Note d’analyse

Le Fonds Spinelli : un pacte européen pour les compétences

Concevoir un fonds européen pour la formation professionnelle qui serve aussi à la zone euro d’instrument de relance conjoncturelle, et ce, avec une dépense publique minimale, sans transferts entre États membres : possible ? Oui.

Publié le : 16/11/2017

Temps de lecture

12 minutes

L’Europe n’a pas bonne presse. Après dix années de crise, les citoyens européens la perçoivent plus que jamais comme un lointain gardien des Traités dont l’austérité serait un pilier. À qui la faute ? À un manque patent de coordination macroéconomique. Et à un budget commun limité – moins de 1 % du PIB – assorti d’un mode d’intervention qui, principe de subsidiarité oblige, veut que l’Union européenne cofinance le plus souvent des actions des États et des régions. Bilan : hors la PAC (Politique agricole commune) et Erasmus, les actions positives de l’Europe restent peu connues du grand public. Dans leur note d’analyse, Vincent Aussilloux, Boris Le Hir et Hadrien Leclerc répondent à ce constat par une proposition audacieuse : créer un programme européen pour la formation qui aurait non seulement pour vertu de rendre l’intervention européenne tangible pour les citoyens en investissant dans leurs compétences professionnelles mais également de fournir à la zone euro un instrument de stabilisation conjoncturelle efficace. Un coup double en somme.

Un programme européen pour former tous les citoyens

20 % de la population européenne en âge de travailler a des compétences en lecture, en écriture et en calcul estimées faibles par l’enquête PIAAC de l’OCDE. Et 25 % des adultes en Europe ne disposent pas des compétences nécessaires à un usage effectif des outils numériques courants. C’est dire combien un fonds européen pour la formation répondrait à un vrai besoin.

Comment ? En accordant des prêts individuels pour se former accessibles à tous les citoyens des pays de l’Union européenne, résument les auteurs : chômeurs et jeunes sans diplômes, étudiants souhaitant poursuivre une année supplémentaire d’étude, salariés et indépendants désireux de se qualifier ou de se reconvertir, réfugiés ayant besoin d’apprendre la langue de leur pays d’accueil… Dispositif original : le remboursement des prêts n’interviendrait qu’à compter du moment où la personne décrocherait un emploi supérieur au salaire minimum, à hauteur de 20 % des revenus d’activité dépassant ce montant. Il sélectionnerait donc a priori des personnes motivées – elles s’engagent financièrement – sans les placer en risque d’endettement pour autant. Le versement des fonds à l’organisme de formation n’interviendrait, quant à lui, que si le bénéficiaire réussit l’examen final, une manière d’inciter là aussi à l’obligation de résultat. Autre gage de réussite : les formations couvertes cibleraient les métiers en tension et les compétences les plus recherchées sur le marché du travail, et seraient sanctionnées par un diplôme reconnu au niveau européen.

Vincent Aussilloux, Boris Le Hir et Hadrien Leclerc proposent que ce fonds européen – qu’ils suggèrent de baptiser Fonds Spinelli en hommage à Altiero Spinelli – ait la capacité d’emprunter sur les marchés financiers en émettant des obligations. Pour couvrir les non-remboursements (des personnes n’ayant pas décroché d’emploi ou un emploi insuffisamment rémunéré après leur formation), il disposerait par ailleurs d’un volant de fonds propres rechargeable, dont une partie pourrait provenir de l’actuel Fonds social européen. Il délèguerait enfin la charge de gestion des recouvrements de prêts aux administrations qui collectent nationalement l’impôt sur le revenu. Un système qui minimise donc le coût net en termes de dépenses publiques.

Et un outil de stabilisation macroéconomique

Dans une union monétaire, rappellent les auteurs, une capacité budgétaire commune constitue un instrument de stabilisation conjoncturelle « utile », pour ne pas dire nécessaire. Voilà pourquoi, aux États-Unis, avec des dépenses de l’ordre de 0,5 % de PIB, le mécanisme fédéral d’assurance-chômage a permis de limiter l’ampleur de la crise et d’accélérer le retour à la croissance. Une option sans issue en Europe du fait de l’opposition d’une partie de l’opinion publique à toute forme de budget commun qui pourrait, à ses yeux, impliquer des transferts entre pays membres – ici typiquement des pays à faible taux de chômage vers ceux où le nombre de chômeurs est élevé.

Or le Fonds Spinelli pourrait là aussi répondre à un vrai besoin en sortant l’Europe de cette impasse, affirment les auteurs de la note. Comment ? En prévoyant un mécanisme permettant d’augmenter substantiellement (et temporairement) le nombre de formations financées dans un État membre qui traverserait une période de ralentissement économique sévère. Le mécanisme aurait un avantage décisif par rapport à d’autres types d’actions de relance : la réactivité. Il s’agirait en effet de faire « monter en puissance » un dispositif déjà opérationnel et non de mettre en œuvre un plan d’urgence virtuel. Gain de temps et d’efficacité… qui plus est sans transferts entre États membres si le pays bénéficiaire se portait entièrement garant des prêts accordés par le Fonds à ses résidents.

Avec quels résultats ? Les simulations macroéconomiques réalisées par France Stratégie montrent que pour une économie représentative de la zone euro dans une période de récession similaire à celle de 2008-2009, l’intervention du Fonds Spinelli pourrait donner une impulsion budgétaire équivalente à un demi-point de PIB au plus fort de son déploiement. Grâce à quoi, le taux de chômage baisserait d’un point et demi en moyenne sur les trois ans suivant la crise. Bilan : à l’horizon de dix ans, la dette du pays bénéficiaire serait diminuée de 0,4 point de PIB.

