Note d’analyse L’industrie est-elle plus carbonée en France qu’en Allemagne ? L'intensité carbone est le rapport entre le volume d’émissions directes de gaz à effet de serre − c’est-à-dire celles qui résultent de la combustion in situ de ressources fossiles et du processus de fabrication − et la valeur ajoutée. Cet indicateur permet de suivre l’industrie manufacturière dans sa trajectoire de neutralité carbone et d’effectuer des comparaisons entre pays. Selon Eurostat, qui publie les statistiques annuelles pour chaque pays européen, cette intensité carbone a significativement baissé en France et en Allemagne entre 2013 et 2022, mais l’industrie manufacturière française semble nettement plus carbonée que son homologue allemande. Quelle est l’origine − technologique, économique, statistique − de cet avantage allemand ? Publié le : 12/11/2024 Temps de lecture 44 minutes En réalité, cet écart est surtout le reflet de biais dans la construction de cet indicateur, qui compose avec des situations économiques complexes et une grande hétérogénéité des secteurs manufacturiers. En effet, il existe une différence d’ampleur dans les modèles d’estimation de la valeur ajoutée utilisés de part et d’autre du Rhin : les statisticiens allemands y intègrent certains services secondaires de l’industrie (en particulier de commerce et R&D), ce qui n’est pas le cas en France. L’impact sur l’intensité carbone est significatif : lorsqu'on corrige les chiffres de la valeur ajoutée industrielle de ce biais méthodologique, on constate une baisse plus rapide en France qu’en Allemagne durant la période 2013-2020 et l’écart d’intensité carbone entre les deux pays disparaît à la fin de cette période. Ce biais statistique place au second plan les explications d’ordre technologique ou économique. Dans le cas du ciment, nous montrons que l’écart d’intensité carbone devient non significatif lorsque le biais statistique est corrigé : d’un côté, le ciment français contient plus de clinker mais de l’autre le taux d’autosuffisance en clinker est plus élevé en Allemagne, et le mix énergétique consommé par les cimenteries françaises est moins carboné qu’en Allemagne. Notre travail appelle ainsi à une plus grande homogénéisation, au niveau européen, des modèles d’estimation de l’intensité carbone de l’industrie manufacturière : c’est un préalable à l’évaluation des politiques environnementales dédiées. Au-delà des biais statistiques, il reste des écarts significatifs dans certains secteurs (métallurgie, industrie chimique, etc.), dont l’interprétation suppose une analyse approfondie de la spécificité des secteurs manufacturiers français et allemands. Intensité carbone : écart entre les industries françaises et allemandes, Transcription Fermer la transcription Note : écart France/Allemagne = (intensité France/intensité Allemagne) -1. Le ratio est exprimé en pourcentage. Un écart positif signifie que l’intensité carbone du secteur est plus élevée en France qu’en Allemagne. Les six secteurs détaillés ici représentent plus de 80 % des émissions de l’industrie manufacturière. Lecture : l’intensité carbone de l’industrie manufacturière dans son ensemble est 28 % plus élevée en France qu’en Allemagne dans les données Eurostat. La différence est ramenée à 4 % une fois corrigé le biais sur l’estimation de la valeur ajoutée. Source : Eurostat (septembre 2024) et calculs des auteurs Sommaire Introduction Comment sont construites les données d'intensité carbone au niveau européen ? L'impact de la mesure de la valeur ajoutée en France et en Allemagne sur l'intensité carbone Conclusion Introduction L’Allemagne et la France, respectivement première et deuxième économie et pays les plus peuplés de l’Union européenne, sont également les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre de la zone : en 2021, l’Allemagne représentait 22 % des émissions de gaz à egget de serre de l’Union européenne, la France 12 %. La réussite de la décarbonation européenne dépend donc en grande partie de ces deux pays et plus particulièrement de la transformation de leurs secteurs les plus émetteurs dont l’industrie manufacturière fait partie. En rejetant à elle seule dans l’atmosphère 199 millions de tonnes (Mt) en équivalent CO2 (CO2e) en Allemagne et 86 Mt en France en 2021 (799 Mt au total dans l’Union européenne), l’industrie représente près d’un quart des émissions allemandes et un cinquième des émissions françaises[1]. Il s’agit par conséquent d’un secteur incontournable pour l’atteinte des objectifs de neutralité carbone, juste derrière le secteur de l’énergie pour l’Allemagne, et celui des transports pour la France. Pour comparer les émissions de l’industrie manufacturière entre ces deux pays de façon pertinente et tirer des enseignements pour l’atteinte de la neutralité carbone, il est nécessaire d’utiliser un indicateur qui rende compte du poids relatif des activités manufacturières dans leurs économies respectives. L’intensité carbone, définie comme le volume d’émissions directes de gaz à effet de serre par euro de valeur ajoutée, permet d’effectuer une telle comparaison, puisque la valeur ajoutée présente l’avantage de mesurer la taille de l’industrie manufacturière tout en étant exhaustive sur toutes les productions et disponible dans les deux pays. A priori, les estimations annuelles qu’Eurostat publie, pour chaque pays européen, de l’intensité carbone exprimées en volume de CO2e par euro de valeur ajoutée, suggèrent que l’industrie manufacturière française est dans son ensemble plus carbonée que son homologue allemande. En 2021, elle générait 380 gCO2e/€ contre 290 gCO2e/€ en Allemagne, soit un écart de 30 %[2], tandis qu’elle était