Note d’analyse Refonder l’Europe de la solidarité Pour la pérennité du projet européen, il faut revisiter le partage des responsabilités entre l’Union européenne et les États nations afin de viser une croissance plus dynamique, plus durable mais aussi plus juste. La note formule des propositions pour un nouveau contrat social pour l’Europe. Publié le : 04/04/2019 Temps de lecture 8 minutes Les économies avancées sont confrontées à un recul sur longue période de leur rythme de croissance. Une pression s’exerce sur les salaires, la protection sociale et la fiscalité. Ce contexte affecte aussi le financement des politiques publiques visant à préserver l’égalité des chances, telles que l’éducation et la formation. Cet environnement économique se combine à des mutations entraînant un déclassement de certaines populations et territoires. La conjonction de ces forces n’est pas sans lien avec un renforcement des extrêmes en Europe, au point de menacer les systèmes politiques, voire l’unité géographique de certains pays. Pour viser une croissance plus juste, plus dynamique mais aussi plus durable, le contrat passé entre les nations européennes doit être revisité. Laisser aux États seuls la responsabilité de gérer les conséquences sociales et humaines des changements en cours qu’ils soient dus à des politiques européennes ou seulement perçus comme tels, c’est mettre en danger le projet européen lui-même, comme l’a montré le référendum britannique. Il n’est ni réaliste ni souhaitable que les politiques sociales deviennent principalement du ressort de l’Union européenne, mais la coordination à ce niveau se justifie lorsqu’elle permet de gagner en efficacité[1]. Cette coordination accrue pourrait intervenir dans quatre directions : écarter la tentation du moins-disant en matière sociale, fiscale et salariale ; mieux accompagner les mutations ; encourager la mobilité ; enfin, privilégier l’action en commun lorsque l’efficacité l’impose. Pour ne pas se limiter aux grands principes généraux, cette note d’analyse formule une série de propositions concrètes dans ces quatre directions. Plusieurs pourraient d’abord faire l’objet de coopérations renforcées afin que la dynamique de progrès social ne soit pas entravée par une minorité bloquante. Ces propositions s’inscrivent dans l’enveloppe budgétaire actuellement en discussion pour les politiques européennes et tiennent compte de la contrainte qui consiste à ne pas faire porter plus d'efforts sur le contribuable européen. [1] Boisson-Cohen M. et Palier B. (2014), « Un contrat social pour l’Europe : priorités et pistes d’action », La Note d’analyse, n° 19, France Stratégie, décembre. Transcription Fermer la transcription Refonder l’Europe de la solidarité - Datavidéo Bonjour Vincent Aussilloux, bonjour. Vous êtes directeur du département économie à France Stratégie et l'auteur d'une note intitulée Refonder l'Europe de la solidarité, où vous présentez un ensemble de propositions pour répondre à l'urgence sociale qui s'exprime dans l'Union Européenne. Vous soulignez notamment que la signature par tous les États membres du socle européen des droits sociaux, au sommet de Göteborg le 17 novembre 2010, a marqué un renversement de logique. Mais comment les faire appliquer ? C'est un véritable changement de logique. On est passé de la logique d'un plancher des droits sociaux en dessous desquels on ne devait pas descendre, à une logique d'une cible ambitieuse que tous les États membres se sont engagés à atteindre. Donc maintenant, effectivement, la question, c'est comment mettre en accord leurs actes avec leurs engagements. Ce qu'on propose dans la note, notamment, c'est de lier les fonds structurels européens à la définition par chaque pays d'une stratégie de progrès social, qui serait définie en début de mandature. Cela viserait à avancer sur les différents chapitres qui constituent ce socle des droits sociaux européens. Bien entendu, il ne s'agirait pas nécessairement de faire avancer tous les chapitres à la fois, mais chaque État membre définirait ses priorités. Ce mouvement vers le haut, vers cette cible, en fait, serait un moyen d'inverser cette espèce de mouvement vers le bas et de tirer le