ du handicap, selon une recherche qualitative récente[117]. Par ailleurs, les enseignants s’estiment insuffisamment formés et informés sur la protection de l’enfance[118]. Ils peuvent éprouver des difficultés à repérer les interlocuteurs en charge de l’enfant placé et à établir avec eux des collaborations, d’autant que la rotation des travailleurs sociaux et leur manque de disponibilité constituent des freins supplémentaires[119]. Dans la recherche qualitative citée ci-dessus, les professionnels de l’Éducation nationale interrogés déplorent ainsi presque unanimement le manque de contact avec les services de protection de l’enfance[120].

Des destins scolaires qui dépendent fortement des modalités de placement

Les parcours de placement peuvent être un obstacle ou au contraire une ressource pour les trajectoires scolaires. L’âge au début du placement, la durée et le mode de placement jouent ici un rôle important[121].

La continuité du placement et de la scolarité, en favorisant le développement de liens d’attachement, est un facteur de stabilité relationnelle et de sécurisation de l’enfant qui rend possible l’investissement scolaire et peut assurer un rôle protecteur pour les trajectoires scolaires[122]. À l’inverse, l’instabilité des lieux de placement − donc des établissements scolaires fréquentés − est souvent déstabilisatrice pour les jeunes et peut créer des ruptures de scolarité auquel le système de protection de l’enfance ne prête pas toujours une attention suffisante[123]. Répétées, ces ruptures affectent le développement de l’enfant et peuvent enrayer ses progrès scolaires. Les incertitudes qui pèsent sur les lieux de vie − modifiables par décision des professionnels, de la famille ou du juge, avec à la clé des allers-retours éventuels entre l’établissement et la famille − sont pour les jeunes des sources de préoccupation qui nuisent à leur capacité de concentration et parasitent leurs apprentissages[124]. Dans l’enquête ELAP V1, seuls 35 % des jeunes interrogés de 17 ans nés en France et 26 % des 18-20 ans nés en France n’ont connu qu’un seul lieu de placement ; ils sont respectivement 25 % et 30 % à en avoir connu au moins quatre (voir Tableau 7 )[125].

Nombre de lieux de placement en protection de l'enfance selon l'âge

Champ enquête ELAP V1 : jeunes placés en protection de l’enfance de sept  départements (Paris, Seine-et-Marne, Essonne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Nord et Pas-de-Calais), nés en France métropolitaine et DROM et  âgés de 17 à 20 ans en 2013-2014 (hors jeunes placés par les services de la  Protection judiciaire de la jeunesse). 

Lecture : 35 % des jeunes placés en protection de l’enfance âgés de 17 ans  ont connu un seul lieu de placement, contre 26 % pour ceux âgés de 18 à 20 ans.  

Source : enquête ELAP V1

L’âge d’entrée en placement ne joue pas de manière univoque sur les parcours scolaires. Dans l’enquête ELAP V1, les jeunes nés en France placés avant l’école primaire sont les plus nombreux à avoir suivi une scolarité sans redoublement (41 % contre 31 % pour l’ensemble des jeunes placés)[126]. Mais plus les enfants entrent tôt en protection de l’enfance, plus leur parcours scolaire est aménagé par des orientations dans l’enseignement spécialisé, ce qui entraîne des écarts à la norme scolaire de plus en plus importants et obère leurs chances de réussite[127]. Un placement précoce peut donc tout autant être un facteur de risque que protecteur pour la scolarité. Le cumul de ces deux effets opposés pourrait expliquer pourquoi la situation scolaire à 17 ans diffère finalement assez peu selon l’âge au premier placement (voir Tableau 8). Le principal écart est la proportion plus importante (14 %) de jeunes placés avant l’école primaire dans des classes non diplômantes[128], comparativement aux jeunes placés durant l’école primaire (8 %) ou après l’école primaire (7 %).

Situation scolaire à 17 ans selon l’âge au premier placement en protection de l'enfance

Champ enquête ELAP V1 : jeunes placés en protection de l’enfance de sept départements (Paris, Seine-et-Marne, Essonne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Nord et Pas-de-Calais) nés en France métropolitaine et DROM et âgés de 17 à 20 ans en 2013-2014 (hors jeunes placés par les services de la Protection judiciaire de la jeunesse). 

Lecture : 12 % des jeunes placés en protection de l’enfance avant l’âge de 6 ans étaient sans formation au moment de l’enquête. 

Sources : enquête ELAP V1 ; Dumoulin C. et Frechon I. (2022), « Scolarité des enfants placés », op. cit.

Situation d’emploi des jeunes âgés en moyenne de 20 ans en 2015

Lecture : 35 % des jeunes placés ou ayant été placés en protection de l’enfance sont étudiants, contre 54 % pour l’ensemble des jeunes. 

Sources : enquête ELAP V2 ; enquête Emploi 2015 et enquêtes Emploi 2014-2015-2016 empilées, calculs France Stratégie

Enfin, les modes de placement n’offrent pas tous les mêmes possibilités d’apprentissage. Le cadre de vie en établissement peut rendre difficile le travail scolaire. Une recherche menée dans quatre MECS montre que les jeunes interrogés ne disposent pas d’une pièce consacrée − même temporairement − au travail scolaire[129]. Ce dernier se fait dans les pièces de vie commune ou dans les chambres collectives. À l’inverse, l’organisation de la vie quotidienne autour de la scolarité (horaires de coucher, de lever, des repas, temps pour le travail scolaire) instaurée par certains assistants familiaux constitue un cadre propice à la réussite scolaire. Parmi les jeunes (hors mineurs isolés étrangers) interrogés dans l’enquête ELAP V2, ceux dont le dernier placement est une famille d’accueil sont moins nombreux à être sortis du système éducatif sans aucun diplôme (25 %) et à avoir connu des périodes de déscolarisation (11 %) que l’ensemble des jeunes placés (respectivement 30 % et 21 %). Mais ils ont aussi davantage redoublé et sont moins souvent titulaires d’un bac général ou technologique ou d’un diplôme de l’enseignement supérieur[130].