de 366 gCO2e/€ en moyenne dans l’ensemble de l’Union européenne. Par ailleurs, cette différence, mesurée à l’échelle de l’ensemble de l’industrie manufacturière, dissimule des écarts sectoriels importants. Le tableau 1 détaille ces différences en 2019 (année de référence pour notre étude) et en 2020 (marquée par la crise du Covid-19) pour les six secteurs les plus carbonés, qui représentent à eux seuls plus de 80 % des émissions de l’industrie manufacturière. Intensité carbone des secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre directs de l’industrie manufacturière Transcription Fermer la transcription * Écart France/Allemagne = (intensité France/intensité Allemagne) -1. Le ratio est exprimé en pourcentage. Note : un écart positif signifie que l’intensité carbone du secteur est plus élevée en France qu’en Allemagne. Les six secteurs détaillés ici représentent plus de 80 % des émissions de l’industrie manufacturière. Lecture : en 2019, l’industrie manufacturière allemande dans son ensemble émet 290 gCO2e par euro de valeur ajoutée, contre 372 gCO2e/€ pour l'industrie française. L’intensité carbone de l’industrie française est 28 % plus élevée que celle de son homologue allemande. Source : Eurostat En 2019, la métallurgie, la fabrication des minéraux non métalliques (comprenant notamment le ciment, la chaux et le verre), l’industrie chimique et le secteur cokéfaction et raffinage sont plus carbonés en France qu’en Allemagne. En revanche, l’ordre est inversé pour le secteur du papier-carton et celui des industries alimentaires. L’intensité carbone pour le secteur cokéfaction et raffinage s’avère toutefois particulièrement sensible aux variations de la valeur ajoutée. Alors que le volume d’émissions est relativement stable tant pour la France que pour l’Allemagne sur les dix dernières années, la valeur ajoutée de ce secteur est plus volatile car liée aux évolutions des prix du pétrole : l’écart France-Allemagne de l’intensité carbone du secteur peut ainsi varier entre valeur négative et valeur positive (Graphique 1). La présente note résulte d’un projet piloté par France Stratégie qui a débuté en novembre 2023, en collaboration avec l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), le Citepa (Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique)[3] et le SDES (Service des données et études statistiques du ministère de la Transition écologique). En analysant les modèles d’estimation de l’intensité carbone de l’industrie manufacturière française et allemande, notre objectif était de comprendre l’origine des différences constatées entre l’intensité carbone des industries manufacturières françaises et allemandes, et d’identifier si elles proviennent de biais statistiques dans la construction de la valeur ajoutée et des émissions carbone, d’effet de structure, d’effet de prix, ou bien d’effets de nature économique, industrielle ou technologique[4]. Tout d’abord, nous nous intéressons au cadre statistique qu’Eurostat utilise pour mettre en regard données environnementales et grandeurs économiques, puis à la façon dont les données françaises et allemandes sont rassemblées pour estimer l’intensité carbone de l’industrie manufacturière. Ensuite, nous nous penchons sur le dénominateur de cet indicateur, la valeur ajoutée, pour laquelle nous avons mis en évidence des pratiques d’estimation différenciées de part et d’autre du Rhin. Nous discutons de leur impact sur la comparaison des intensités carbone[5]. Enfin, nous montrons avec l’exemple de la fabrication du ciment que d’autres facteurs d’ordre technologique et économique sont susceptibles d’expliquer les différences constatées entre la France et l’Allemagne, mais qu’il est difficile de les appréhender avec les cadres statistiques existants. Écart de l’intensité carbone entre la France et l’Allemagne des six secteurs manufacturiers les plus carbonés Transcription Fermer la transcription Lecture : en 2013, l’intensité carbone de la métallurgie française est 31 % plus élevée que celle de son homologue allemande. Elle reste meilleure en Allemagne jusqu’en 2020, puis l’ordre s’inverse en 2021, année des dernières statistiques disponibles. Source : Eurostat Comment sont construites les données d'intensité carbone au niveau européen ? L’intensité carbone : un indicateur de comparaison Pour comparer les émissions de gaz à effet de serre des différents secteurs au sein d’un pays ou entre pays, il convient d’abord de les agréger par secteur puis de les diviser par unité de volume (par exemple en tonne de produits) ou bien par unité monétaire comme le chiffre d’affaires, c’est-à-dire la valeur des produits vendus, ou la valeur ajoutée, égale au chiffre d’affaires diminué des consommations intermédiaires nécessaires à la production. Précisons que les émissions dont nous parlons sont directes, au sens du scope 1 défini par le protocole international des gaz à effet de serre (GHG Protocol en anglais). Elles ne couvrent pas les sources utilisées pour la production et la distribution d’énergie (électricité, gaz, vapeur, air conditionné) utilisées pour la fabrication de biens manufacturés mais uniquement celles issues de la combustion in situ des ressources fossiles − pour fournir l’énergie nécessaire aux procédés industriels − ou bien de la transformation des matières premières − comme le recours au gaz naturel pour la synthèse de l’ammoniac ou l’oxydo-réduction de fer dans un haut-fourneau pour la fabrication de l’acier[6]. L’agrégation des émissions directes consiste à passer d’une vision micro (entreprise sur site industriel) à une vision macro (secteur industriel formé par le regroupement d’entreprises qui partagent la même