Quand la productivité va, tout va, pourrait-on dire, à la lecture de cette Note d’analyse. Les gains de productivité sont une des composantes majeures de la croissance puisqu’ils traduisent la capacité à produire plus avec la même quantité de facteurs de production – capital et travail. Une efficacité qui génère un surcroît de revenu en salaires et profits. Problème : depuis 2012, en France, les gains de productivité plafonnent à 0,2 % par an, un niveau trois fois inférieur à celui d’avant-crise, constate Haithem Ben Hassine, auteur de la Note. Pourquoi ? Et comment retrouver le rythme ?
Schumpeter… et les autres
Pour comprendre les mécanismes à l’œuvre, l’analyse doit se placer au niveau des entreprises et non de l’ensemble de l’économie, prévient l’auteur de la Note d’analyse. Car c’est bien dans « la capacité de chaque entreprise à optimiser son propre processus de production » que réside la source des gains de productivité.
Plus précisément, quatre « effets » contribuent à l’évolution de la productivité. Le premier, l’effet entrées-sorties, relève du processus de « destruction créatrice » popularisé par l’économiste Joseph Schumpeter. « Le nouveau ne sort pas de l'ancien, mais apparaît à côté de l'ancien, lui fait concurrence jusqu'à le ruiner », écrivait Schumpeter. Autrement dit, dans une économie concurrentielle, les entreprises les moins performantes disparaissent. Elles sortent du marché. Dans le même temps, de nouvelles entreprises, plus productives, émergent, s’installent sur ce même marché et captent une partie de la demande, d’autant plus vite qu’elles sont plus performantes. Ce mouvement d’entrées-sorties augmente donc mécaniquement la productivité moyenne de l’économie.
L’auteur distingue ensuite trois effets qui impactent la productivité des entreprises pérennes. Il y a d’abord l’effet d’efficience, qui traduit l’augmentation des performances d’une entreprise quand son processus de production gagne en efficacité (à part de marché donnée). Il y a ensuite les effets de réallocation des parts de marché des entreprises moins productives vers les entreprises les plus productives – c’est l’effet d’attraction – et vers les entreprises les plus dynamiques, c'est-à-dire celles qui augmentent leur productivité – c’est l’effet dynamique.
Retrouver le rythme
Parmi ces effets moteurs, lesquels contribuent le plus à l’évolution globale de la productivité ? C’est à cette question que la note consacre ses principales conclusions. Objectif : comprendre le ralentissement spectaculaire du rythme de progression des gains de productivité depuis la crise et identifier des leviers d’action pour renouer avec les niveaux enregistrés avant la crise.
Résultats : sur la période 2000-2007, les gains de productivité– de l’ordre de 0,7 % par an – sont tirés, pour moitié, par l’effet (schumpetérien) d’entrées-sorties, pour un quart par les effets de réallocation et pour un autre quart par l’effet d’efficience. Pendant la crise (2008-2012), la productivité recule – de -0,3 % par an en moyenne – essentiellement du fait de l’effet d’efficience dont la contribution devient négative – elle passe de +0,18 à -0,91 points. Un « phénomène classique », explique l’auteur, « face à un recul prononcé des ventes, les entreprises n’ajustent qu’avec retard leurs capacités de production, ce qui occasionne cette perte d’efficacité collective ». Une perte particulièrement marquée dans les secteurs manufacturiers et de la construction. Les effets de réallocation et d’entrées-sorties ont, quant à eux, plutôt freiné la chute, les premiers ayant même gagné en importance.
Conclusion : il est possible de faire preuve « d’un certain optimisme sur la reprise des gains de productivité en France », affirme l’auteur. D’abord parce que la montée en force du rôle de la réallocation – effet dynamique et effet entrées-sorties – dans la formation des gains de productivité est une bonne nouvelle. Ensuite parce que la chute de la productivité pendant la crise est semble-t-il imputable à un retard d’ajustement de l’échelle de production. Un retard qui par définition devrait être rattrapé.
La mécanique suppose toutefois que les entreprises françaises soient suffisamment compétitives pour profiter effectivement de la reprise attendue de la demande. Optimisme donc… mais sous condition.
Céline Mareuge, journaliste web