Une entrée précoce sur le marché du travail

L’orientation dans la voie professionnelle a pour conséquence que les jeunes placés en protection de l’enfance intègrent le marché du travail plus tôt que l’ensemble des jeunes : à l’âge moyen de 20 ans en 2015, 60 % des jeunes placés occupaient déjà un emploi ou en cherchaient un (voir Tableau 9). Au même âge et la même année, les jeunes des autres catégories poursuivaient plus souvent leurs études. Les jeunes placés sont aussi moins nombreux à être inactifs, ce qui pourrait s’expliquer par l’absence de soutien financier et résidentiel de leurs parents[131] et par une volonté de s’insérer rapidement dans la vie sociale et professionnelle en vue d’acquérir une indépendance financière. Dans l’enquête ELAP V2, les situations d’inactivité concernent surtout des jeunes porteurs d’un handicap les empêchant de travailler ou qui attendent ou élèvent un enfant [132]. Finalement, malgré des parcours de redoublement similaires, la situation d’emploi des jeunes placés et des jeunes issus de familles inactives diffère fortement : les premiers sont quatre fois moins souvent inactifs et trois fois plus souvent en emploi que les seconds, ce qui peut être relié à la plus faible part sans diplôme.

Les emplois occupés par les jeunes placés ne sont pas très différents de ceux des jeunes qui travaillent déjà, quand 75 % des jeunes issus de familles favorisées poursuivent des études supérieures[133]. D’une part, la proportion d’emplois stables et d’emplois aidés est quasiment identique dans les quatre catégories de jeunes étudiées (voir Tableau 10)[134]. Si les emplois précaires sont moins fréquents parmi les jeunes placés, la part des situations inconnues est plus élevée, ce qui rend difficile une interprétation claire. D’autre part, les positions sociales sont relativement proches, situées en bas de l’échelle sociale pour les trois catégories de jeunes et pour l’ensemble des jeunes (voir Tableau 11). La faiblesse des effectifs pour les jeunes placés invite toutefois à considérer ces résultats avec prudence.

Type de contrat des jeunes occupant un emploi, âgés en moyenne de 20 ans en 2015

Lecture : 31 % des jeunes placés ou ayant été placés en protection de l’enfance occupent un emploi stable (CDI ou fonctionnaire), contre 29 % de l’ensemble des jeunes. 

Sources : enquête ELAP V2 ; enquête Emploi 2015, calculs France Stratégie

Catégorie socioprofessionnelle des jeunes occupant un emploi

Lecture : 31 % des jeunes placés ou ayant été placés en protection de l’enfance occupent un emploi stable (CDI ou fonctionnaire), contre 29 % de l’ensemble des jeunes. 

Sources : enquête ELAP V2 ; enquête Emploi 2015, calculs France Stratégie

Conclusion

Les trajectoires scolaires et professionnelles des jeunes placés en protection de l’enfance résultent de l’alchimie qui s’opère entre ce qui est hérité de l’avant-placement, ce qui se transmet pendant le placement et comment s’opère la sortie de placement. Ce dernier peut restaurer partiellement les chances de réussite scolaire et professionnelle mais aussi produire des sources de perturbation susceptibles d’amoindrir les effets positifs escomptés de l’éloignement de la famille. Il en résulte qu’au-delà des indéniables traits communs dont témoignent les moyennes statistiques, les trajectoires scolaires des enfants placés, comme pour l’ensemble des enfants, sont marquées par la diversité[135].

Néanmoins, parce qu’il est orienté sur l’objectif d’autonomie financière précoce, le placement contribue peu à restaurer les chances d’obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur et d’accéder au haut de la hiérarchie sociale. Il est probable que les jeunes placés, majoritairement titulaires d’un diplôme professionnel, restent durablement au bas de l’échelle sociale[136]. Certes, en l’absence de placement, les destinées de ces jeunes auraient certainement été plus défavorables. Sous la pression des éducateurs pour décrocher un diplôme synonyme d’autonomie financière, et grâce au soutien scolaire qu’apportent certains assistants familiaux, les jeunes placés sortent mieux armés du système éducatif que les jeunes issus de familles inactives. En outre, comme tous les jeunes, ils peuvent parfaitement s’épanouir dans les emplois moins « prestigieux » qu’ils occupent. Il n’en demeure pas moins que leurs ambitions professionnelles sont souvent bridées, qu’ils n’ont pas le temps d’expérimenter pour choisir un métier et qu’ils sont parfois contraints d’en exercer un ne correspondant pas à leurs souhaits.

La « loi Taquet » de février 2022, en prolongeant l’accompagnement jusqu’à 21 ans, devrait faciliter l’accès des jeunes placés à l’enseignement supérieur et ainsi renforcer leurs chances d’ascension sociale. Mais cela suppose de faire de la réussite scolaire un objectif explicite du placement et d’améliorer la coopération entre l’Éducation nationale et les services de l’ASE[137]. Un suivi statistique régulier, qui reste à mettre place, fournirait aux décideurs politiques comme à tous les acteurs concernés l’outil nécessaire pour mieux apprécier les effets des politiques menées et pour suivre sur le long terme les trajectoires de vie de ces jeunes placés en protection de l’enfance.

