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Point de vue
Publié le
Mercredi 26 Août 2015
À l’approche de l’automne 2015, force est de constater que le niveau du PIB en zone euro est toujours inférieur de 1 % à ce qu’il était en 2008 (données à fin 2014 et corrigées de l’inflation). Par contraste, il est plus élevé aux États-Unis et au Royaume-Uni, de respectivement 8 % et 4 %.
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Par rapport à 2008 :

- moins de la moitié des 19 États membres de la zone euro ont retrouvé ou dépassé leur niveau de richesse ;

- sans surprise, les pays ayant subi de plein fouet la crise de l’euro sont ceux où le PIB a le plus reculé : -25 % en Grèce, -8 % en Italie, -7,5 % au Portugal et -6 % en Espagne ;

- malgré sa bonne santé économique, l’Allemagne ne dépasse le niveau de 2008 que de 4 % ;

- en France, fin 2014, le PIB  n’est supérieur que de 2 % à ce qu’il était fin 2008.

Quels sont les principaux moteurs de la croissance qui ont ainsi fait défaut à la zone euro ? Est-ce la consommation des ménages qui souffre de la dégradation de l’emploi et des conditions financières difficiles ? Ou la consommation publique qui s’est réduite du fait de l’ajustement budgétaire engagé depuis 2010 ? Est-ce plutôt l’investissement qui est en berne ? Ou bien le commerce extérieur qui, face à une demande extérieure peu dynamique, serait en panne ?

Regardons le graphique ci-dessous qui donne une décomposition simple de l’évolution du PIB entre fin 2008 et fin 2014 ainsi que la contribution à la croissance de ses différents éléments.  

Qu’en ressort-il ?

L’investissement qui s’est grippé est le principal facteur des écarts de croissance de PIB entre la zone euro et les économies anglo-saxonnes entre 2008 et 2014. En six ans, il a substantiellement baissé dans tous les États membres de la zone, y compris en Allemagne. À l’inverse, dans les économies anglo-saxonnes, après sa chute dans les années 2009-2010, il s’est repris et contribue positivement à la croissance sur l’ensemble de la période.

La consommation des ménages a joué un rôle très contrasté selon les pays. Au niveau agrégé, elle n’explique que marginalement l’évolution négative du PIB de la zone euro. Mais dans les États de la périphérie, notamment en Espagne et en Italie, elle a fortement contribué à la perte de richesse alors qu’elle a été un facteur positif dans les pays du cœur, notamment en France et en Allemagne.

Enfin, la contribution du commerce extérieur a été fortement positive pour l’ensemble de la zone euro. Peut-on se réjouir d’avoir bénéficié de ce relais de croissance ? Oui et non. Cette évolution du solde extérieur reflète à la fois une meilleure compétitivité à l’exportation, obtenue au prix d’ajustements salariaux importants dans les économies du Sud, mais aussi et surtout d’une forte compression de la demande interne et donc des importations. À noter qu’un des rares pays qui fait exception quant à cette contribution positive du solde extérieur est la France dont les importations se sont maintenues sans hausse significative des exportations.

Le fait le plus marquant est bien la non-reprise de l’investissement en zone euro depuis 2008. Or si ce dernier est l’élément le plus volatil des composantes du PIB, il est aussi celui sans lequel un véritable retour de la croissance ne pourra se concrétiser. La causalité va d’ailleurs dans les deux sens puisque la faiblesse actuelle de l’investissement témoigne d’une faible confiance dans les perspectives économiques futures qui persiste.

A priori, dans un contexte où la plupart des voyants conjoncturels sont au vert (politique monétaire accommodante, orientation de la politique budgétaire neutre, faiblesse du prix du pétrole et dépréciation du taux de change de l’euro), tabler sur le rebond tant attendu de l’investissement en zone euro est légitime. Mais si des signes encourageants parviennent de certains pays hier en grande difficulté (l’Espagne notamment où l’investissement a nettement rebondi depuis un an), les données de conjoncture des derniers trimestres révèlent une absence tenace de reprise de l’investissement en France, en Italie ou même en Allemagne. À cela, les incertitudes sur les développements de la situation en Chine risquent également de peser sur la confiance.

Il est encore trop tôt pour succomber aux sirènes du pessimisme

D’une part, la réorientation de la politique macroéconomique en zone euro est récente. L’impulsion budgétaire agrégée était encore récessive en 2014 et le programme de quantitative easing, annoncé en janvier par la BCE, n’a été mis en œuvre qu’à partir du mois de mars 2015. Par ailleurs, le plan Juncker, qui vise spécifiquement la relance de l’investissement, ne va réellement débuter que dans les toutes prochaines semaines. De même, les nombreuses réformes structurelles engagées en Europe, comme la loi Macron en France ou la récente réforme du marché du travail en Italie, devraient à l’avenir porter leurs fruits et potentiellement décupler les forces de la reprise.

D’autre part, on sait que les anticipations des agents peuvent mettre du temps à s’adapter à un nouveau contexte macroéconomique. Or, celles-ci sont essentielles pour déterminer les comportements d’investissement. L’expérience passée enseigne que de tels retards à l’allumage lors de phases de reprise sont classiques : ils ont été observés dans les années 1980 après le choc pétrolier ou dans les années 1990 après la hausse du dollar. De bonnes surprises conjoncturelles, avec redémarrage à la hausse, ont néanmoins suivi.

Si le rebond des économies anglo-saxonnes ces deux dernières années est impressionnant, il faut garder en tête que celles-ci sont structurellement plus flexibles et donc davantage réactives et surtout, qu’à la différence de la zone euro, elles ont conservé un « policy mix » accommodant depuis 2010.

Dans les prochaines années, la croissance en zone euro peut repartir un peu plus vigoureusement que prévu. Mais à une condition sine qua non : le retour de la confiance. Ceci implique de poursuivre les efforts en matière de réformes structurelles, ainsi que le maintien d’un cadre macroéconomique adapté. 

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