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Rapport
Publié le
Lundi 28 Novembre 2022

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Le contexte de l’année 2022 est celui d’une forte hausse de l’inflation qui s’élève en octobre 2022 à 6,2 % (en glissement sur douze mois), niveau jamais atteint depuis plusieurs décennies. Cette hausse est liée à la détérioration des termes de l’échange, elle-même en grande partie la conséquence de la guerre en Ukraine. La détérioration des termes de l’échange représente un prélèvement brut d’environ trois points de PIB sur les richesses produites en France. Les gains de productivité nuls, sinon légèrement négatifs depuis 2020 et la crise de la Covid-19, ne peuvent contribuer à amortir ce choc qui entraîne une baisse du revenu réel distribuable. Des dispositifs (bouclier tarifaire et remise à la pompe, en particulier) ont été déployés pour atténuer ce choc en en transférant en partie le poids sur la dette publique et donc sur les générations à venir. La part résiduelle se reporte mécaniquement sur le revenu réel des agents.

Une croissance dynamique en 2021 (croissance du PIB de 6,8 % en moyenne annuelle) a permis de retrouver, en fin d’année, le niveau d’activité d’avant la crise sanitaire qui s’est traduite par une forte contraction de l’activité (- 7,8 % en 2020). En revanche, la croissance de l’activité est assez hésitante depuis le début 2022. L’appareil productif a été préservé sur cette période grâce aux mesures de soutien mais, du fait de l’accélération des prix, ces dernières ne pourront sans doute empêcher un léger tassement en 2022 du pouvoir d’achat du salaire moyen et du revenu par unité de consommation. L’emploi est demeuré dynamique et le taux de chômage est depuis le début de 2022 à peu près stabilisé à 7,3 %, tandis que le taux d’emploi au sens de l’Insee atteint son plus haut niveau historique (68,3 % au 3e trimestre 2022). Toutefois, les perspectives demeurent très incertaines sur l’année 2023.

Les tensions de recrutement ont continué de s’accroître sur les derniers trimestres et atteignent désormais des maxima historiques. Ces tensions s’expliquent en partie par les fortes créations d’emplois, mais aussi par des facteurs structurels. Les pénuries de main-d’œuvre sont notamment dues à l’inadéquation des compétences dans certaines activités, à une attractivité insuffisante de nombreux postes de travail, ainsi qu’à une faible mobilité de l’offre de travail.

Le niveau du salaire minimum horaire en France est l’un des plus élevés parmi les pays de l’OCDE. Parallèlement, la France se situe dans la moyenne de l’OCDE lorsqu’on compare le coût du travail au niveau du salaire minimum à celui au niveau du salaire médian, tout en étant le pays de l’OCDE où le revenu net au niveau du salaire minimum est l’un des plus proches du revenu net au niveau du salaire médian. Cette combinaison s’explique à la fois par les réductions de cotisations sociales employeurs ciblées sur les bas salaires et par les dispositifs de soutien aux bas revenus. Les cotisations sociales patronales au niveau du Smic se limitent désormais à la cotisation accidents du travai et maladies professionnelles. Les politiques de soutien à l’emploi non qualifié devront donc dans le futur trouver d’autres voies. Les politiques de soutien aux bas revenus ont aussi atteint leurs limites. Il y a désormais peu de rendement en termes de revenu de la mobilité et des efforts de formation au bas de la distribution des salaires.

En 2022, le Smic a été revalorisé de 5,6 % au total : 0,9 % au 1er janvier, 2,6 % au 1er mai et 2,0 % au 1er août, protégeant son pouvoir d’achat.

Le Groupe d’experts recommande de s’abstenir de tout coup de pouce sur le Smic au 1 er janvier 2023. Le Smic serait alors revalorisé du fait des seuls mécanismes de revalorisation automatique, ce qui consoliderait la préservation du pouvoir d’achat du Smic face à la probable hausse de l’indice des prix à la consommation entre son niveau de juin (pris en compte dans la revalorisation du 1 er août 2022) et celui de novembre (pris en compte dans la revalorisation du 1 er janvier 2023).

Cette recommandation s’explique principalement par trois considérations.