[1] Les auteurs remercient Flore Capelier, Alice Lapray, Olivier Monso, Tedjani Tarayoun et Klara Vinceneux pour leur relecture attentive et leurs remarques constructives. Ils remercient Pierre-Yves Cusset pour les calculs faits à partir de l’une des enquêtes exploitées dans cette note. Ils remercient également Alissa Denissova, Diodio Metro, Léo Mathey et les trois jeunes qui ont accepté de partager leur expérience de placement et leurs réflexions nourries par leur volonté d’améliorer le devenir des jeunes placés en protection de l’enfance. 

[2] Voir par exemple Dabet G., Épiphane D. et Personnaz E. (2023), « Parcours scolaires et insertion professionnelle : l’implacable effet de l’origine sociale », Céreq Études, n° 51, octobre ; Sicsic M. (2023), « Qui est mieux classé que ses parents dans l’échelle des revenus ? Une analyse de la mobilité intergénérationnelle en France », Économie et Statistique, n° 540, Insee, octobre ; Peugny C. (2013), Le Destin au berceau. Inégalités et reproduction sociale, Paris, Seuil, coll. « La République des idées ». 

[3] Parmi les jeunes interrogés en 2013-2014 dans l’enquête ELAP V1, hors mineurs isolés étrangers, 33 % n’avaient plus aucun contact avec leur mère et 54 % avec leur père. Voir Frechon I., Breugnot P. et Marquet L. (2017), La fin du parcours en protection de l’enfance. Lorsque le passé dessine l’avenir, 7es rencontres nationales des professionnels des MECS, Paris, 30 et 31 mars, p. 85-110. 

[4] Dans le cadre de l’ASE, les familles d’accueil (ou assistants familiaux) exercent une profession d’accueil permanent à leur domicile de mineurs et jeunes majeurs de moins de 21 ans. 

[5] Éducateurs spécialisés, assistants de service social, psychologues, etc. 

[6] Voir par exemple Dherbécourt C. et Peruyero C. (2024), « Naître en outre-mer : de moindres opportunités que dans les autres régions de France », La Note d’analyse, n° 137, France Stratégie, mai ; Galtier B. et Harfi M. (2023), Politiques publiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes, rapport pour l’Assemblée nationale, France Stratégie, octobre ; Barasz J., Furic P. et Galtier B. (2023), Scolarités. Le poids des héritages, rapport, France Stratégie, septembre ; Dherbécourt C. et Flamand J. (2023), « Inégalité des chances : ce qui compte le plus », La Note d’analyse, n° 120, France Stratégie, avril ; Dherbécourt C. (2018), « Nés sous la même étoile ? Origine et niveau de vie », La Note d’analyse, n° 68, France Stratégie, juillet. 

[7] Picot A. (2022), Revue de littérature « La scolarité des enfants protégés », La Documentation française, ONPE, septembre, p. 7. 

[8] Potin É. (2013), « Protection de l’enfance : parcours scolaires des enfants placés », Politiques sociales et familiales, n° 112, CNAF, p. 89-100, ici p. 89. 

[9] Barasz J., Furic P. et Galtier B. (2023), Scolarités. Le poids des héritages, op. cit. 

[10] Les publications de la DREES utilisent le terme « accueil » des jeunes. On privilégie ici le terme « placement » qui reflète la perception des jeunes concernés. 

[11] Jeunes étrangers présents sur le territoire français sans être accompagnés d’un parent ou d’un représentant légal, appelés avant 2016 « mineurs isolés étrangers ».

[12] Les prestations et mesures financées par l’ASE représentent 99,8 % de l’ensemble des prestations et mesures au titre de la protection de l’enfance (le reste étant financé par le ministère de la Justice). Voir ONPE (2024), « Données sur les prises en charge en protection de l’enfance au 31 décembre 2022. Variations départementales et évolutions », Note Chiffres et analyse, février. 

[13] Source : enquête Aide sociale, DREES. Estimations : ONPE. Voir ONPE (2024), « Données sur les prises en charge en protection de l’enfance au 31 décembre 2022 », op. cit. 

[14] Jeunes étrangers présents sur le territoire français sans être accompagnés d’un parent ou d’un représentant légal, appelés avant 2016 « mineurs isolés étrangers ». 

[15] Ibid. 

[16] Tarayoun T., avec Abassi É., Cheikh-Tidiane Diallo C-T. et Klara Vinceneux K. (2024), « L'aide sociale à l'enfance. Édition 2024 », Les Dossiers de la DREES, n° 119, DREES, juillet

[17] Source : enquête Aide sociale, DREES. Estimations : ONPE. ONPE (2024), « Données sur les prises en charge en protection de l’enfance au 31 décembre 2022 », op. cit.

[18] Les jeunes placés dans ces sept départements représentaient quasiment 22 % des jeunes placés au 31 décembre 2014. Calculs France Stratégie. Source : DREES, « Les bénéficiaires de l’aide sociale à l’enfance 2014 ». 

[19] Sur 100 jeunes placés à 17 ans, 25 % étaient définitivement sortis de prise en charge autour de leur dix-huitième anniversaire, 55 % étaient sortis entre 18 et 20 ans révolus et seuls 20 % bénéficiaient, dans le cadre d’un contrat jeune majeur, d’un prolongement de leur prise en charge jusqu’à leur vingt-et-unième anniversaire, âge auquel la prise en charge par l’ASE est terminée pour tous. Voir Frechon I. et Marquet L. (2023), Ressources des jeunes à la fin de leur parcours de placement à l’Aide sociale à l’enfance, rapport d’étude, Injep, juillet. 

