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Les premiers mois de l’année n’ont pas bouleversé la géographie de la crise : comme en 2020, l’est et le sud du territoire regroupent les zones d’emploi les plus fragilisées en matière d’emploi où se concentrent des zones touristiques et certaines zones industrielles. Les conséquences de la crise y restent donc plus fortes. De même, l’hétérogénéité du choc entre zones d’emploi ne s’est pas accentuée et s’explique majoritairement par des caractéristiques propres aux territoires, au-delà de leur seule spécialisation économique.
À l’aune de leur performance pré-crise, un regard sur la trajectoire d’emploi et de chômage des territoires apporte un éclairage complémentaire à cette géographie de la crise. Excepté La Tarentaise dans les Alpes, les quinze territoires les plus dynamiques en matière d’emploi entre 2016 et 2019 s’en sortent mieux au premier trimestre 2021. Ils retrouvent leur niveau du premier trimestre 2019[1], au contraire des zones les moins dynamiques pré-crise qui pâtissent encore de leurs fragilités structurelles. Le constat s’inverse lorsqu’on se penche sur l’évolution des demandeurs d’emploi : les quinze territoires avec les taux de chômage localisés les plus élevés en 2019 ont plus vite absorbé le choc d’avril 2020 et ont retrouvé dès le premier trimestre leur niveau de demandeurs d’emploi[2] d’avant-crise. Cette embellie repose en partie sur une forte dynamique d’emploi (+ 3,0 % en moyenne entre le premier trimestre 2019 et le premier trimestre 2021), particulièrement marquée pour Perpignan, Narbonne, Lens et Valenciennes (plus de 4,0 %).
Le croisement de ces deux indicateurs met en évidence une géographie partiellement renouvelée des fragilités territoriales et la ligne traditionnelle de fracture Caen-Nice s’estompe au premier trimestre 2021. Près d’un quart des zones d’emploi retrouvent leur niveau d’avant crise – tant en matière d’emploi que de demandeurs d'emploi –, mais sont éclatées sur l’ensemble du territoire national et ne recouvrent pas la carte classique de la performance territoriale. À l’inverse, 30 % des zones d’emploi sont confrontées à une double difficulté : on y retrouve en majorité celles qui ont le plus souffert de la crise en 2020 ainsi qu’une partie des territoires les plus fragiles structurellement (dans la moitié nord de la France). Enfin, près d’un tiers des territoires combinent création d’emploi salarié et davantage de demandeurs d’emploi. Ce paradoxe apparent peut traduire le délai d’ajustement du marché du travail et l’attractivité démographique de ces zones en périphérie des grandes métropoles de l’Ouest et du Sud. Comme en 2020, Nice, Paris et Toulouse restent quant à elles très affectées.
Introduction
2020 a été marquée par une crise économique dont le choc sur l’activité a été sans précédent. En avril 2021, France Stratégie a dressé un premier bilan de l’impact de cette crise sur l’emploi dans les territoires[3]. Depuis, d’autres travaux menés à des échelles géographiques différentes sont venus compléter l’analyse par zones d’emploi et confirmer le constat dressé[4] : si le choc de la crise a concerné toute la France, il a touché les territoires selon une intensité variable, appelant ainsi à une plus grande territorialisation des mesures de soutien pour la sortie de crise[5].
Le début de l’année 2021 a vu se prolonger les mesures sanitaires adoptées lors du deuxième confinement à l’automne : couvre-feu, fermeture des lieux accueillant du public (bars, restaurants, lieux culturels et de loisirs, etc.), mais certains commerces ont néanmoins pu rouvrir dès décembre 2020. Ce desserrement des restrictions sanitaires a contribué au regain d’activité au premier trimestre 2021, à une augmentation de l’emploi et à une baisse du nombre de demandeurs d’emploi par rapport à la fin d’année 2020.