  • La détérioration des termes de l’échange dans un contexte de productivité atone se traduira en partie par une baisse du revenu réel des entreprises et des ménages, malgré les vastes dispositifs déployés pour protéger le pouvoir d’achat. Aller au-delà de la préservation du pouvoir d’achat du Smic ne paraît pas souhaitable alors que celui des indices salariaux usuels (Salaire horaire de base des ouvriers et employés, SHBOE, et Salaire mensuel de base, SMB) est abaissé.
  • Une dynamique trop forte du Smic pourrait avoir des effets négatifs sur l’emploi des travailleurs les plus fragiles, un risque confirmé par une nouvelle étude réalisée à la demande du Groupe d’experts.
  • La situation structurelle de l’économie française demeure fragile, avec un chômage encore élevé et une compétitivité relativement faible dont témoigne un solde commercial continûment négatif depuis 2006.

À ces considérations s’ajoute le constat de l’inadaptation du Smic pour réduire la pauvreté laborieuse dont les deux premiers facteurs sont le nombre d’heures travaillées et la configuration du ménage, bien avant le niveau du salaire horaire, comme le confirment deux nouvelles études réalisées à la demande du Groupe d’experts. La lutte contre la pauvreté laborieuse passe davantage par la réduction des situations de temps partiel contraint.

Le Groupe d’experts renouvelle la suggestion de modifier la formule de revalorisation du Smic. Plusieurs options sont évoquées dans le rapport. Le rôle du Groupe d’experts serait élargi, ce qui pourrait justifier également sa refonte, évoquée par plusieurs partenaires sociaux. Une première option consisterait à repréciser les modalités de revalorisation automatique du Smic afin d’éviter une dynamique de ce dernier spontanément plus forte que celle du SHBOE en cas de surprise inflationniste ou désinflationniste. Une deuxième option, qui ne fait pas consensus au sein du Groupe d’experts, serait la suppression de tout ou partie des termes de revalorisation automatique (inflation et moitié du pouvoir d’achat du SHBOE). Cet abandon conférerait une responsabilité accrue aux pouvoirs publics qui pourraient ainsi mieux articuler les évolutions du Smic avec celles du marché du travail et des dispositifs de lutte contre la pauvreté laborieuse, mais lierait la fréquence et les revalorisations aux fluctuations politiques. Cependant, dans le contexte actuel de forte inflation, les revalorisations automatiques ont permis de protéger le pouvoir d’achat des travailleurs à bas salaire sur la période, même si les effets à moyen terme de cette protection sur la pauvreté ne sont pas garantis. Une troisième option, enfin, qui s’inspire des situations observées en Allemagne et aux Pays-Bas, consisterait à indexer automatiquement le Smic sur la moyenne des évolutions des minima salariaux d’un panel de branches ne souffrant pas d’insuffisance de la négociation collective. Ces changements ne reviendraient pas sur la possible pratique de « coups de pouce », voire la renforceraient dans la deuxième option. Ils renforceraient surtout le rôle de la négociation collective et responsabiliseraient ainsi les partenaires sociaux dans la définition des normes salariales et des minima de branche. En revanche, le Groupe d’experts ne recommande pas de régionalisation du salaire minimum.

Les deux hausses du Smic en 2021 et ses trois hausses en 2022 ont eu pour effet d’augmenter considérablement le nombre de branches dans lesquelles des minima salariaux, définis par les conventions collectives, sont inférieurs au Smic. Une telle situation augmente le nombre de salariés et in fine la masse salariale donnant droit à exonération de cotisations sociales employeur. Le Groupe d’experts recommandait dans son précédent rapport que des dispositions adaptées fassent rapidement disparaître cette incitation à la non-conformité et à l’affaiblissement du rôle de la négociation. Il se félicite à cet égard des dispositions allant dans cette direction, incluses dans la « loi pouvoir d’achat » d’août 2022 (article 7). Il conviendrait de faire un bilan de l’efficacité de ces dispositions. Le Smic est un socle salarial indispensable, en particulier pour renforcer le pouvoir de négociation des travailleurs là où le rôle des partenaires sociaux est faible, mais c’est à la négociation collective qu’il revient de dynamiser les salaires. Il est crucial que les partenaires sociaux se saisissent pleinement à l’avenir, via la négociation collective, de la dynamique des bas salaires.  

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