[20] Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, ministère de l’Éducation. 

[21] L’âge moyen est de 18,6 ans dans l’enquête ELAP V1 et de 18,2 ans dans le Panel 2007. 

[22] L’âge moyen est de 20,1 ans dans l’enquête ELAP V2 et de 20,2 ans dans l’enquête Emploi 2015.

[23] Ont été auditionnés trois anciens jeunes placés, devenus responsables d’associations départementales d’entraide des personnes accueillies en protection de l’enfance (Adepape Repairs!) : Alissa Denissova, présidente de l’Adepape Repairs! 44 ; Diodio Metro, présidente de l’Adepape 95-Repairs! 95 et Léo Mathey, fondateur de l’Adepape Repairs! 75. Ont également été auditionnés trois jeunes ayant connu un placement, choisis par les responsables des associations Repairs! citées. 

[24] La priorité est donnée à l’adaptation au nouvel environnement plutôt qu’à la scolarité, et les inscriptions scolaires sont fréquemment retardées pour des questions administratives de suivi de dossier. Voir Dumoulin C. et Frechon I. (2023), « Quand les filles réussissent moins bien à l’école que les garçons. Le cas des enfants placés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) en France », Éducation et Sociétés, 2023/1, n° 49, p. 61-78.

[25] Ces résultats portent sur les seuls jeunes placés en établissement de l’ASE fin 2008. Voir Mainaud T. (2013), « Échec et retard scolaire des enfants hébergés par l’aide sociale à l’enfance », Études et Résultats, n° 845, DREES, juillet. 

[26] Dumoulin C. et Frechon I. (2022), « Scolarité des enfants placés. Hétérogénéité des publics, uniformité des orientations scolaires », Journée d’étude Scolarités et Protection de l’enfance, université de Nanterre, 11 mars.

[27] Dumoulin C. et Frechon I. (2022), « Scolarité des enfants placés », op. cit. 

[28] Vourc’h R., Rivière J-Ph., De La Haye F. et Gombert J.-É. (2015), « Journée Défense et Citoyenneté 2014 : un jeune sur dix handicapé par ses difficultés de lecture », Note d’information, n° 16, DEPP, mai. 

[29] Denecheau B. et Blaya C. (2013), « Les enfants placés par les services d’Aide sociale à l’enfance en établissement. Une population à haut risque de décrochage scolaire », Education & Formation, n° 300, DEPP, p. 53-62. 

[30] La proportion s’élève même à 35 % parmi les jeunes interrogés dans l’enquête ELAP V2, hors mineurs étrangers, dont le parcours de placement s’est achevé en famille d’accueil. Frechon I. et Breugnot P. (2019), « Accueil en protection de l’enfance et conditions de sortie sous le prisme du placement familial », in Euillet S. (dir.), Parcours en accueil familial. Sens et pratique, Paris, L’Harmattan, coll. « Savoir et Formation », p. 37-59. 

[31] Il s’agit du plus haut diplôme au moment de l’enquête. 

[32] SEGPA : section d’enseignement général et professionnel adapté. UPI : unité pédagogique d’intégration. CPA : classe préparatoire à l’apprentissage. DIMA : dispositif d’initiation aux métiers en alternance. CLIPA : classe d’initiation préprofessionnelle en alternance. MGI : mission générale d’insertion. GCA : groupe classe-atelier. EREA : établissement régional d’enseignement adapté. IME : institut médico-éducatif. IMP : institut médico-pédagogique. IMPRO : institut médico-professionnel.

[33] Un autre argument plaide pour une sous-estimation des écarts avec l’ensemble des jeunes : dans l’enquête ELAP, les jeunes âgés de 17 ans interrogés en vague 1 qui n’ont pas répondu en vague 2 (environ 30 %) sont principalement des jeunes nés en France qui ont eu une scolarité difficile (redoublement, déscolarisation, scolarisation dans l’enseignement spécialisé) ou préparant un CAP. Il est donc probable qu’ils auraient accru la part des jeunes pas ou peu diplômés ou diplômés d’un CAP. 

[34] Une recherche conduite par Émilie Potin met en lumière des « décompositions » conjugales fréquentes : sur les 350 dossiers de l’ASE étudiés, seuls 20 % des couples parentaux avaient une vie conjugale en commun. Voir Potin É. (2012), Enfants placés, déplacés, replacés. Parcours en protection de l’enfance, Toulouse, Érès. 

[35] Dans l’enquête ELAP, 23 % des jeunes placés nés en France sont orphelins d’au moins un parent, les causes de décès étant principalement liées à la précarité des situations familiales et sociales, à des maladies ou des addictions, parfois sur fond de violences. Voir Frechon I., Abassi É., Breugnot P., Ganne C., Girault C. et Marquet L. (2019), Les jeunes orphelins placés. Quels sont leurs conditions de vie et leur devenir à la sortie de placement ?, rapport rendu à la Fondation OCIRP. 

[36] Une enquête réalisée en 2007-2008 dans deux départements montre que parmi 809 enfants nés au milieu des années 1980 et ayant connu au moins un placement avant l’âge de 10 ans, des maltraitances parentales avaient été repérées pour 40 % à 50 % des jeunes. Voir Frechon I. et Robette N. (2013), « Les trajectoires de prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance de jeunes ayant vécu un placement », Revue française des affaires sociales, n° 2013/1-2, DREES, p. 122-143. 

[37] Parmi cette même cohorte d’enfants de l'étude mentionnée dans la note de bas de page précédente, un enfant sur cinq a été repéré par les professionnels de l’ASE comme ayant été exposé à des violences et conflits conjugaux. Voir Frechon I., Marquet L. et Séverac N. (2011), « Les enfants exposés à des “violences et conflits conjugaux”. Parcours en protection de l’enfance et environnement social et familial », Politiques sociales et familiales, n° 105, Cnaf, septembre, p. 59-72. 