Au premier trimestre 2021, les secteurs de l’hébergement-restauration, de la fabrication de matériels de transport et de services aux ménages sont encore loin d’avoir retrouvé leur niveau de valeur ajoutée d’avant-crise : par rapport au premier trimestre 2019, leur valeur ajoutée brute reste entre – 27 % et – 46 % plus faible[6]. À l’opposé, certains secteurs ont retrouvé au premier trimestre 2021 leur niveau du premier trimestre 2019 et affichent même une légère croissance. C’est le cas du secteur de l’information et de la communication (+ 2,8 % par rapport à 2019), des services financiers (+ 0,6 %), des activités immobilières (+ 1,6 %)[7], et enfin de l’ensemble des services non marchands (+ 2,0 %).
Partant, on peut s’interroger sur l’évolution de la géographie de cette crise au premier trimestre 2021 : se recoupe-t-elle avec celle de l’année 2020 ? Les territoires qui étaient les plus affectés le sont-ils toujours en ce début d’année ? Comment se situent les territoires au regard de leur trajectoire pré-crise en matière d’emploi et de chômage ?
Premier trimestre 2021 : quelle évolution de la géographie de la crise par rapport à celle de 2020 ?
Le bilan de l’impact de la crise de 2020 sur l’emploi dans les territoires a mis en évidence plusieurs constats : sont-ils toujours valables au premier trimestre 2021 ? Pour le savoir, nous actualisons notre indice de vulnérabilité de l’emploi sur le premier trimestre 2021. Ce score composite construit à la maille de la zone d’emploi regroupe (1) l'exposition moyenne de l’emploi local à la perte de valeur ajoutée nationale, (2) le taux de recours apparent à l’activité partielle et (3) la variation de l’emploi salarié privé[8].
À l’Est et au Sud, les effets de la crise demeurent les plus forts
Au premier trimestre 2021, la géographie de la crise a peu évolué : comme en 2020, l’est et le sud de l’hexagone regroupent les zones d’emploi les plus fragilisées en matière d’emploi, notamment des zones touristiques et certaines zones industrielles (voir cartes 1 et 2). Les conséquences de la crise y restent donc plus fortes.
Les Alpes, la Côte d’Azur et la Corse regroupent une grande partie des territoires les plus affectés, en partie du fait des mesures de restrictions sanitaires affectant les secteurs associés au tourisme (hébergement-restauration, activités culturelles, transports, etc.) davantage présents sur ces territoires. La zone frontalière de la région Grand Est reste également impactée, à l’instar de Colmar et Remiremont mais aussi d’Epernay, qui faisait pourtant partie des 50 % des territoires les moins affectés en 2020. À l’inverse, la façade atlantique et le centre de la France continuent de se démarquer positivement, une large part des territoires ayant le mieux résisté s’y trouvant. Citons également la Vallée de la Bresle (Seine-Maritime) et Oyonnax (Rhône-Alpes) qui, alors qu’elles appartenaient aux 50 zones les plus touchées en 2020, se distinguent positivement au premier trimestre 2021.
De manière générale, la région francilienne continue quant à elle d’être affectée[9]. Comme en région Grand Est, l'impact de la crise y est hétérogène mais certains territoires franciliens comme Roissy et Marne-la-Vallée figurent parmi les trente zones d’emploi les plus exposées. Au premier trimestre 2021, l’Île-de-France concentre la moitié de la baisse nationale de fréquentation hôtelière et enregistre la plus forte baisse par rapport à la même période en 2019 et 2018[10].
Cartes 1 et 2 – Score global d’exposition : la géographie de la crise
perdure au premier trimestre 2021
1. 2020
2. Premier trimestre 2021
Sources : France Stratégie, à partir des comptes nationaux trimestriels (Insee), Séquoia et DSN (Acoss)
La spécialisation économique : une composante importante restant insuffisante pour expliquer la variabilité du choc entre les territoires
Au premier trimestre 2021, les secteurs qui restent les plus affectés sont les mêmes qu’en 2020. En matière d'emploi, l'hébergement, la restauration, les activités culturelles et de voyage ainsi que le transport aérien figurent parmi les secteurs d’activité les plus destructeurs d’emplois. Cette dimension sectorielle de la crise a été un facteur important de la variabilité du choc économique sur l’emploi dans les territoires. On constate en effet que les zones d’emploi dont le tissu économique est davantage tourné vers les secteurs d’activité les plus touchés, en particulier l’hébergement-restauration, ont davantage subi les effets de la crise. Néanmoins, tant sur le recours apparent à l’activité partielle que sur l'évolution de l’emploi salarié privé, la spécialisation économique n’épuise pas toutes les explications. D’autres caractéristiques propres aux territoires expliquent le choc différencié entre zones d’emploi.