Coup double donc. Le Fonds Spinelli s’envisage bien « comme un mécanisme à deux étages » pour reprendre les termes des auteurs. Au premier : un programme permanent d’investissement dans les compétences. Au second : un instrument de relance en cas de crise conjoncturelle. De quoi redonner aux institutions européennes les moyens d’une intervention visiblement positive.

Céline Mareuge, journaliste web

Infographie le fond spinelli

Le fonds Spinelli : un pacte européen pour les compétences

vincent aussilloux bonjour vous êtes directeur du département économie de france stratégie et vous êtes l'auteur d'une note titrée le fond Spinelli un contrat européen pour la formation vous travaillez en effet sur les mécanismes économiques à mettre en œuvre au niveau européen des mécanismes qui sont il faut le dire assez peu concrets pour les citoyens européens oui souvent en fait on ne se rend pas compte des politiques qui sont menées par l'union européenne il y en a assez peu qu'ils agissent directement dans la vie de tous les jours des citoyens de européen alors on connaît Rasmussen connaît la politique agricole commune en tout cas les paysans la connaissent il en traite directement tous les jours avec avec cette politique mais ça s'arrête un petit peu là et on ne sait pas que par exemple pour le fonds social européen sept millions de personnes ont bénéficié de l'action de l'union européenne pour financer les formations soixante dix mille personnes pour l'école de la deuxième chance par exemple mais souvent c'est mal connue parce que l'Europe agit à travers l'action des états et des régions est généralement pas en direct or il ya un enjeu de légitimité démocratique est un enjeu que l'Europe soit mieux connue pour aussi que les citoyens puissent mieux juger de l'action de l'union européenne donc là dessus il ya des propositions notamment celle d'une assurance chômage européenne qui viendrait compléter les systèmes nationaux c'est un proposition très intéressante elle se heurte un petit peu à l'incompréhension de nos partenaires notamment en Allemagne qui ont peur que d'Allemagne finance l'assurance chômage dans des pays où les marchés du travail fonctionnerait moins bien qu'en Allemagne donc pour contourner cette difficulté nous avons fait des propositions autour d'un contrat de formation c'est à dire c'est pour remettre un peu de concret à court terme tout en maintenant une vision de long terme de construction de ce projet européen et un peu aussi lutter contre le manque parfois de solidarité entre pays européens absolument il faut agir au plus près des citoyens et en particulier de ceux qui souffrent notamment en cas de crise économique on l'a vu sa touche bien entendu d'abord les publics les plus fragiles donc il faut agir auprès d'eux pour essayer de les accompagner vers le rebond en fait et la réinsertion sur le marché du travail notamment mais en même temps on a besoin d'un mécanisme stabilisateur macroéconomiques qui n'existe pas aujourd'hui au niveau européen qui existe au niveau de chacun des états mais dans la crise notamment durant la récession de la zone euro des années 2010 2012 on a vu que un certain nombre de pays étaient tentées de resserrer en fait leur politique budgétaire avant que ça ne soit pertinent entrer dans une sorte de dilemme du prisonnier exactement chacun des pays a intérêt en fait à contrôler ses dépenses budgétaires pour surtout ne pas trop accumulé des dettes qu'on pourrait lui reprocher ensuite en sortie de crise alors maintenant que collectivement on aurait intérêt à laisser jouer les stabilisateurs économiques pour l'y mettre pour limiter au final l'ampleur de la crise et donc les dépenses publiques qui en résulte est donc affront stratégie vous proposé la création d'un fonds spinelli du nom de l'un des pères fondateurs de l'Europe moderne quand il marchera se font concrètement alors ce fonds permettra de financer des formations en particulier pour les publics les plus en difficulté dans le cas notamment du ralentissement économique alors on pense notamment aux jeunes qui sortent sans diplôme aux chômeurs de longue durée éventuellement aux réfugiés le fonds permettra de financer des formations sous la forme de prêt un petit peu comme les prêts étudiants mais sur des formations ciblées de manière très opérationnelle notamment sur les besoins qui seront exprimés par les entreprises et les personnes ensuite rembourse elle même au cours de leur vie professionnelle future à condition qu'elles aient les revenus suffisants pour cela donc c'est un prêt contingences et pas un prêt qu'on rembourse dans tous les cas c'est uniquement si ensuite on trouve un travail suffisamment bien payé pour cela lorsque la personne ne peut pas rembourser dans ce cas là c'est l'état d'origine le pays dans le de résidence qui rembourse le fond éventuellement si le pays a des difficultés sa garantie européenne à solidarité européenne qui peut intervenir et combien de personnes cela pourrait concerner on peut amplifier ce fonds en période de récession et dans un pays de la taille de la France comme la France par exemple on peut envisager deux cent cinquante mille personnes rentrant danser dans ce dispositif sur une période de six mois ensuite éventuellement prolongé et finalement toucher 500 mille voire sept cent cinquante mille personnes sur une période un peu plus longue en formation ce qui peut donner une relance budgétaire de l'ordre de 1% du PIB donc ce qui peut aider à stabiliser aussi l'économie a joué comme un stabilisateur économique sans peser sur les finances publiques du pays immédiatement mais en faisant jouer la solidarité européenne tout en remettant du concret pour les citoyens européens exactement en intervenant directement auprès des citoyens qui en ont besoin en leur finançant à la fois la formation et puis la location de vie pendant la période de formation eh bien merci Vincent aussilloux pour cet éclairage et j'ajoute pour celles et ceux qui veulent aller plus loin que la votre note sur le fond Spinelli est disponible sur le site de francs stratégie merci merci à vous

Pour aller plus loin

Suivez-nous sur les réseaux sociaux et Abonnez-vous à notre lettre d’information