[38] Garret-Gloanec N. et Pernel A.-S. (2017), « La négligence, une forme de maltraitance », in Bayle B. (dir.), Psychiatrie et psychopathologie périnatales, Paris, Dunod, p. 299-307. 

[39] Dumaret A.-C., Guerry E. et Crost M. (2011), « Placements dans l’enfance et devenir à l’âge adulte : insertion générale et qualité de vie liée à la santé », Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, vol. 59(5), août, p. 289-298.

[40] Maltais C. et Normandeau S. (2015), « Le parcours scolaire des enfants victimes de maltraitance parentale : recension d’études entre 2007 et 2014 », Revue de psychoéducation, vol. 44(2), p. 317-350. 

[41] Bronsard G. et Bruneau N. (2016), « Grandir “retiré” de sa famille : quelques enjeux cliniques et institutionnels concernant les enfants et les adolescents placés », Revue de l’enfance et de l’adolescence, 2016/1, n° 93, Érès, p. 75-85, ici p. 77. 

[42] Picot A. (2022), Revue de littérature « La scolarité des enfants protégés », op. cit., p. 10. 

[43] Lacroix I., Chaïeb S., Dietrich-Ragon P. et Frechon I. (2023), « De la violence familiale à la violence institutionnelle. Le continuum des violences dans l’expérience des jeunes placés en protection de l’enfance », Populations vulnérables, n° 9. 

[44] Ibid. 

[45] Frechon I. et Breugnot P. (2019), « Accueil en protection de l’enfance … », op. cit. Sont comptabilisés comme handicapés les jeunes qui, même lorsqu’ils sont placés en famille d’accueil, fréquentent un institut médico-éducatif (IME), un institut médico-professionnel (IMPRO), un institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP) ou un établissement et service d’aide par le travail (ESAT). Il s’agit donc uniquement des jeunes ayant les handicaps les plus lourds. Voir Frechon I., Marquet L., Breugnot P. et Girault C. (2016), L’accès à l’indépendance financière des jeunes placés, rapport final, ONPE, juillet. 

[46] Le handicap est caractérisé par l’indicateur GALI (limitation forte dans les activités du quotidien) à partir de la déclaration du jeune. Source : enquête Vie quotidienne et santé 2021, DREES. 

[47] Ce chiffre est probablement une sous-estimation car il ne prend pas en compte les jeunes ayant une orientation MDPH qui sont en attente d’un accueil en établissement, cas de figure mentionné par le Défenseur des droits. Voir Défenseur des droits (2015), Handicap et protection de l’enfance. Des droits pour des enfants invisibles, rapport 2015 consacré aux droits de l’enfant, novembre. La plateforme ViaTrajectoire Handicap devrait permettre à terme de disposer de données plus complètes. 

[48] Sources : Bellamy V. (2022), « 25 000 jeunes accompagnés par les structures pour enfants et adolescents handicapés sont bénéficiaires de l’aide sociale à l’enfance », Études et Résultats, n° 1230, DREES, mai ; et Tarayoun T. et al. (2024), « L'aide sociale à l'enfance. Édition 2024 », op. cit. ; calculs France Stratégie. 

[49] L’enquête réalisée en 2015 auprès des départements par le Défenseur des droits aboutit à une estimation comparable : le taux d’enfants pris en charge en protection de l’enfance (y compris les mineurs non accompagnés) et bénéficiant d’une reconnaissance de handicap par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) serait environ 7 fois supérieur à celui estimé pour la population générale (17% contre 2 % à 4 %). Défenseur des droits (2015), Handicap et protection de l’enfance, op. cit. 

[50] Bronsard G. et Amiel M. (2020), « Devant les pénibles défaillances autour des enfants placés, la grande alliance entre pédopsychiatrie et l’Aide sociale à l’enfance est nécessaire », Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence, vol. 68(2), mars, p. 63-64. 

[51] Bellamy V. (2022), « 25 000 jeunes accompagnés… », op. cit.

[52] Défenseur des droits (2015), Handicap et protection de l’enfance, op. cit. 

[53] Ibid.

[54] Ibid., p. 81. 

[55] Voir « La scolarisation des élèves en situation de handicap », page dédiée sur le site du ministère de l’Éducation nationale. 

[56] Défenseur des droits (2015), Handicap et protection de l’enfance, op. cit., p. 80. 

[57] Selon le Défenseur des droits, les enfants handicapés pris en charge par l’ASE feraient l’objet d’un traitement différent de celui des autres enfants handicapés : « accueil non prioritaire, refus déguisés, attente beaucoup plus longue pour entrer en établissement, exclusions expresses, arrêt ou allégement des prises en charge par les services spécialisés, etc. » Voir Défenseur des droits (2015), Handicap et protection de l’enfance, op. cit., p. 81. 

[58] Ibid., p. 67. L’expérimentation « Santé protégée », qui vise la mise en place d’un parcours de soins coordonné des jeunes pris en charge en protection de l’enfance, pourrait remédier partiellement à cette situation. 

[59] Dans l’enquête ELAP V1, 37 % des jeunes ont été placés pour la première fois avant leur entrée à l’école primaire, 24 % au cours de l’école primaire et 39 % après. 

[60] Picot A. (2022), Revue de littérature « La scolarité des enfants protégés », op. cit. 

[61] Barasz J., Furic P. et Galtier B. (2023), Scolarités. Le poids des héritages, op. cit. 