activité principale). Or, la comptabilité nationale ne permet pas une analyse très fine par produit, si bien que l’on retrouve au sein d’un même secteur des produits non homogènes, ce qui complique la comparaison entre pays. Prenons l’exemple de la métallurgie. Cette industrie englobe comme activités principales la sidérurgie − d’où sont issus des produits différenciés comme la fonte, l’acier ou encore les bobines ou les tôles −, la fabrication de l’aluminium et de métaux précieux, etc. La maille retenue pour délimiter le secteur ne permet pas de ramener les émissions agrégées et les valeurs ajoutées de la métallurgie à une quantité de produits homogènes exprimée en tonnes, comme nous pourrions le faire par exemple en nous focalisant uniquement sur l’acier (Encadré 1). Encadré 1 − Facteur d’émission de gaz à effet de serre de l’acier La production d’acier est une activité particulièrement émettrice. D’après la World Steel Association, l’Allemagne a produit 40 Mt d’acier brut en 2021 et la France près de 14 Mt. Ces pays sont respectivement les premier et quatrième producteurs européens en volume. Mais il existe plusieurs méthodes de fabrication de l’acier plus ou moins émettrices en CO2. La principale méthode de fabrication de l’acier utilise des hauts-fourneaux à partir de minerai de fer et de charbon. La seconde fait appel aux fours à arc électrique principalement à partir de la ferraille de récupération (ainsi qu’éventuellement du « fer pré-réduit » issu de minerai). Cette seconde méthode aboutit à des émissions carbone bien plus faibles[7]. En France, l’utilisation des hauts-fourneaux est légèrement inférieure à celle de l’Allemagne : elle représente 66 % de la production française d’acier en 2021 contre 70 % en Allemagne, même si l’écart ne dépassait pas un point les quatre années précédentes. En conséquence, le Citepa[8] a estimé le facteur d’émission de l’acier pour les deux pays (Graphique 2), c’est-à-dire le ratio entre la quantité de gaz à effet de serre émis pour le fabriquer (hors cokeries) et la production totale en volume (filières hauts-fourneaux et aciérie électrique confondues). Le Citepa conclut que, sur la période 2015-2020, le facteur d’émission de l’acier est plus faible en France (moyenne : 1 145 kgCO2e/tacier) qu’en Allemagne (moyenne : 1 327 kgCO2e/ tacier), l’écart variant de 10 % à 18 %. Ce ratio n’explique donc pas la différence (qui est inverse) entre les intensités carbone estimées pour la métallurgie dans son ensemble. Facteur d’émission de gaz à effet de serre pour la production d’acier Transcription Fermer la transcription Note : l’écart exprimé en % (axe de droite) est calculé selon la formule : 1 - (émissions en France/émissions en Allemagne). Un écart positif révèle un avantage de l’outil industriel français. Lecture : en 2015, la production d’acier en France émet 1 159 kgCO2e/tacier tandis qu’elle émet 1 309 kgCO2e/tacier en Allemagne, soit un écart de 11 % en faveur de la France. Source : Citepa C’est ainsi que l’unité monétaire a été retenue pour le dénominateur, la valeur ajoutée étant préférée au chiffre d’affaires − puisque celui-ci intègre, via les consommations intermédiaires, tout l’amont du secteur industriel considéré, ce qui n’est pas le cas des émissions directes. Toutefois, la valeur ajoutée, même si elle permet d’agréger des produits divers dans une mesure unifiée, ne résout pas complètement le problème de l’hétérogénéité puisqu’un même secteur englobe la fabrication de produits répartis sur toute la chaîne de valeur. Ce phénomène, qui concerne l’ensemble des secteurs manufacturiers, est particulièrement marqué pour l’industrie chimique qui regroupe en son sein chimie de base (gaz industriels, engrais azotés, matières plastiques de base, etc.) et chimie fine (peintures et vernis, parfums, savons, huiles essentielles, etc.). Or cette dernière génère plus de valeur ajoutée que la chimie de base, tout en étant moins carbonée[9]. Par ailleurs, au sein même de la chimie de base, certains produits sont avantagés en termes d’émissions in situ car issus d’un procédé de fabrication électrifié − cela est notamment le cas du chlore élaboré par électrolyse −, etc. La comparaison des intensités carbone entre la France et l’Allemagne est ainsi biaisée par les effets de structure difficiles à corriger, sauf à entrer dans un niveau de détail qui n’existe pas dans les comptes nationaux. En résumé, l’estimation de l’intensité carbone de l’industrie manufacturière des pays membres de l’Union européenne fait appel à deux types de modèles ; l’un pour agréger à un niveau sectoriel les émissions industrielles de gaz à effet de serre, l’autre pour additionner les valeurs ajoutées correspondantes. Cela nécessite l’harmonisation − au niveau européen − de deux systèmes de comptabilité différents (Encadré 2). La difficile harmonisation des cadres statistiques En théorie, toutes les données rassemblées pour estimer l’intensité carbone doivent être cohérentes et permettre les comparaisons entre secteurs et entre pays (Figure 1). En pratique, il est difficile de pouvoir s’en assurer complètement. Déjà, au sein d’un même pays, il n’est pas certain que l’on classe toujours dans le même secteur les émissions et les données économiques équivalentes. Il faudrait pour cela que les statistiques d’émissions, relevant du système de comptabilité économique et environnementale, soient parfaitement cohérentes avec celles de la valeur ajoutée fondées sur les principes du système européen des comptes. Or derrière ces cadres statistiques se cachent des réalités économiques parfois très complexes. Les quatre sources de données dont il faut vérifier la cohérence Transcription