Document de travail Évaluation de la politique des pôles de compétitivité : la fin d’une malédiction ? La France compte aujourd'hui soixante-et-onze pôles de compétitivité. Créés en 2005, ces « clusters à la française », avaient pour objectif de dynamiser l’innovation et de renforcer l’industrie en stimulant les dépenses de R-&-D. Promesse tenue ? Publié le : 02/02/2017 Temps de lecture 5 minutes « La fin d’une malédiction ». C’est ce que sont tentés de lire dans leurs résultats Haithem Ben Hassine et Claude Mathieu, les deux auteurs de ce document de travail publié par France Stratégie. Le travail d’évaluation de la politique des pôles de compétitivité qu’ils ont mené sur la période 2006-2012 montre que le dispositif porte enfin ses fruits. L’appartenance à un pôle a bien entraîné un surcroît d’investissement en R-&-D autofinancée à partir de 2009. Un « effet de levier significatif » qui n’avait jamais été démontré jusqu’ici. Explications. À la recherche de l’effet de levier Du Danemark au Japon, en passant par l’Allemagne, les politiques de soutien aux « clusters » (littéralement grappe ou essaim) fleurissent à partir des années 1980. La France, de son côté, franchit une étape en 2005, en labélisant 67 « pôles de compétitivité ». Définis par la loi comme « le regroupement sur un même territoire d'entreprises, d'établissements d'enseignement supérieur et d'organismes de recherche publics ou privés ayant vocation à travailler en synergie pour mettre en œuvre des projets de développement économique pour l'innovation », les pôles de compétitivité sont alors pensés comme une mesure phare de la nouvelle politique industrielle. Concrètement, le dispositif prévoit des subventions publiques pour des projets de R-&-D collaboratifs. Doté pour la seule période 2009-2012 d’une enveloppe de 1,5 milliards d’euros, il a permis le financement de 1 042 projets entre 2006 et 2012. On comptait 71 pôles en 2012, réunissant près de 9 000 entreprises (contre 4 000 en 2006). Et le dispositif est entré dans sa troisième phase en 2013, celle qui vise à passer d’une dynamique « de projets » à une dynamique « de produits », c'est-à-dire de mise sur le marché de nouveaux procédés et de nouveaux produits. Pour autant, jusqu’ici, aucune étude n’avait encore pu démontrer l’existence d’un « effet de levier ». Autrement dit, rien ne prouvait que les financements obtenus avec le label « pôle » avaient bien eu un effet d’entraînement sur les dépenses privées de R-&-D, durant les deux premières phases du dispositif. Ces évaluations tendaient même plutôt à conclure à l’absence d’effets probants, quels qu’ils soient. Un impact « significatif » sur la R-&-D Cette étude a donc le mérite de préciser le diagnostic. Comment ? D’une part, en prolongeant la durée d’observation : les données individuelles d’entreprises utilisées par les auteurs se situent sur 2006-2012, soit une période plus longue que celle retenue dans l’étude de référence en la matière (celle de Bellégo et Dortet-Bernadet(2014)). D’autre part, en se basant sur une démarche économétrique dite « méthode de différence de différence conditionnelle » qui a fait ses preuves dans le champ de l’évaluation scientifique – elle permet, pour simplifier, de reproduire une expérience naturelle en contrôlant les biais de sélection. Résultats ? D’abord – et c’est là que les auteurs se disent « tentés d’entrevoir la fin d’une malédiction » – l’étude montre clairement que l’appartenance à un pôle a un impact « significatif » sur les dépenses totales de R-&-D dès 2007 et sur la partie autofinancée à partir de 2009. En moyenne, pour 1 euro d’aide publique reçu en 2012, chaque entreprise a réalisé au total environ 3 euros de dépenses de R-&-D dont presque 2 euros sont autofinancés. Cet effet de levier est très net pour les PME mais plus mitigé pour les grandes entreprises et les ETI (entreprises de taille intermédiaire). Il est surtout, de par son ampleur et sa constante augmentation depuis 2009, un résultat important, en rupture avec ce qui a pu être observé les années précédentes et dans d’autres pays ayant un dispositif similaire. Enfin, les auteurs constatent que les firmes des pôles ont embauché davantage de personnel de R-&-D – une embauche supplémentaire de l’ordre de 27,5 % de leur effectif annuel moyen de R-&-D en 2012. En revanche, toutes choses égales par ailleurs, en 2012 l’appartenance à un pôle ne se traduit pas (encore) par des performances supérieures en aval de la R-&-D, que ce soit en termes de chiffre d’affaires, de dépôt de brevet, d’exportation, d’emploi total ou de valeur ajoutée. Mais il faut dire que ces effets-là prennent du temps ! Affaire à suivre donc après ce premier bilan qui prouve déjà l’existence d’un impact significatif sur l’autofinancement. Un effet nécessaire et recherché pour enclencher la dynamique d’innovation. Céline Mareuge Partager la page Partager sur Facebook - nouvelle fenêtre Partager sur Twitter - nouvelle fenêtre Partager sur Linked In - nouvelle fenêtre Partager par email - nouvelle fenêtre Copier le lien dans le presse-papier Téléchargement Évaluation de la politique des pôles de compétitivité : la fin d’une malédiction ? Télécharger le document de travail PDF - 1 221.3 Ko Télécharger l'avis de la CNEPI PDF - 2 285.1 Ko Thèmes Compétitivité Innovation Évaluation Publié par France Stratégie Auteurs Haithem Ben Hassine Claude Mathieu Citer ou exporter Citer cette publication Fermer Citer cette publication Autres options d'export EN Version Pour aller plus loin La valeur de l’action pour le climat : une référence pour évaluer et agir L'Union européenne et la France se sont fixé des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, jusqu'à l... Changement climatique Action publique Évaluation Rapport 20 mars 2025 Les robotaxis chinois sont-ils l'avenir de la mobilité ? Depuis 2012, une centaine de milliards d’euros ont été investis en R&D dans l'autonomie de conduite, presque exclusivement en Chin... Mobilités/transports Numérique/IA Innovation Infographie/datavisualisation 22 mai 2024 Blockchain : quels enjeux stratégiques ? 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