Les premières années d’application de la Charte de l’environnement ont confirmé la nécessité de considérer le principe de précaution comme un principe d’action qui doit s’appuyer sur le meilleur état de la connaissance technique et scientifique et conduire à la réalisation de travaux de recherche accrus. Ce principe est malheureusement très souvent mal compris de la part du citoyen, mais aussi parfois des hommes politiques, très mal relayé par les médias, et sert trop souvent d’argument à l’immobilisme ou au choix d’un moratoire qui n’est alors utilisé que comme le report d’une décision pendant plusieurs mois : sa mise en œuvre doit déclencher au contraire les programmes de recherche et les approfondissements nécessaires à l’évaluation des incertitudes existantes.
Les décisions du Conseil Constitutionnel à travers la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité devraient encadrer l’application du principe de précaution. Il est encore trop tôt pour juger du rôle de cette instance et de sa capacité à le considérer effectivement comme un principe d’action et à corriger les dérives auxquelles il pourrait donner lieu. Un jugement exclusivement juridique sur la constitutionnalité ou non d’une décision risque de ne pas prendre en compte de telles considérations. Une réflexion plus spécifique sur l’application du principe de précaution à la santé devrait être menée. Mal transposé dans ce domaine, ce principe pourrait conduire à des blocages extrêmement dommageables et à retarder l’adoption d’un certain nombre de nouvelles thérapies. Les exemples des OGM et de l’utilisation du clonage animal dans l’alimentation doivent enfin attirer notre attention sur deux points. Si un gouvernement pouvait, dans le cadre de l’OMC, et au-delà d’oppositions légitimes sur le plan de la santé et de l’environnement, prendre en compte dans ses décisions les interrogations culturelles ou sociétales que suscite un nouveau produit ou une nouvelle culture, on éviterait l’instrumentalisation possible de l’incertitude scientifique et technique au profit de dispositifs légitimés d’encadrement, de surveillance et de responsabilité. Par ailleurs, la bonne application du principe de précaution suppose la mobilisation des meilleures connaissances scientifiques disponibles. Il faut cependant garder en tête qu’elle ne reflète parfois que l’état des questionnements avérés : l’industrie privée peut ne pas avoir instruit publiquement les questions – parfois gênantes pour elle – qu’imposeraient l’intérêt public et le besoin de confiance. De plus, certaines données restent parfois confidentielles en raison d’un usage excessif du secret industriel.
Les documents de travail du Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP) sont des études ou des travaux de recherche effectués au CGSP. Ils n'engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement des positions du Commissariat général à la stratégie et à la prospective. L'objet de leur diffusion est de susciter le débat et d'appeler commentaires et critiques.