Fermer la transcription AEA : Air emission account. ESA : European system of national and regional accounts. Note : la couleur orange est associée aux cadres statistiques qui relèvent des émissions de gaz à effet de serre, et la couleur grise à ceux qui servent à l’estimation de la valeur ajoutée. Lecture : l’estimation de l’intensité carbone de l’industrie manufacturière – et de ses sous-secteurs – fait appel à deux cadres statistiques différents pour agréger les données industrielles : le système AEA pour les émissions de CO2 des sites, d’une part, et le système ESA pour les valeurs ajoutées, d’autre part. Or d’un cadre à l’autre, les périmètres des modèles utilisés ne se recoupent pas parfaitement et la définition des activités industrielles peut varier. Cela pose problème pour les comparaisons au sein d’un même pays et a fortiori entre pays, en l’occurrence entre la France et l’Allemagne. Source : les auteurs Encadré 2 − Le système de comptabilité économique et environnementale européen Eurostat — direction générale de la Commission européenne chargée de l’information statistique à l’échelle communautaire — publie chaque année, pour tous ses membres, l’intensité carbone (émissions divisées par la valeur ajoutée) des secteurs économiques ventilés par code NACE[10]. Ce code permet de distinguer par exemple les activités agricoles, manufacturières, la production d'énergie ou les services. Les émissions directes de gaz à effet de serre sont estimées au format AEA (air emission account) qui relève du système de comptabilité économique et environnementale, élaboré pour rendre possible la mise en relation de données environnementales (émissions de CO2, rejets de polluants, etc.) avec les indicateurs macroéconomiques (par exemple produit intérieur brut, valeur ajoutée, exportations, etc.). Ainsi, depuis 2011, chaque État membre est tenu de transmettre annuellement à Eurostat les comptes d’émissions de ses activités économiques ainsi que les valeurs ajoutées ventilées selon la même nomenclature. En France, les comptes d’émissions sont produits par le Citepa sous la responsabilité du SDES, qui les transmet à Eurostat. Le Citepa s’appuie pour cela sur les inventaires nationaux conventionnels dont il réalloue les émissions en suivant la nomenclature européenne NACE à deux chiffres[11]. En Allemagne, c’est l’institut statistique national Destatis (Statistisches Bundesamt) qui transmet à Eurostat les comptes d’émissions au format AEA, en se fondant sur les inventaires conventionnels réalisés par l’Office fédéral allemand de l’environnement, UBA (Umweltbundesamt). Quant à la valeur ajoutée, elle fait l’objet d’un traitement statistique séparé régi par le système européen de comptes nationaux et régionaux (European system of national and regional accounts ou ESA en anglais). En France, l’Insee la ventile en suivant la nomenclature NACE, puis transmet les données à Eurostat, tandis qu’en Allemagne c’est Destatis qui s’en charge (Figure 2). Organisation du transfert à Eurostat des données françaises et allemandes relatives à l’intensité carbone Transcription Fermer la transcription Notes : Destatis est l’institut statistique national allemand (l’homologue de l’Insee en France) ; UBA est l’Office fédéral allemand de l’environnement. La couleur orange est associée aux cadres statistiques qui relèvent des émissions de gaz à effet de serre, et la couleur grise à ceux qui servent à l’estimation de la valeur ajoutée. Les flèches représentent le transfert de données d’un organisme à l’autre. Source : les auteurs Prenons l’exemple des usines sidérurgiques intégrées. Il en existe deux actuellement en France − ArcelorMittal Dunkerque et Fos-sur-Mer − qui englobent l’intégralité de la chaîne de production de l’acier : la cokerie (pour fabriquer le coke à partir du charbon), la chaîne d’agglomération (pour agglomérer le minerai de fer), le haut-fourneau (pour réduire le minerai de fer aggloméré) et le convertisseur à oxygène (pour fabriquer l’acier par ajout d’oxygène). Les émissions provenant des cokeries sidérurgiques sont allouées au secteur cokéfaction et raffinage (NACE 19) par convention, et ne viennent donc pas alourdir le bilan carbone de la métallurgie (NACE 24). Il est toutefois difficile d’isoler la valeur ajoutée correspondante pour l’affecter à la NACE 19 puisque le coke est consommé en totalité dans le haut-fourneau du site industriel[12]. Un problème se pose également à propos des gaz sidérurgiques selon qu’ils sont brûlés sur place, valorisés comme source énergétique propre (autoconsommation) ou encore vendus pour produire de l’électricité dans des installations non manufacturières − en France, une partie des gaz sidérurgiques d’ArcelorMittal Dunkerque est vendue à la centrale thermique DK6 exploitée par Engie. Ces options ont des conséquences différentes tant sur le volume des émissions de carbone affecté à la métallurgie que sur la création de valeur ajoutée. Cela oblige les institutions statistiques à démêler au cas par cas les périmètres respectifs des émissions et de la valeur ajoutée, ce qui est difficile à faire en pratique. Pour terminer sur ce point, mentionnons un exemple au cœur de la chimie : la fabrication d’éthylène par vapocraquage d’hydrocarbures, qui est couverte par le Système d’échange de quotas d’émissions (SEQE) européen. Alors que dans les inventaires, les émissions déclarées sont attribuées à l’industrie chimique, il convient de s’assurer que la valeur ajoutée l’est aussi, y compris lorsque l’installation est située sur un site de raffinage. En France, d’après le Citepa, cela concerne une installation et près de 2 % des émissions de gaz à effet de serre de toute