Téléchargez la note d'analyse 145 - L’industrie est-elle plus carbonée en France qu’en Allemagne ?
En réalité, cet écart est surtout le reflet de biais dans la construction de cet indicateur, qui compose avec des situations économiques complexes et une grande hétérogénéité des secteurs manufacturiers. En effet, il existe une différence d’ampleur dans les modèles d’estimation de la valeur ajoutée utilisés de part et d’autre du Rhin : les statisticiens allemands y intègrent certains services secondaires de l’industrie (en particulier de commerce et R&D), ce qui n’est pas le cas en France. L’impact sur l’intensité carbone est significatif : lorsqu'on corrige les chiffres de la valeur ajoutée industrielle de ce biais méthodologique, on constate une baisse plus rapide en France qu’en Allemagne durant la période 2013-2020 et l’écart d’intensité carbone entre les deux pays disparaît à la fin de cette période.
Ce biais statistique place au second plan les explications d’ordre technologique ou économique. Dans le cas du ciment, nous montrons que l’écart d’intensité carbone devient non significatif lorsque le biais statistique est corrigé : d’un côté, le ciment français contient plus de clinker mais de l’autre le taux d’autosuffisance en clinker est plus élevé en Allemagne, et le mix énergétique consommé par les cimenteries françaises est moins carboné qu’en Allemagne.
Notre travail appelle ainsi à une plus grande homogénéisation, au niveau européen, des modèles d’estimation de l’intensité carbone de l’industrie manufacturière : c’est un préalable à l’évaluation des politiques environnementales dédiées. Au-delà des biais statistiques, il reste des écarts significatifs dans certains secteurs (métallurgie, industrie chimique, etc.), dont l’interprétation suppose une analyse approfondie de la spécificité des secteurs manufacturiers français et allemands.
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