Ainsi, les effets dits « locaux » – c'est-à-dire indépendants de la composition du tissu économique – restent majoritaires au premier trimestre 2021 : ils expliquent deux tiers de l’hétérogénéité entre zones d’emploi s’agissant du taux de recours apparent à l’activité partielle, et 90 % s’agissant de la variation de l’emploi salarié privé. Cette prépondérance des effets « locaux » a été corroborée par d’autres travaux, mesurant la variation de la masse salariale à partir d’une approche économétrique[11].
Au total, les dynamiques observées au premier trimestre 2021 ne bousculent pas les conclusions établies pour l’année 2020, qu’elles se rapportent aux territoires affectés ou aux raisons de l’hétérogénéité de l’impact. Une nouvelle fois, la densité de population d’une zone d’emploi ou le nombre d’habitants de son agglomération principale ne sont pas liés à l’ampleur des conséquences sur l’emploi et les activités économiques du territoire. Parmi les grandes métropoles, Nice, Toulouse et Paris sont toujours les plus touchées.
Enfin, si le classement global au premier trimestre ne fait toujours pas écho à des fractures territoriales existantes, certains territoires fragiles continuent d’être fortement affectés par la crise, comme Roissy en Île-de-France ou Côte-sous-le-Vent en Guadeloupe.
En quoi les trajectoires pré-crise des zones d’emploi en matière d’emploi et de chômage se perpétuent en 2020 et au premier trimestre 2021 ?
Trajectoires d’emploi et de chômage des territoires : quelle évolution depuis la crise ?
Nous nous intéressons aux trajectoires d’emploi et de chômage des zones d’emploi, en les distinguant selon leur dynamisme avant la crise (2016-2019). Nous mettons en regard leurs trajectoires pré-crise avec l’impact de la crise en 2020 et le premier trimestre 2021, sur la base de deux indicateurs : l’évolution de l’emploi salarié privé d’une part – qui permet de capter les effets durables de la crise économique, contrairement à la valeur ajoutée et au recours apparent à l’activité partielle qui relèvent davantage de dynamique conjoncturelle – et l’évolution de la part de demandeurs d’emploi de catégorie A (sans activité)[12] d’autre part.
Emploi au premier trimestre 2021 : les zones structurellement plus dynamiques s’en sortent mieux
Pour apprécier l’évolution de la géographie de la crise au premier trimestre 2021, nous privilégions comme référence la même période avant-crise, en 2019. On peut objecter que ce choix conduit à majorer la reprise en ce début d’année 2021 dans la mesure où le premier trimestre 2019 correspond dans les zones d’emploi dynamiques avant-crise à un point bas de l’année 2019. Pour autant, il est important de raisonner en glissement annuel afin de s’affranchir de la saisonnalité au cours de l’année et entre zones d’emploi.
Après une baisse importante en 2020 (– 1,5 %), le premier trimestre 2021 marque le retour au niveau d’emploi salarié privé d’avant-crise (T1 2019) avec + 0,1 % par an. L’an passé, les quinze zones d’emploi les plus dynamiques avant la crise – sur la période 2016-2019 – ont détruit près de deux fois moins d’emplois que les quinze zones d’emploi les moins dynamiques (– 1 % contre – 2 %) (graphique 1a). Pour ces dernières, cela suggère qu’une partie des pertes d’emploi de l’année 2020 provient de facteurs structurels, dans la mesure où leur trajectoire d’emploi était déclinante bien avant l'avènement de la crise. À cet égard, au premier trimestre 2021, ces zones d’emploi n’ont pas retrouvé leur niveau d'emploi du premier trimestre 2019, alors que les zones les plus dynamiques avant la crise l’ont déjà recouvré, et même dépassé de + 0,5 %.