l’industrie chimique. Concernant à présent la comparaison entre pays, la question de la cohérence est encore plus marquée. Elle se pose pour les inventaires et la ventilation des émissions par code NACE, ainsi que pour l’estimation de la valeur ajoutée sectorielle. Pour le premier point, il faut avoir en tête que la production des données d’émissions sectorielles nécessite un travail technique important qui inclue une part de modélisation. Pour la réalisation des inventaires d’émissions conventionnels, trois méthodes de calcul (top-down, bottom-up et intermédiaire) coexistent dans les lignes directrices du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Leur choix dépend de la disponibilité et de la qualité des données (enquêtes statistiques nationales, registres de déclarations au SEQE européen, bilans de l’énergie, etc.), ce qui induit forcément des différences entre la France[13] et l’Allemagne qui n’ont pas accès aux mêmes bases statistiques. La réallocation de ces émissions par code NACE dépend également des sources disponibles dans chaque pays (enquêtes sur les consommations énergétiques, données internes des distributeurs d'énergie, etc.). S’agissant de la valeur ajoutée, il s’avère que l’activité industrielle ne recouvre pas tout à fait la même réalité dans les comptes français et allemands, ce qui impacte l’estimation de l’intensité carbone. Nous en discutons en seconde partie. L'impact de la mesure de la valeur ajoutée en France et en Allemagne sur l'intensité carbone Valeur ajoutée issue des tableaux des ressources et des emplois (SUT) Les chiffres les plus couramment utilisés pour mesurer la valeur ajoutée des activités économiques sont ceux des tableaux des ressources et des emplois (supply and use tables ou SUT en anglais). Si la France élabore ces tableaux en faisant référence à des branches d’activité homogènes, qui par définition n’ont qu’une seule activité, ce n’est pas le cas de la plupart des autres pays européens et en particulier de l’Allemagne. Ainsi, si l’on se réfère au dernier tableau disponible (année 2020), on relève que la production de l’industrie manufacturière allemande se compose d’environ 90 % de produits manufacturés et de 10 % d’autres productions, dont 3 % de commerce et 3 % de services de recherche et développement (R & D). En France, en revanche, l’Insee cherche à capter dans ce tableau une activité « purement manufacturière » excluant ces services. En pratique, le système européen des comptes n’est donc pas tout à fait harmonisé entre les deux pays. Si la comparaison des grands agrégats au niveau de l’économie entière (valeur ajoutée totale et PIB) ne pose pas de problème majeur, la question du partage par type d’activité est plus difficile. Cela nécessite de prendre des précautions pour pouvoir réaliser des comparaisons fiables entre la situation de l’industrie française et celle de sa voisine. L’idée, pour la valeur ajoutée sectorielle, est de recourir non pas au SUT, mais à un tableau d’entrées-sorties (input-output table ou IOT en anglais), qui décrit l’activité par branches complètement homogènes. En France on utilise le terme « tableau d’entrées-sorties (TES) symétrique » pour désigner ce type de tableau. Valeur ajoutée issue des tableaux d’entrées-sorties (IOT) L’IOT, complètement homogène, résulte d’une construction analytique qui s’éloigne des unités réellement observées. Car le système européen des comptes distingue deux notions fondamentalement différentes : les unités observables, qui partagent autant que possible des activités homogènes, mais qui admettent parfois des activités secondaires si les sources comptables ne permettent pas de les séparer. Elles se regroupent sous forme de branches observables ; les unités de production homogènes, qui sont construites statistiquement, à partir de données administratives et d’enquêtes. Ces unités, généralement inobservables, se regroupent en branches homogènes. Ainsi le SUT, qui couvre une activité principale et de petites activités secondaires, résulte de la première convention, tandis que l’IOT, qui couvre une unique activité principale (c’est-à-dire un unique produit), est issu de la seconde, fictive mais moins dépendante du contexte juridique et statistique national et, par conséquent, mieux adapté aux comparaisons entre pays. Pour autant, l’IOT en branches homogènes, supérieur en théorie, n’est pas encore largement disponible en pratique. Depuis le début des années 2010, Eurostat a mis en place un programme de collecte centralisé au niveau européen, mais les données sont disponibles avec du retard. Parmi les vingt-sept États membres, seuls huit pays réalisent une matrice IOT chaque année, cinq n’en réalisent pas du tout, les autres en produisant uniquement tous les cinq ans (minimum exigé par Eurostat) — soit du fait de la charge de travail que cela représente, soit parce que certaines informations, notamment issues d’enquêtes, ne sont pas disponibles chaque année. Impact de la mesure de la valeur ajoutée sur la part de l’industrie manufacturière dans la production Les comptes nationaux français sont construits directement par branche homogène, ce qui signifie que les activités du SUT sont déjà mono-produit et le passage à l’IOT ne modifie (quasiment) pas les valeurs ajoutées. En Europe, seule la Roumanie a fait le même choix. Les autres pays distinguent, à des degrés divers, des activités secondaires au sein de leurs branches observables, et il se trouve qu’en Allemagne ces branches sont construites à partir des unités légales naturellement assez hétérogènes. L’écart SUT/IOT est donc important dans ce pays et la valeur ajoutée manufacturière est 16 % plus basse dans l’IOT