Dans un contexte d’inquiétude sur la croissance future de notre productivité du travail qui selon les scénarios les plus pessimistes, pourrait désormais tourner autour de 1 % par an, l’analyse du décrochage français suggère en effet qu’existe des réserves de productivité inexploitées. En s’attaquant notamment aux deux causes majeures de son retard – déficit d’investissement dans les TIC et faible renouvellement de son tissu productif – la France pourrait gagner de l’ordre d’un demi-point supplémentaire par an de productivité horaire sur une dizaine d’années.
Pourquoi la France décroche ?
Alors qu’elle avait rattrapé le niveau des États-Unis dès la fin des années 1980, la productivité horaire française décroche à partir du milieu des années 1990. Dopée par l’explosion des TIC aux États-Unis, la croissance de la productivité passe à l’inverse sous la barre des 1,5 % en France dans les années 2000 (contre 3-4 % dans les années 1970).
À quoi tient le ralentissement tendanciel des gains de productivité observé en France depuis vingt ans ? D’abord au sous-investissement dans les TIC et le numérique. Deux chiffres pour l’illustrer : 63 % des entreprises françaises possèdent un site web contre 90 % dans les pays nordiques ; le taux d’équipement en robotique des entreprises est deux fois plus faible en France qu’en Allemagne. Ensuite « le processus de destruction créatrice » de l’économie française, c'est-à-dire sa capacité à réallouer le travail vers les entreprises les plus productives, est moins intense en France qu’aux États-Unis ou en Allemagne par exemple. Ce constat vaut particulièrement pour les services aux entreprises, la distribution et le commerce.
Retard français : une bonne nouvelle… sous conditions
Des gains potentiels de productivité importants pourraient donc être réalisés si la France investissait davantage dans le numérique et renforçait son dynamisme entrepreneurial. Aux États-Unis, le rebond de la productivité enregistré dans les années 1990 a en effet généré un surplus de croissance de la productivité horaire de 0,5 point de pourcentage par an sur dix ans.
Comment favoriser un tel « rebond » en France ? Première condition : renforcer les compétences de la population active dont l’enquête PIIAC révèle l’insuffisance relativement aux autres pays de l’OCDE. Réaliser cette condition passe par une politique d’éducation ambitieuse alliant augmentation des moyens, en particulier de la formation continue, et réformes structurelles, notamment de la formation initiale qui, actuellement, ne dote pas les jeunes d’un niveau de qualification suffisant. Deuxième condition : promouvoir le dynamisme entrepreneurial via la simplification administrative et fiscale, les réformes pro-concurrentielles et l’orientation prioritaire des aides vers les jeunes entreprises en croissance. Troisième et dernière condition : encourager la mobilité du travail en réduisant notamment la dualité des contrats et en améliorant la portabilité des droits sociaux via des dispositifs comme le compte personnel d’activité (CPA).
Céline Mareuge