Globalement, les quinze zones d’emploi aux trajectoires d’emploi favorables pré-crise ont limité les pertes d’emploi en 2020 et rebondi dès le début de l’année 2021 (graphique 1b). Seule La Tarentaise située dans les Alpes reste toutefois en deçà de son niveau d’emploi de début 2019. Pour ce territoire qui figure parmi les trente zones d’emploi les plus impactées en 2020, le premier trimestre de l’année correspond au pic d’activité des stations de sport d’hiver qui sont restées fermées. En Corse, Porto-Vecchio et Propriano, qui figurent également parmi les trente zones d’emploi les plus impactées en 2020, ont quant à elles recouvré leur niveau d’emploi au premier trimestre 2021.
Du côté des quinze zones d’emploi aux trajectoires d’emploi défavorables avant la crise (2016-2019), elles ont toutes détruit de l’emploi en 2020, à l’exception de Laon dans les Hauts-de-France (graphique 1b). Pour autant, seul un de ces territoires figure parmi les zones d’emploi les plus impactées en 2020 : la Vallée de la Bresle-Vimeu.
Graphique 1 – Évolution annuelle moyenne de l’emploi salarié privé
a.
b.
Note : les zones d’emploi sont sélectionnées et classées en fonction du taux de croissance annuel moyen de l’emploi sur la période 2016-2019. Sur cette période, Porto-Vecchio était la zone la plus dynamique en France métropolitaine avec 4,2 % de créations d’emplois par an (barre verte). En 2019-2020 elle a détruit 7 % d’emplois (barre rouge) mais a retrouvé en 2021 une forte croissance avec 2,3 % de créations d’emplois par an entre le T1 2019 et le T1 2021. Sont encadrées en rouge les zones d’emploi appartenant aux 30 zones les plus fortement affectées par la crise en 2020 selon notre score global d’exposition.
Champ : France (hors Mayotte), emploi salarié et établissements du secteur privé (hors agriculture et particuliers-employeurs).
Source : France Stratégie, à partir de Séquoia (Acoss)
Entre 2016 et 2019, les zones d’emploi des Outre-mer connaissent une trajectoire d’emploi favorable, avec près de 3 % de création d’emplois chaque année. La crise a marqué un ralentissement des créations d’emplois mais elle n’a pas conduit à des destructions nettes (+ 0,2 % en 2020), ce qui distingue ces territoires ultramarins de l'évolution macroéconomique globale (– 1,5 %). Dans ces territoires où le taux de chômage localisé baisse en trompe-l'œil – comme en France métropolitaine, en raison des confinements qui ont fortement affecté les comportements de recherche active d'emploi et la disponibilité des personnes –, le dispositif d’activité partielle a permis de préserver l’emploi[13]. Pour autant, à la différence de la France métropolitaine, la baisse du taux d’activité qui en découle en Guyane et en Martinique ne relève pas uniquement de la hausse du halo (personnes sans emploi souhaitant travailler) mais de sorties de l'activité (inactivité hors halo), ce qui a une influence directe sur le niveau de population active potentielle de ces territoires.
Le nombre de demandeurs d’emploi a moins augmenté dans les zones à fort taux de chômage
Pour les demandeurs d’emploi de catégorie A (sans activité), et comme pour l’emploi, le premier trimestre 2021 marque au niveau macroéconomique un début de retour à la situation d’avant-crise (cartes 3 et 4). En France, en mai 2021 – dernier point connu à la date de publication de ce Point de vue – la part de demandeurs d’emploi dans la population active au sens du recensement est supérieure de seulement 0,4 point de pourcentage par rapport à mai 2019. Derrière ce point d’arrivée coexistent cependant des trajectoires territoriales différentes.