comparé au SUT. À titre de comparaison, l’écart moyen en Europe (hors France et Allemagne) n’est que de 5 %. On peut noter également que la baisse apparente de l’activité manufacturière quand on passe du SUT allemand à l’IOT est plus marquée sur la valeur ajoutée (environ -16 %) que sur le chiffre d’affaires (environ -10 %). Cela signifie que les activités secondaires qui sont isolées dans ce processus (principalement le commerce et la R & D) ont un taux de valeur ajoutée plus élevé que l’activité manufacturière principale. Ce différentiel entre production et valeur ajoutée quand on passe à l’IOT se retrouve dans la plupart des autres pays d’Europe, mais est relativement plus marqué en Allemagne. Impact de la mesure de la valeur ajoutée sur l’intensité carbone de l’industrie manufacturière Fonder ou pas le calcul de la valeur ajoutée sur des activités « purement manufacturières » a bien évidemment un impact sur l’intensité carbone estimée, puisque ces activités sont nettement plus émettrices que les activités de commerce ou de services. Or, il se trouve qu’Eurostat publie les estimations d’intensité carbone en se fondant sur les données de valeur ajoutée estimée à partir des SUT[14]. Pour corriger le biais, nous avons recalculé l’intensité carbone de l’industrie manufacturière de ces deux pays en utilisant les matrices IOT publiées chaque année pour la France et l’Allemagne (dernières données disponibles en 2020). Sur la base des mêmes données d’émissions, nous montrons que l’écart entre les deux pays se resserre significativement (Graphique 3). Intensité carbone de l’ensemble de l’industrie manufacturière selon la mesure de la valeur ajoutée Transcription Fermer la transcription GES : gaz à effet de serre. IOT : input-output tables. SUT : supply and use tables. VA : valeur ajoutée. Note : les estimations de VA fondées sur les matrices IOT sont disponibles jusqu’en 2020. Lecture : lorsque la VA est issue des SUT, l’intensité carbone de l’industrie manufacturière allemande représentée en vert (respectivement française représentée en bleu) est estimée à 346 gCO2e/€ (respectivement 471 gCO2e/€) en 2013 et à 299 gCO2e/€ (respectivement 368 gCO2e/€) en 2020. Lorsque la VA est issue des matrices IOT, l’intensité est estimée à 406 gCO2e/€ en 2013 et 362 gCO2e/€ en 2020 en Allemagne. En France, l’intensité vaut 462 gCO2e/€ en 2013 et 359 gCO2e/€ en 2020. Source : calculs des auteurs d’après Eurostat Comme attendu, l’intensité carbone de l’industrie manufacturière allemande est plus élevée lorsque le biais est corrigé. En revanche, l’intensité carbone est légèrement plus faible en France. L’explication tient au fait que dans le SUT français, une partie de l’industrie agroalimentaire est classée dans l’activité « agriculture » (notamment pour ce qui est lié à la fabrication du vin). Quand on passe à l’IOT, cette activité est réintégrée dans l’industrie manufacturière et vient donc augmenter légèrement la valeur ajoutée de l’industrie. Par ailleurs, il est intéressant de noter qu’enutilisant les statistiques IOT, l’écart en faveur de l’Allemagne s’est peu à peu réduit depuis 2013 pour devenir presque nul en 2020. Les statistiques SUT, les seules disponibles après 2020, indiquent que les émissions en 2022 ont nettement diminué en France comme en Allemagne, mais il n’est pas possible d’anticiper ce qu’il en est de la position relative des deux pays avec les statistiques IOT. En 2019, avec le passage à l’IOT, l’écart en faveur de l’Allemagne passe de 28 % à 4 % pour l’industrie manufacturière dans son ensemble, et il est réduit pour la métallurgie, la fabrication d’autres produits minéraux non métalliques (dont le ciment) et l’industrie chimique. L’avantage de la France se trouve plus accentué pour l’industrie du papier-carton et pour les industries alimentaires (Graphique 4). Le message important à retenir est la remise en cause de l’avantage de l’Allemagne par rapport à la France quant à ’intensité carbone de son industrie manufacturière considérée dans son ensemble. Il reste cependant des écarts significatifs (positifs ou négatifs) par secteur, difficiles à commenter en raison de l’hétérogénéité intra-sectorielle qui induit des effets de structure. Pour en dire plus, il faudrait disposer des données d’émissions et de valeur ajoutée à un niveau beaucoup plus fin, c’est-à-dire pour chacun des produits fabriqués. Or aucun modèle statistique ne permet de les obtenir en conservant une cohérence d’ensemble au niveau national entre données d’émissions et données économiques. C’est toute la limite de la comparaison sectorielle de l’intensité carbone fondée sur les modèles statistiques. Intensité carbone : écart entre les industries françaises et allemandes Transcription Fermer la transcription Note : écart France/Allemagne = (intensité France/intensité Allemagne) -1. Le ratio est exprimé en pourcentage. Un écart positif signifie que l’intensité carbone du secteur est plus élevée en France qu’en Allemagne. Les six secteurs détaillés ici représentent plus de 80 % des émissions de l’industrie manufacturière. Lecture : l’intensité carbone de l’industrie manufacturière dans son ensemble est 28 % plus élevée en France qu’en Allemagne dans les données Eurostat. La différence est ramenée à 4 % une fois corrigé le biais sur l’estimation de la valeur ajoutée. Source : Eurostat (septembre 2024) et calculs des auteurs Autres explications hors du champ statistique : le cas du ciment Ainsi, la comparaison de l’industrie manufacturière des deux pays nécessite de compléter l’analyse des données sectorielles d’intensité carbone par une comparaison détaillée des filières les plus carbonées. À la demande de France