[62] Denecheau B. et Blaya C. (2013), « Les enfants placés par les services d’Aide sociale à l’enfance en établissement », op. cit. 

[63] 65 % des jeunes ont indiqué le niveau scolaire de leurs parents. Les autres ne le connaissent pas ou n’ont pas souhaité l’indiquer. 

[64] Les recherches qualitatives aboutissent au même constat de scolarité courte des parents. Voir par exemple Denecheau B. et Blaya C. (2013), « Les enfants placés par les services d’Aide sociale à l’enfance en établissement », op. cit. 

[65] Il est probable qu’en comparant un niveau scolaire (celui des parents de jeunes placés) à un niveau de diplôme (celui des parents de l’ensemble des jeunes), l’écart observé soit sous-estimé : avoir atteint le niveau lycée peut correspondre au niveau de diplôme brevet des collèges en cas d’arrêt de la scolarité avant de passer un diplôme de niveau supérieur ou en cas d’échec à ce diplôme. 

[66] Parce que pour eux, « l’école de la République n’a pas été l’école de la réussite », les parents des enfants placés « ne croient ni au principe méritocratique ni à l’égalité des chances ». Voir Potin É. (2013), « Protection de l’enfance… », op. cit., respectivement p. 90 et p. 92. 

[67] Aranda C. (2019), « Le point de vue des parents d’enfants placés avant l’âge de trois ans. Parentalité et maintien des liens », Recherches familiales, 2019/1 n°16, Unaf, p. 51-64.

[68] Capelier F. et Frechon I. (2023), « Protection de l’enfance et pauvreté », Avant-propos, Revue française des affaires sociales, n° 2023/3, DREES, p. 7-27.

[69] Potin É. (2013), « Protection de l’enfance… », op. cit. ; Denecheau B. et Blaya C. (2013), « Les enfants placés par les services d’Aide sociale à l’enfance en établissement », op. cit. 

[70] Aranda C. (2019), « Le point de vue des parents d’enfants placés avant l’âge de trois ans », op. cit. 

[71] Denecheau B. et Blaya C. (2013), « Les enfants placés par les services d’Aide sociale à l’enfance en établissement », op. cit. Il n’est pas rare que les difficultés professionnelles, financières et résidentielles contribuent justement à la décision de placement. Voir Aranda C. (2019), « Le point de vue des parents d’enfants placés avant l’âge de trois ans », op. cit. 

[72] Ce constat concerne de manière générale les parents de milieux populaires et pas seulement ceux dont les enfants sont pris en charge en protection de l’enfance. Voir Anton A. et Denechau B. (2023), Revue « Protection de l’enfance et scolarités : le milieu ouvert à l’épreuve de la précarité », Revue française des affaires sociales, 2023/3, DREES, p. 11-129.

[73] Potin É. (2012), Enfants placés, déplacés, replacés, op. cit.

[74] Lesage M. et Woollven M. (2022), « Les enfants placés en rupture scolaire. Des trajectoires institutionnelles qui se combinent », Agora débats/jeunesses, 2022/2, n° 91, Presses de Sciences Po, p. 99-113. 

[75] Ibid. Ces jeunes ont souvent été livrés à eux-mêmes à un âge précoce, avec un faible contrôle de leurs comportements par les adultes. 

[76] Précisons que si les enfants protégés sont massivement issus des catégories sociales les plus modestes, la majorité des enfants pauvres ne sont pas maltraités. Capelier F. et Frechon I. (2023), « Protection de l’enfance et pauvreté », Avant-propos, op. cit. 

[77] Denecheau B. (2016), « La rationalisation des possibles : le placement extra-familial et l’orientation au moindre risque », in Jacques M.-H. (dir.), Les transitions scolaires. Paliers, orientations, parcours, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 323-333. 

[78] Frechon I. et Breugnot P. (2019), « Accueil en protection de l’enfance… », op. cit. 

[79] Frechon I., Breugnot P. et Marquet L. (2020), « Les conditions de sortie du dispositif de protection de l’enfance au regard du contrat jeune majeur », in Touya N. et Batifoulier F. (dir.), Travailler en MECS, Maisons d’enfants à caractère social, Paris, Dunod, coll. « Guides Santé social », chapitre 15, p. 273-301. 

[80] Anton A. et Blaya C. (2018), « Sentiment d’affiliation et accrochage scolaire en famille d’accueil : une approche par les facteurs de protection », Revue française de pédagogie, 2018/4, n° 205, p. 103-115. 

[81] La quasi-totalité avait connu auparavant des expériences professionnelles, souvent dans le domaine de l’aide aux enfants et aux jeunes en difficulté. Voir Le Rhun B. (2023), « Les assistants familiaux en 2021 : qui sont-elles ? », Études et Résultats, n° 1291, DREES, décembre. 

[82] Potin É. (2013), « Protection de l’enfance… », op. cit. 

[83] Basse L. (2024), « Les enfants vivant en famille d’accueil au prisme de l’enquête annuelle de recensement », Les Dossiers de la DREES, n° 116, DREES, mars.

[84] Barasz J., Furic P. et Galtier B. (2023), Scolarités. Le poids des héritages, op. cit. 

[85] Les familles d’accueil ont des aspirations sociales proches de celles des classes moyennes, avec un investissement fort dans la scolarité des enfants. Voir Potin É. (2013), « Protection de l’enfance… », op. cit. 

[86] Picot A. (2022), Revue de littérature « La scolarité des enfants protégés », op. cit. 

[87] Anton A. et Blaya C. (2018), « Sentiment d’affiliation et accrochage scolaire en famille d’accueil », op. cit. 