monde vers le haut. Mais néanmoins, sur de nombreuses questions, comme les travailleurs détachés ou la concurrence entre États, vous expliquez que des améliorations ont été apportées tout en restant au milieu du gué. Que faudrait-il faire pour que cette fois-ci, on y aille vraiment ? Oui, alors d'abord, il faut noter qu'il y a une avancée récente très importante, parce qu'on est passé à une règle de à travail égal, rémunération égale sur un même lieu de travail. Ça, c'est quand même très important. C'est une avancée qui a été difficile à obtenir, parce que certains États membres s'y sont opposés. Ça a été obtenu. Maintenant, ce qu'il faut faire, c'est que les prélèvements sociaux qui sont attachés à un poste soient les mêmes que ceux du pays de détachement, ou bien qu'ils soient versés au pays d'origine des travailleurs détachés. Cela permettrait d'égaliser les coûts du travail pour un travailleur détaché, qu'il soit salarié français ou d'un autre pays. Il y a aussi la question de la concurrence fiscale. La concurrence fiscale est un enjeu majeur. On le dit dans la note, il y a eu des avancées très concrètes, comme souvent on sous-estime, notamment la transparence et la transmission des informations automatiques sur les particuliers. Cela a permis, par exemple, que des capitaux soient rapatriés de Suisse en France. On a vu les chiffres de ces dernières années. Il y a des propositions concrètes qui sont sur la table de la Commission européenne, de l'OCDE. Il faut maintenant qu'on arrive à les mettre en place. On fait également des propositions complémentaires, notamment sur le fait que la transparence doit s'appliquer pas seulement aux multinationales européennes, mais aussi à toutes les multinationales étrangères ayant une activité en Europe. Vous recommandez aussi de mieux mobiliser les fonds européens d'investissement social. Bien qu'augmenter leur montant, qu'est-ce que cela permettrait concrètement de faire mieux ? Nous proposons en fait que le Fonds social européen et les fonds de cohésion soient plus réactifs et touchent plus directement les citoyens, notamment pour les accompagner lorsque les personnes sont victimes ou font face à une mutation économique ou aux mutations nécessaires au changement climatique, par exemple dans le cas d'une centrale à charbon que l'on doit fermer pour atteindre nos objectifs de réduction d'émissions carbone. Bien entendu, cela concerne directement des salariés, des familles. Il faut que les fonds européens puissent se mobiliser. On propose un compte formation de 15 000 euros, moitié subvention, moitié prêt remboursable, pour accompagner la mobilité de ces personnes vers d'autres emplois. Nous proposons également une action curative lorsque les emplois affectés sont concentrés dans un bassin d'emploi et que le taux de chômage augmente, ce qui n'a pas pu être anticipé. L'idée est d'accompagner ces mutations avec des fonds pour la formation. Enfin, un troisième volet très important : on sait que lorsqu'on fait des réformes sociales, elles coûtent au départ. Il faut dépenser avant que les bénéfices puissent être récoltés. Souvent, les États membres, les pays européens, ont des difficultés pour financer cette première phase. C'est pourquoi nous proposons un véritable plan Juncker pour l'investissement social en Europe, où l'on pourrait mobiliser 15 milliards d'euros pour financer ces réformes sociales. Vous vous prononcez également pour une véritable Europe de la formation démocratisée, avec un Erasmus plus totalement musclé. Oui, parce que la mobilité des étudiants et des apprentis est un élément très important de l'égalité des chances. Aujourd'hui, ceux qui en bénéficient sont surtout ceux qui ont déjà un bagage socioculturel élevé. Nous proposons de le généraliser, bien entendu par étapes, progressivement, pour que cela devienne quasiment une condition d'obtention d'un diplôme d'avoir passé un séjour à l'étranger : trois mois si le diplôme dure moins de trois ans, six mois si le diplôme dure plus de trois ans. De cette manière, on généralisera la mobilité en réduisant les coûts, puisque l'on fonctionne sur des échanges de logements. 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