Stratégie, le Citepa[15] s’est penché sur la question de la fabrication du ciment dont les émissions de gaz à effet de serre sont parmi les plus importantes du secteur. En s’affranchissant de la question de la valeur ajoutée et en rapportant les émissions aux tonnes de ciment produites, il a mis en évidence trois facteurs qui pèsent le plus dans ce bilan carbone[16]. Le premier est la quantité de clinker entrant dans la composition du ciment (taux de clinker). Ce composant, qui résulte de la cuisson à très haute température (environ 1 450 °C) d’un mélange de poudre de calcaire et d’argile, est responsable de l’essentiel des émissions de gaz à effet de serre du secteur. Le taux de clinker dépend de la part de substituts utilisés, provenant ou bien de rebuts industriels (disponibles en quantités malheureusement limitées, par exemple laitier de haut-fourneau résultant de la fusion des composés non métalliques des minerais, cendres volantes issues de la combustion du charbon, fumée de silice, sous-produit de la métallurgie du silicium), ou bien introduits au titre de la décarbonation (notamment les argiles calcinées, moins émettrices que le clinker et qui peuvent s’y substituer partiellement). En 2019, le taux de clinker est plus élevé en France (0,79 tonne de clinker par tonne de ciment) qu’en Allemagne (0,73 tonne de clinker par tonne de ciment). Le second est le taux d’autosuffisance en clinker qui exprime l’importance de la production domestique de clinker par rapport à la consommation domestique (c’est-à-dire production domestique + importations — exportations). En 2019, ce taux est égal à 0,91 en France, qui importe beaucoup de clinker et à 1,01 en Allemagne, exportatrice nette — car les cimentiers allemands importent très peu de clinker. Enfin, le troisième est la composition du mix énergétique mesurée en émissions de gaz à effet de serre par unité énergétique consommée. Décarboner le mix implique notamment de remplacer les énergies fossiles (par exemple coke de pétrole, charbon) par des combustibles alternatifs comme des huiles ou solvants usagés, des farines animales, des déchets de bois, etc. Le mix énergétique consommé par les cimenteries françaises est moins carboné (74 kgCO2e/gigajoule) qu’en Allemagne (87 kgCO2e/gigajoule). Le graphique 5 montre comment ces différents effets expliquent — en sus du biais statistique concernant la valeur ajoutée — l’écart observé en 2019 entre les intensités carbone du secteur « produits minéraux non métalliques » dont le ciment fait partie. Certains facteurs impactent significativement l’intensité carbone sans que cela soit visible, des effets opposés pouvant se compenser[17]. Principaux facteurs expliquant pour l’année 2019 l’écart d’intensité carbone dans la fabrication du ciment Transcription Fermer la transcription IOT : input-output tables. SUT : supply and use tables. Lecture : la composition du ciment (taux de clinker) explique 9 % de l’écart de l’intensité carbone du secteur entre la France et l’Allemagne. Le taux d’autosuffisance en clinker, qui exprime l’importance de la production domestique de clinker par rapport à la consommation domestique, ainsi que la composition du mix énergique jouent quant à eux en faveur de l’intensité carbone française. Source : d’après le Citepa Conclusion La décarbonation de l’industrie manufacturière est l’une des clés de la réussite de la transition climatique tant pour l’Allemagne, grande puissance industrielle, que pour la France, qui a engagé une politique de réindustrialisation. Dans les deux pays, elle doit être pensée conjointement avec les questions de compétitivité internationale, de maintien et de retour des activités industrielles sur le territoire. Notre analyse n’est pas axée sur les différents leviers à actionner pour y parvenir mais sur l’indicateur qui permet de suivre et de comparer, à partir de la situation actuelle, les progrès réalisés en France et en Allemagne. Or il s’avère que le principal indicateur, à savoir l’intensité carbone — définie comme le ratio entre le volume d’émissions de gaz à effet de serre et la valeur ajoutée —, telle qu’elle est actuellement calculée, comporte un certain nombre de biais statistiques. Nous avons relevé le plus important d’entre eux qui fausse la comparaison entre la France et l’Allemagne : il s’agit d’une différence notable dans les modèles d’estimation de la valeur ajoutée des activités industrielles, qui intègrent certains services secondaires de l’industrie (en particulier de commerce et R & D) en Allemagne, mais pas en France. Une fois ce biais corrigé, l’intensité carbone de l’industrie manufacturière allemande passe, en 2019, de 290 gCO2e/€ de valeur ajoutée à 351 gCO2e/€, tandis qu’elle passe en France de 372 gCO2e/€ à 364 gCO2e/€[18]. L’écart en faveur de l’Allemagne se trouve fortement réduit : de 28 % à 4 %. Cela appelle à une plus grande homogénéisation au niveau européen des comptes nationaux servant de référence aux pays membres dans l’estimation des valeurs ajoutées, ou à une publication plus fréquente et plus rapide des tableaux d’entrées-sorties (IOT) qui permettent de mieux comparer l’intensité carbone. Il reste des écarts significatifs (positifs ou négatifs) par secteur. Toutefois, ceux-ci sont difficiles à expliquer en raison de l’hétérogénéité intra-sectorielle qui induit des effets de structure. Pour mieux les expliquer, il faudrait disposer de données d’émissions et de données économiques à un niveau très fin. Néanmoins, le risque de rencontrer des incohérences entre la classification sectorielle des émissions et des données économiques se trouverait alors également augmenté. Si les données statistiques sont