[88] Ibid., p. 110. 

[89] Anton A. et Denecheau B. (2021), La question scolaire à la périphérie de l’intervention en milieu ouvert, rapport de recherche, ONPE, novembre. 

[90] Pour 78 % des assistants familiaux interrogés en 2021 pour une enquête de la DREES. Voir Le Rhun B. (2023), « Les assistants familiaux en 2021… », op. cit. 

[91] Ibid. 

[92] Il s’agit de l’ensemble des jeunes de 17-20 ans interrogés dans l’enquête ELAP V1 et pas seulement de ceux nés en France. Voir Frechon I., Breugnot P. et Marquet L. (2017), La fin du parcours en protection de l’enfance, op. cit. 

[93] Frechon I., Breugnot P. et Marquet L. (2020), « Les conditions de sortie du dispositif de protection de l’enfance au regard du contrat jeune majeur », op. cit. 

[94] Les éducateurs spécialisés sont titulaires d’un diplôme d’État d’éducateur spécialisé (DEES) obtenu après trois ans de formation. Dans le cadre de la protection de l’enfance, ils peuvent exercer en MECS, en foyer de l’enfance, en action éducative en milieu ouvert (AEMO), dans des services de prévention spécialisée ou des établissements thérapeutiques. 

[95] Join-Lambert H., Denecheau B. et Robin P. (2019), « La scolarité des enfants placés : quels leviers pour la suppléance familiale ? », Éducation et Sociétés, 2019/2, n° 44, p. 165-179. 

[96] Denecheau B. (2016), « La rationalisation des possibles », op. cit. 

[97] Denecheau B. et Blaya C. (2014), « Les attentes des éducateurs sur la scolarité des enfants placés en France et en Angleterre. Une estimation des possibles a minima », Les Sciences de l’éducation - Pour l’Ère nouvelle, 2014/4, vol. 47, Cirnef, p. 69-92 ; Denecheau B. (2016), « La rationalisation des possibles », op. cit.

[98] Join-Lambert H., Denecheau B. et Robin P. (2019), « La scolarité des enfants placés… », op. cit. 

[99] Picot A. (2022), Revue de littérature « La scolarité des enfants protégés », op. cit., p. 91. 

[100] Denecheau B. (2016), « La rationalisation des possibles », op. cit. 

[101] Potin É. (2013), « Protection de l’enfance… », op. cit. 

[102] Ils doivent s’occuper de ce qui est ordinairement attendu des parents : suivre la scolarité et le travail hors de la classe et faire le lien avec l’école. Anton A. et Denecheau B. (2021), La question scolaire…, op. cit. 

[103] Denecheau B. et Blaya C. (2013), « Les enfants placés par les services d’Aide sociale à l’enfance en établissement », op. cit. 

[104] Denecheau B. (2015), « L’éducation spécialisée à l’épreuve de l’école : une distance et des malentendus persistants », Les Cahiers dynamiques, n° 63, Érès, p. 120-126. 

[105] Denecheau B. et Blaya C. (2013), « Les enfants placés par les services d’Aide sociale à l’enfance en établissement », op. cit. 

[106] Ibid. 

[107] Haute Autorité de santé (2018), Résultats de l’enquête sur les pratiques professionnelles contribuant à la bientraitance des enfants et des adolescents accueillis dans les établissements de la Protection de l’enfance et de la Protection judiciaire de la jeunesse, décembre. 

[108] Denecheau B. et Blaya C. (2014), « Les attentes des éducateurs sur la scolarité des enfants placés en France et en Angleterre », op. cit., p. 87. 

[109] Ou au plus tard à 21 ans pour les jeunes placés bénéficiant d’un contrat jeune majeur jusqu’en 2022 et pour tous les jeunes ne bénéficiant pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants depuis 2022 (« loi Taquet »). 

[110] Dietrich-Ragon P. et Frechon I. (2022), « Une enfance sous contrôle institutionnel. Les effets du rapport à la prise en charge par l’aide sociale à l’enfance sur la transition vers l’autonomie », Agora débats/jeunesses, 2022/2, n° 91, Presses de Sciences Po, p. 83-98 ; Dumoulin C. et Frechon I. (2023), « Quand les filles réussissent moins bien à l’école que les garçons », op. cit. Le témoignage d’une ancienne placée et présidente d’une association Repairs!, auditionnée dans le cadre de cette étude, va dans le même sens : « On dit aux jeunes : “Non, tu peux pas faire de longues études ; l’ASE ne paie pas de longues études” ». 

[111] Ce résultat porte sur l’ensemble des jeunes et pas sur les seuls jeunes nés en France. Frechon I. et Marquet L. (2016), « Comment les jeunes placés à l’âge de 17 ans préparent-ils leur avenir ? », Document de travail de l’Ined, n° 227, Ined, juillet. 

[112] Ce résultat porte sur les jeunes placés interrogés dans l’enquête ELAP V1, hors mineurs isolés étrangers et hors jeunes en situation de handicap placés dans des établissements médicosociaux. Dumoulin C. et Frechon I. (2023), « Quand les filles réussissent moins bien à l’école que les garçons », op. cit.

[113] Frechon I. et Marquet L. (2016), « Comment les jeunes placés à l’âge de 17 ans préparent-ils leur avenir ? », op. cit., p. 8. 

[114] Dumoulin C. et Frechon I. (2023), « Quand les filles réussissent moins bien à l’école que les garçons », op. cit. 

[115] Denecheau B. (2016), « La rationalisation des possibles », op. cit. 

