Il a entièrement raison. La Commission européenne prévoit actuellement une croissance de 1,5% pour la zone euro cette année, et de 1,9% l'année prochaine. C'est bien entendu mieux que la semi-stagnation des années passées. Mais compte tenu de la combinaison d'un soutien monétaire massif, d'une orientation budgétaire désormais neutre, de la chute du prix du pétrole et de la dépréciation de l'euro, c'est le minimum auquel on pouvait s'attendre. Et pour l’ensemble de la zone, cela ne ramènerait le PIB/habitant qu'à son niveau de 2008. Le fait que les oracles se félicitent d'une aussi petite amélioration montre combien nos ambitions se sont rabougries.
Jusqu'il y a peu, on pouvait pointer du doigt l'austérité et la crise de l'euro comme causes de la faiblesse de l'économie ; ce n’est plus le cas maintenant (contrairement à ce qui se répète, la zone euro ne vit plus sous le régime de l’austérité). Et même si on ne peut exclure que la réalité dépasse les prévisions de la Commission, le faible potentiel de croissance de la zone euro demeure préoccupant.
Pour renforcer ce potentiel, les banques centrales ne peuvent que suggérer des réformes économiques, car c'est aux États qu’appartient la décision. Les critiques soulignent même que des exhortations répétées pourraient être contre-productives. Au nom de leur indépendance, les banques centrales sont promptes à rejeter les suggestions des États en matière de politique monétaire. Pourquoi ces derniers se comporteraient-ils différemment ?
Cependant Draghi a raison de rappeler qu'en l'absence d’amélioration profonde du fonctionnement de nos économies, et donc d’action volontariste des États, la zone euro risque d’aller de crise en crise jusqu'à ce que son existence même soit remise en question. La participation à une union monétaire exige agilité économique et sens de l’objectif commun. Les États peuvent dire de leur coté que la mise en œuvre de réformes suppose précision et réalisme politique - ce qui fait souvent défaut aux conseils venus de l'extérieur. La BCE ne peut tout simplement pas piloter les réformes économiques en Europe.
Une solution naturelle à ce dilemme consisterait pour la BCE à s'appuyer sur les autres institutions européennes. Depuis 2010, l'UE empile les procédures de coordination dans l'espoir de pousser les pays membres à appliquer des réformes politiquement difficiles. En particulier, chaque pays membre reçoit annuellement une liste de réformes à entreprendre, en particulier dans les domaines des dépenses publiques, du marché du travail et de la concurrence.
La Commission européenne essaie également de pousser les États à se lancer dans des politiques plus audacieuses en leur offrant un peu plus d'espace budgétaire. Il y a deux ans, la chancelière allemande Angela Merkel avait enfin suggéré que des contrats de réformes adaptés à chaque pays pourraient inciter les États membres à réformer en faveur de la croissance.
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