L’intégration d’une dimension participative à une évaluation − un exercice peu familier du grand public − avait plusieurs objectifs. Dans un contexte de forte défiance à l’égard des institutions et de la parole experte, elle visait à rapprocher le travail des évaluateurs des préoccupations de la population. Il s’agissait ainsi d’améliorer la pertinence, la lisibilité et la qualité de l’évaluation en associant des citoyens tout au long du processus, notamment en y intégrant leurs questions « telles qu’ils se les posent ». Les deux groupes, d’une trentaine de personnes chacun, ont reçu une formation et ont été consultés cinq fois au cours des trois années qu’a duré l’évaluation de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté 2018-2022. Leurs avis ont été recueillis pour être pris en compte par le comité d’évaluation dans ses rapports et ses notes et pour être publiés in extenso.
Le bilan de ce dispositif est globalement positif. La parole des personnes en situation de pauvreté et de citoyens représentatifs a permis de renforcer − voire de légitimer − celle du comité d’évaluation ; elle a aussi apporté des éléments qualitatifs à sa réflexion. Les participants ont été majoritairement satisfaits d’une expérience jugée valorisante, au cours de laquelle ils se sont sentis utiles, et qui s’est accompagnée d’une montée en compétences, tant sur le fond du sujet que dans la pratique du débat collectif (prise de parole, argumentation, etc.).
Placer des personnes non professionnelles ou non expertes « dans la peau de l’évaluateur » s’est toutefois révélé complexe. Plusieurs difficultés ont dû être surmontées : l’ampleur du champ couvert par la politique évaluée, l’évolution de son périmètre, l’importante technicité de l’exercice − avec des données parfois lacunaires − et une forme de lassitude apparue au fil d’un dispositif qui s’est étiré sur une longue durée et qui a nécessité une forte mobilisation des participants.
Malgré ces défis, reconduire une telle expérience paraît souhaitable. Un certain nombre de conditions doivent toutefois être respectées pour qu’elle soit pleinement réussie. Il faut un choix adéquat de l’objet à évaluer ; une marge de manœuvre réelle et explicite pour les participants, en amont comme en aval du dispositif ; des modalités de participation et un accompagnement professionnel adaptés ; une bonne anticipation dans le cadre d’un pilotage étroit, ce qui suppose des moyens dédiés ; et une acculturation des commanditaires et des experts à la dimension participative de l’évaluation. Enfin, il faut veiller à la reconnaissance et à la valorisation de l’investissement – précieux − des personnes sollicitées qui apportent leur expérience, leurs réflexions et leurs « savoirs de vie » au service de l’amélioration de l’action publique.
[1] Cette note offre la synthèse d’une étude dressant le bilan de cette expérimentation. Voir Barasz J. et Montaignac M. de (2024), « Dans la peau de l’évaluateur. La participation citoyenne à l’évaluation de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté », Document de travail, n° 2024-01, France Stratégie, janvier.
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