Les travaux sur le chômage à une maille infra-régionale font état de disparités marquées, qui perdurent dans le temps[14] : on observe en effet une prévalence de la dynamique nationale sur les trajectoires territoriales en matière de chômage, qui se vérifie durant l’année 2020 (carte 3). Durant les trois années suivant la précédente crise économique, seules 8 % des zones d’emploi ont connu des trajectoires divergentes de la trajectoire nationale. Sans avoir le recul nécessaire pour réaliser la même analyse sur la crise que nous traversons, l’étude de l’évolution des demandeurs d’emploi (DEFM) entre janvier 2020 et mai 2021 esquisse des conclusions légèrement différentes[15]. L’évolution de la part des DEFM dans la population active est d’ailleurs l'indicateur le plus corrélé aux variables de fragilité territoriale, mais il va à l’encontre des attendus. Il est corrélé à 59 % avec le niveau de vie médian des zones d’emploi en 2018 et à – 54 % avec le taux de chômage en 2019 : l’évolution du nombre de DEFM est donc légèrement plus favorable dans les territoires en difficulté avant la crise. Les macro-zones traditionnelles de fort chômage[16], au nord et au sud de la France, voient ainsi leur situation s’améliorer au premier trimestre 2021 (carte 4). L’est de la France – en particulier dans les Alpes – connaît au contraire une progression persistante des DEFM. C’est également le cas pour l’ensemble de l’Île-de-France qui constitue une poche de hausse des DEFM dans la moitié nord de la France.
Cartes 3 et 4 – Évolution de la part des DEFM de catégorie A dans la population active entre l’année 2019 et l’année 2020
et entre le T1 2019 et le T1 2021
Carte 3 – En 2020, par rapport à 2019, la part des demandeurs d’emploi de catégorie A (DEFM) dans la population active diminue dans les zones d’emploi en vert, qui font mieux d’un point que la moyenne nationale. En rouge foncé, ce sont celles qui voient leur part de DEFM augmenter d’un point de plus que la moyenne nationale, soit deux points et plus que leur niveau en 2019.Notes de lecture :
Carte 4 – Au premier trimestre 2021, la part des demandeurs d’emploi de catégorie A (DEFM) dans la population active est supérieure à 1,8 point de la part affichée au même trimestre en 2019 pour cinq zones d’emploi des Alpes (en rouge), en écart à la moyenne nationale (+ 0,5 point de pourcentage entre le T1 2019 et le T1 2021). En beige ce sont les zones se situant à plus ou moins 0,5 point de la moyenne nationale, soit un écart compris entre + 0 et + 1 point par rapport à leur situation au T1 2019. En vert, les 109 zones d’emploi qui ont vu leur part de DEFM baisser entre le T1 2019 et le T1 2021.
Sources : France Stratégie à partir de Dares (DEFM trimestriels par zone d’emploi) et Insee
(population active, recensement de la population en 2017)
Plus précisément, on observe pour la France métropolitaine une augmentation brutale des demandeurs d’emploi en avril 2020, au moment du premier confinement (graphiques 2a). Cela s’explique par l’arrêt total de nombreuses activités, conduisant au reflux brusque de l’intérim et au non-renouvellement des contrats courts. S’ensuit une baisse continue et assez marquée durant l’été 2020, pour arriver en septembre avec une part de demandeurs d’emploi dans la population active supérieure à 1 point de pourcentage à ce que l’on observait en septembre 2019. Depuis, le niveau des DEFM reste stable avec l’amorce d’une baisse au printemps 2021 et ce qu’on pourrait appeler un retour à la situation d’avant-crise. Les trois autres trajectoires présentées dans le graphique infra connaissent une évolution semblable, avec notamment une très forte augmentation des DEFM en avril 2020.
Les quinze zones d’emploi avec les taux de chômage localisés les plus faibles en 2019[17] affichent une trajectoire très similaire à celle de la France métropolitaine dans son ensemble. En 2021, la part de DEFM dans leur population active est – entre janvier et avril – en moyenne de 1 point supérieure à ce qu’elles connaissaient en 2019, avec une légère baisse en mai qui reste à confirmer (graphique 2a). Pour les quinze zones d’emploi avec les taux de chômage les plus élevés en 2019[18], la dynamique diffère légèrement. Malgré des taux de chômage très élevés avant la crise, elles avaient une dynamique favorable en 2019, qui se traduisait en janvier-février 2020 par un niveau de DEFM inférieur à celui de 2019 à la même période (– 1 point, graphique 2a). L’augmentation en avril 2021 a été plus brutale encore que celle de l’ensemble du territoire, mais on observe depuis l’été 2020 une absorption du choc initial plus rapide que pour les autres zones d’emploi. Fait remarquable en 2021, ces zones d’emploi affichent en moyenne un taux de demandeurs d’emploi très légèrement inférieur à celui connu en 2019. Cela leur permet à l’arrivée de réduire faiblement l’écart entre elles et les zones d’emploi aux plus faibles taux de chômage (graphique 2b). Ainsi, l’écart entre ces deux groupes est passé de 10 points en février 2020 à 9 points en mai 2021. Cette embellie repose en partie sur une forte dynamique d’emploi (+ 3,0 % de création d’emplois entre le premier trimestre 2019 et le premier trimestre 2021[19]), particulièrement marquée pour Perpignan, Narbonne, Lens et Valenciennes (plus de 4,0 %).
