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Rapport
Publié le
Jeudi 28 Novembre 2019

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Deux objectifs guident les travaux et les propositions du Groupe d’experts : augmenter l’emploi et réduire le chômage, de façon durable et soutenable, et lutter efficacement contre la pauvreté.

La France comme la zone euro connaissent depuis 2018 un ralentissement de l’activité qui se traduit par de moindres créations d’emplois. Moins directement exposée à la panne du commerce international qu’un pays comme l’Allemagne, la croissance de l’économie française est désormais plus forte que celle de la zone euro. Depuis son point haut de la mi-2015, le taux de chômage baisse, mais plus faiblement que dans l’ensemble de la zone euro. Il reste néanmoins parmi les plus élevés de zone euro et OCDE. Le taux de chômage de longue durée, celui des jeunes tout comme le halo du chômage demeurent élevés. En outre, la situation financière des entreprises, appréhendée par le taux de marge, se redresse depuis son point bas de 2013 mais n’a pas encore retrouvé en 2018 son niveau d’avant la crise. Le secteur productif souffre toujours d’un déficit de compétitivité, comme en témoigne un solde commercial (biens et services) continûment négatif depuis 2005.

En 2018 et 2019, la bascule entre la CSG et les cotisations sociales et la revalorisation de la prime d’activité ont accru significativement les revenus des salariés, tout particulièrement ceux rémunérés au voisinage du SMIC et travaillant plus qu’un mi-temps. Les politiques de baisses des contributions sociales employeurs amplifiées depuis le début de la décennie 1990 dans un souci constant et transpartisan d’atténuer les effets potentiellement préjudiciables d’un SMIC élevé sur l’emploi des moins qualifiés, atteignent leurs limites en 2019. Grâce à ces politiques, au coût très important pour les finances publiques, et à un SMIC brut relativement plus élevé que dans d’autres pays de l’OCDE, le revenu disponible au salaire minimum en France est en 2019 le plus élevé parmi les pays de l’OCDE (à 80% du revenu disponible médian) alors que le coût du travail au salaire minimum relativement au coût du travail médian se situe dans la moyenne de l’OCDE.

À son niveau actuel, la revalorisation du SMIC a un impact limité contre la pauvreté, y compris la pauvreté laborieuse. Pour un célibataire travaillant à temps plein toute l’année, le SMIC est supérieur au seuil de pauvreté relative. Les simulations réalisées dans le rapport montrent que la revalorisation de la prime d’activité mise en œuvre en 2019 contribue davantage à réduire la pauvreté qu’un relèvement du SMIC de la même valeur (100 euros nets mensuels) ou un relèvement ayant le même coût net pour les finances publiques.

Compte tenu de ces différents aspects, le Groupe d’Experts recommande de s’en tenir aux deux composantes de la revalorisation automatique et de s’abstenir de « coup de pouce » au 1er janvier 2020. L’indice salarial de référence (le salaire horaire de base des ouvriers et employés, SHBOE) progressant plus rapidement que les prix, cette revalorisation automatique se traduira par un gain de pouvoir d’achat.

A l’instar des années précédentes, le Groupe d’Experts rappelle sa suggestion de modifier la formule de revalorisation du SMIC, en supprimant tout ou partie des termes de revalorisation automatique (l’inflation et la moitié du pouvoir d’achat du SHBOE). Cette révision rapprocherait la France des autres pays disposant d’un salaire minimum national. Elle accroîtrait la responsabilité des pouvoirs publics qui pourraient ainsi mieux articuler les évolutions du SMIC avec les dispositifs de lutte contre la pauvreté laborieuse, en particulier dans le contexte de la réflexion actuelle sur une unification des minimas sociaux. Elle contribuerait à renforcer le rôle de la négociation collective dans la définition des normes salariales, ce qui prend un relief particulier dans le contexte actuel de restructuration et de réduction du nombre des branches.

L’attention du Groupe s’est portée sur les relations entre le SMIC et les rémunérations dans les Fonctions Publiques. L’examen des grilles salariales a permis de mettre en évidence que pour de nombreux agents les rémunérations les plus basses ont eu tendance à s’aligner sur le SMIC au cours du temps et que nombre de carrières se déroulent désormais au voisinage du SMIC. Ces caractéristiques peuvent contribuer à un sentiment diffus de perte de perspectives et de déclassement, conduisant in fine à des problèmes d’attractivité pour les Fonctions Publiques.

Le Groupe s’est également intéressé à la perspective d’une rémunération minimale pour certains indépendants très subordonnés économiquement, en particulier les « travailleurs de plateforme ». La légitimité d’une rémunération minimale sur la base des droits fondamentaux s’impose et sa forme est débattue dans plusieurs pays de l’OCDE. Pour autant, la réponse concrète n’est pas facile à concevoir et elle présente des risques, en particuliers ceux de brider des formes d’activités dont le développement peut être bénéfique pour la croissance, l’emploi et le bien-être du consommateur. Plus de travaux de réflexions sont nécessaires pour définir au plus vite l’intervention publique indispensable.

Des études récentes montrent que les effets sur l’emploi des hausses de salaire minimum peuvent ne pas être univoques selon le pouvoir des employeurs pour fixer les salaires. Si ce pouvoir est fort et le niveau du salaire minimum faible au départ, son relèvement peut avoir des effets positifs sur l’emploi. Toutefois, ces résultats ne peuvent être automatiquement transposés au cas de la France où les études disponibles sur le SMIC et les baisses des contributions sociales employeurs sur les bas salaires ont montré qu’une augmentation du coût du travail y a un effet négatif sur l’emploi.

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