[116] Commission de l’insertion des jeunes (2023), Laissez-nous réaliser nos rêves ! L’insertion sociale et professionnelle des jeunes sortant des dispositifs de protection de l’enfance, rapport, Conseil national de la protection de l’enfance et Conseil d’orientation des politiques de jeunesse, juin. 

[117] Cette conclusion résulte d’une étude réalisée auprès de 32 professionnels de l’Éducation nationale (en majorité des professeurs des écoles). Voir Paul O. (2021), Représentations des professionnels de l’éducation concernant les élèves suivis en protection de l’enfance : difficultés, spécificités et relation, colloque « L’école primaire au 21e siècle », Cergy Paris Université, 12 au 14 octobre. 

[118] Picot A. (2022), Revue de littérature « La scolarité des enfants protégés », op. cit. 

[119] Ibid. 

[120] Paul O. (2022), La scolarité des enfants placés : comment les acteurs de l’Éducation nationale voient-ils les relations avec l’élève et ses co-éducateurs ?, Journée d’étude, université Paris Nanterre, 11 mars. 

[121] Potin E. (2013), « Protection de l’enfance… », op. cit. 

[122] Picot A. (2022), Revue de littérature « La scolarité des enfants protégés », op. cit. 

[123] Denecheau B. et Blaya C. (2013), « Les enfants placés par les services d’Aide sociale à l’enfance en établissement », op. cit. 

[124] Ibid.

[125] Le nombre de lieux de placement est plus important à 18 ans qu’à 17 ans, car les jeunes sont souvent transférés en hébergement autonome ou en foyer de jeunes travailleurs à l’approche des 18 ans pour éviter un attachement trop fort à un lieu de placement qu’ils vont devoir quitter et pour apprendre l’autonomie dans la vie quotidienne. Voir Dietrich-Ragon P. (2020), « Quitter l’Aide sociale à l’enfance. De l’hébergement institutionnel aux premiers pas sur le marché de l’immobilier », Population, 2020/4, vol. 75, Ined, p. 527-559.

[126] Dumoulin C. et Frechon I. (2022), « Scolarité des enfants placés », op. cit. 

[127] Ibid. 

[128] Il s’agit des formations de remise à niveau ou d’insertion : formation complémentaire d’initiative locale, certificat français langue étrangère, cycle d’insertion professionnelle par alternance, école de la deuxième chance, association La Vie pour école, etc. 

[129] Denecheau B. et Blaya C. (2013), « Les enfants placés par les services d’Aide sociale à l’enfance en établissement », op. cit. Les conditions de logement défavorables aux apprentissages concernent également d’autres jeunes : en 2013, 26 % des enfants pauvres vivaient dans un logement surpeuplé. Voir Lelièvre M. (2017), « Enfants pauvres, enfants démunis : quels indicateurs ? », Les Cahiers de l’Onpes, n° 1, octobre.

[130] Frechon I. et Breugnot P. (2019), « Accueil en protection de l’enfance… », op. cit. 

[131] Dans l’enquête ELAP, plus de 90 % des jeunes sortis de placement (nés ou pas en France), quel que soit leur âge, ont déclaré ne toucher aucune ressource de la part des proches (famille, amis, conjoint). Voir Frechon I. et Marquet L. (2023), Ressources des jeunes à la fin de leur parcours de placement…, op. cit. 

[132] Ce résultat porte sur les jeunes sortis de l’ASE interrogés dans l’enquête ELAP V2, hors mineurs isolés étrangers. Voir Frechon I. et Breugnot P. (2019), « Accueil en protection de l’enfance… », op. cit. 

[133] Il s’agit des jeunes âgés de 18 à 22 ans issus de familles à dominante cadre. Source : enquête Emploi 2015, calculs France Stratégie. 

[134] Les effectifs sont insuffisants pour avoir des résultats fiables concernant les jeunes issus de familles inactives.

[135] Frechon I. et Breugnot P. (2019), « Accueil en protection de l’enfance… », op. cit. ; Dumoulin C. et Frechon I. (2022), « Scolarité des enfants placés », op. cit. 

[136] Les chances de mobilité sociale ascendante sont deux fois plus faibles pour un jeune diplômé d’un CAP ou d’un BEP par rapport à un jeune diplômé d’un master et plus. Elles sont aussi faibles que celles des jeunes non diplômés. Voir Galtier B. et Harfi M. (2023), Politiques publiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes, op. cit. 

[137] Des initiatives dans ce sens commencent à voir le jour. Ainsi, le rectorat de Paris et la Ville de Paris ont signé en septembre 2023 la convention « Protection de l’enfance » dont l’un des objectifs est de « soutenir la scolarité des enfants confiés à l’ASE ». L’académie de Lille a mis en place le projet académique 2022-2025 « Encourager la réussite scolaire des enfants confiés à l’ASE » qui a pour objectif « de rapprocher les institutions et personnes qui ont ces enfants [confiés à l’ASE] en responsabilité et de mettre en place en établissement un suivi pédagogique et éducatif dédié » (p. 2 du document).

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Frechon, I., Galtier, B., Manivel, S., & Peruyero, C. (2024, septembre). Retisser les fils du destin : parcours des jeunes placés [La Note d’analyse, no. 143] (20 pages). France Stratégie.
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Frechon, I., B. Galtier, S. Manivel, and C. Peruyero. Retisser les fils du destin : parcours des jeunes placés. France Stratégie, La Note d’analyse, no. 143, septembre 2024, 20 p.
ISO 690
FRECHON, I.; GALTIER, B.; MANIVEL, S.; PERUYERO, C. Retisser les fils du destin : parcours des jeunes placés. La Note d’analyse, n° 143. France Stratégie, 2024, septembre, 20 p.

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