Enfin, les zones d’emploi des DOM, très particulières en matière de chômage[20], observent également des trajectoires spécifiques au long de la crise. Après une baisse des DEFM presque continue tout au long de l’année 2019, l’augmentation est moins brusque en avril 2020 mais – à la différence des zones d’emploi métropolitaines –, le choc est absorbé plus tard dans l’année : entre septembre 2020 et décembre 2020. Cela s’explique en partie par des calendriers de mesures sanitaires différents et des saisons touristiques décalées par rapport à la métropole. Pour autant, la photographie de mai 2021 dresse un tableau encourageant, leur niveau de DEFM étant nettement inférieur (– 2 points de pourcentage) à ce qu’il était deux ans auparavant. Cependant, le phénomène de sortie d’activité relevé ces derniers mois contribue à expliquer cette baisse[21].
Graphique 2 – Évolution de la part des demandeurs d’emploi de catégorie A
dans la population active
a. Évolution de la part des DEFM par rapport au même mois
en 2019, en points de pourcentage
Note de lecture : pour la France métropolitaine (pointillé noir) le niveau des demandeurs d’emploi de catégorie A avait diminué de 0,5 point en pourcentage de population active au sens du recensement en janvier 2020 par rapport à janvier 2019. En mai 2021, le niveau a augmenté de 0,4 point de pourcentage par rapport à mai 2019. La coupure entre décembre 2020 et janvier 2021 marque une rupture de série : nous comparons décembre 2020 à décembre 2019 et janvier 2021 à janvier 2019.
Sources : France Stratégie à partir de Dares (DEFM trimestriels par zone d’emploi) et Insee (population active, recensement de la population en 2017)
b. Évolution de la part des DEFM dans le temps
Note de lecture : en janvier 2019, en France métropolitaine (pointillé noir), la part des demandeurs d’emploi de catégorie A dans la population active au sens du recensement était de 12,0 %. En avril 2021, elle était de 11,2 %.
Sources : France Stratégie à partir de Dares (DEFM trimestriels par zone d’emploi)
et Insee (population active, recensement de la population en 2017)
Grandes métropoles : en première ligne, Nice, Paris et Toulouse restent en difficulté au premier trimestre 2021
Les 12 grandes métropoles ont connu en moyenne les mêmes difficultés que l’ensemble du pays. L’emploi privé salarié y a résisté un peu mieux qu’à l’échelle nationale (– 1,2 % en 2020 par rapport à 2019, contre – 1,5 % pour la France), ce qui traduit une dynamique structurelle de l’emploi plus favorable (graphique 3). Les grandes métropoles concentrent depuis plusieurs années les créations d’emplois[22], en particulier celles du Sud et de l’Ouest (Bordeaux, Nantes, Montpellier, Toulouse et Rennes). Entre les premiers trimestres de 2019 et 2021, les grandes métropoles ne bénéficient plus en moyenne de ce bonus structurel, puisque l’emploi salarié privé y a évolué de la même manière que dans l’ensemble du pays (+ 0,1 % par an).
Par rapport à 2019, la part de demandeurs d’emploi a quant à elle augmenté un peu plus fortement dans les grandes métropoles, de 1,3 % en 2020 (1,0 % à l’échelle nationale) et d’environ 1 % sur les premiers mois de l’année 2021 (contre 0,5 %).