essentielles, la compréhension des écarts d’intensité carbone ne peut pas faire l’économie d’une observation minutieuse des réalités industrielles : technologies utilisées, gamme de produits fabriqués, organisation de la production pour optimiser les flux de matières et la consommation énergétique, etc. Les opinions exprimées dans ce document engagent leurs auteurset n'ont pas vocation à refléter la position du gouvernement. [1]Au niveau de l’Union européenne, ces émissions de gaz à effet de serre de l’industrie manufacturière sont composées à 96 % de CO2, à 1 % de CH4, à 1 % de N2O et à 2 % de gaz fluorés. [2] Eurostat, consulté en septembre 2024. [3] Le Citepa est l’organisme français qui réalise les inventaires d’émissions nationaux sous l’autorité du ministère de la Transition écologique. Il participe aux revues des inventaires d’émissions internationaux et européens. [4] Voir également Lolo D. (2024), « L’industrie est-elle plus verte ailleurs ? La France face à l’Allemagne », Les Notes de La Fabrique, La Fabrique de l’industrie, 5 septembre. [5] Voir Larrieu S. (2024), « Quel est vraiment le poids de l’industrie en France et en Allemagne ? », Billet de blog, Insee, 12 juillet [6] En France, les émissions directes de l’industrie manufacturière sont également réparties entre ces deux postes, ce qui n’est pas le cas en Allemagne où plus de 70 % des gaz à effet de serre sont associés à un usage énergétique, ni en moyenne, dans l’Union européenne où la proportion atteint près de 60 % (estimation d’après Eurostat). [7] Pour plus de détails, voir France Stratégie (2024), Les coûts d’abattement. Partie 7 – Acier, rapport de la commission présidée par Patrick Criqui, octobre, chapitre 1 (section 4). [8] Il se réfère aux données d’inventaires rapportées en avril 2023 à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Voir Citepa (2024), Rapport sur l’étude de la comparabilité des intensités carbone française et allemande pour l’industrie manufacturière, juin. [9] Paradoxalement, l’industrie chimique allemande – dont l’intensité carbone est plus faible – est largement dominée par les produits de base, alors que la chimie française est plutôt portée sur les savons, les parfums et les cosmétiques (source : statistiques structurelles des entreprises d’Eurostat). [10] Nomenclature statistique des activités économiques dans la Communauté européenne. [11]Les deux chiffres se réfèrent à la section (par exemple section C pour industrie manufacturière) et la division (par exemple division 19 pour les activités de cokéfaction et raffinage, division 20 pour l’industrie chimique, division 23 pour la fabrication du ciment, du verre, de la chaux et du plâtre, et division 24 pour la métallurgie). [12] ArcelorMittal déclare un chiffre d’affaires très faible en cokéfaction qui n’est pas représentatif de sa production pour compte propre. [13] En France, le Citepa utilise une nomenclature fine, appelée SNAP (Selected Nomenclature for Air Pollution) pour allouer les émissions par code NACE. Il parvient ainsi à maximiser le nombre d’allocations simples, c’est-à-dire à attribuer directement un flux d’émissions à un secteur. L’Allemagne ne procède pas ainsi. Cependant, d’après Destatis, environ 77 % des émissions totales de CO2 et 98 % des émissions totales de CH4 (toutes activités économiques confondues) sont alloués directement aux secteurs. [14] À titre de vérification, sur la période 2013-2020, nous avons comparé, pour la France et l’Allemagne, l’intensité carbone publiée par Eurostat par secteur NACE et le ratio émissions de gaz à effet de serre sur la valeur ajoutée issue des SUT. Les résultats sont très proches, la correspondance étant parfaite dès 2015. [15]Voir Citepa (2024), Rapport sur l’étude de la comparabilité des intensités carbone…, op. cit. [16] L’efficacité énergétique – exprimée en unité énergétique par volume de ciment produit – constitue également un levier de décarbonation du secteur. Néanmoins, d’après le Citepa, elle n’influence pas de façon significative l’écart franco-allemand observé ces dernières années. [17] Les chiffres de la production de ciment peuvent être influencés par les productions de chaux et de plâtre. Leurs consommations énergétiques sont incluses dans le détail des données par NACE. Pour plus de détails, voir Citepa (2024), Rapport sur l’étude de la comparabilité des intensités carbone…, op. cit. [18] Comme nous l’avons vu plus haut, le passage en France de la logique SUT à celle de l’IOT réhausse légèrement la valeur ajoutée de l’industrie, qui récupère une partie des activités agroalimentaires. Téléchargement L’industrie est-elle plus carbonée en France qu’en Allemagne ? Télécharger la note d'analyse 145 PDF - 1 012.1 Ko Thèmes Changement climatique Industrie Publié par France Stratégie Auteurs Nathalie Popiolek Sylvain Larrieu Citer ou exporter Citer cette publication Fermer Citer cette publication APA Popiolek, N., & Larrieu, S. (2024). L’industrie est-elle plus carbonée en France qu’en Allemagne ? [La Note d’analyse, no. 145] (12 pages). France Stratégie. Copier MLA Popiolek, N., and S. Larrieu. L’industrie est-elle plus carbonée en France qu’en Allemagne ? France Stratégie, La Note d’analyse, no. 145, 2024, 12 p. Copier Rapport - ISO 690 POPIOLEK, N.; LARRIEU, S. L’industrie est-elle plus carbonée en France qu’en Allemagne ? La Note d’analyse, n° 145. France Stratégie, 2024, 12 p. Copier Autres options d'export EN Version Pour aller plus loin Les coûts d’abattement en France Suite au rapport de la Commission Quinet sur la valeur de l’action pour le climat, qui faisait le constat de la nécessité « de pos... 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