Pour autant, on note une certaine hétérogénéité au sein des grandes métropoles. Si elles ont toutes détruit de l’emploi en 2020, Nice, Rouen et Paris ont été les plus durement touchées. Les capitales azuréenne et française ont pour leur part été directement frappées par l'arrêt des activités liées au tourisme, notamment à l’international. Au premier trimestre 2021, la plupart des zones d’emploi des grandes métropoles ont retrouvé une dynamique favorable, comparable à leur trajectoire pré-crise, hormis à Paris, Rouen, Nice et Toulouse qui continuent de détruire de l’emploi. Au total, les huit autres zones d’emploi des grandes métropoles ont recouvré leur niveau d’emploi du T1 2019.
Parmi les quinze zones d’emploi les plus dynamiques avant la crise figurent cinq grandes métropoles (graphique 5). Début 2021, toutes ont rebondi, à l’exception de Toulouse qui continue de pâtir du ralentissement du secteur de la fabrication de matériel de transport qui est loin d’avoir recouvré son niveau d’activité pré-crise (voir introduction).
Graphique 3 – Évolution annuelle moyenne de l’emploi salarié privé
avant et pendant la crise des douze zones d’emploi des grandes métropoles (en %)
Note : les zones d’emploi des grandes métropoles sont classées en fonction du taux de croissance annuel moyen de l’emploi sur la période 2016-2019. Sur cette période, Bordeaux était la zone d’emploi la plus dynamique des grandes métropoles, avec 3,3 % de créations d’emplois par an (barre verte). En 2019-2020, elle a détruit 0,3 % d’emplois (barre rouge) mais a retrouvé en 2021 le chemin de la croissance avec 0,9 % de créations d'emplois chaque année entre le T1 2019 et le T1 2021.
Champ : France (hors Mayotte), emploi salarié et établissements du secteur privé (hors agriculture et particuliers-employeurs).
Source : France Stratégie, à partir de Séquoia (Acoss)
En matière de chômage, la zone d’emploi de Lille se distingue par une hausse des DEFM moins importante que la moyenne nationale (graphique 4). Sur les premiers mois de 2021, le nombre de DEFM est même inférieur à son niveau de la période correspondante en 2019. Pour Nice, Toulouse et Paris, la situation était inquiétante en 2020 et le reste au premier trimestre 2021, avec une hausse du taux de DEFM de l’ordre de 1,5 point, soit trois fois la moyenne nationale. Ces villes bénéficient néanmoins du mouvement de baisse en mai. Les autres grandes métropoles constituent un groupe homogène, se situant dans la moyenne nationale.
Graphique 4 – Évolution de la part des demandeurs d’emploi de catégorie A
des douze zones d’emploi des grandes métropoles (en point de pourcentage)
Note de lecture : en janvier 2020, le niveau des demandeurs d’emploi de catégorie A avait diminué d’un point en pourcentage de population active au sens du recensement à Nice par rapport à janvier 2019. En mai 2021, le niveau a augmenté de plus d'un point de pourcentage par rapport à mai 2019. La coupure entre décembre 2020 et janvier 2021 marque une rupture de série : nous comparons décembre 2020 à décembre 2019 et janvier 2021 à janvier 2019.
Sources : France Stratégie à partir de Dares (DEFM trimestriels par zone d’emploi) et Insee (population active, recensement de la population en 2017)
Emploi et chômage : la ligne de fracture traditionnelle Caen-Nice en partie estompée
Au sortir d’une année 2020 inédite, la mise en regard de l’évolution de l’emploi et du chômage éclaire de manière complémentaire la géographie de la crise. Pour ce faire, nous croisons pour chaque zone d’emploi l’évolution des demandeurs d’emploi de catégorie A et celle de l’emploi salarié privé entre le T1 2019 et le T1 2021[23]. Ce croisement des indicateurs dessine une typologie des territoires selon leur dynamique de reprise au premier trimestre 2021 (tableau 2 et carte 5).
Tableau 1 – Nombre de zones d’emploi par catégories de reprise économique
issues du croisement entre l’évolution de l’emploi et des DEFM de catégorie A
Premier fait notable, près d’un quart des zones d’emploi se trouvent dans une dynamique favorable au premier trimestre 2021 (en vert), en ayant retrouvé à la fois leur niveau d’emploi et leur niveau de DEFM d’avant-crise. Ces territoires sont éclatés sur l’ensemble de la France, même si quelques grappes se détachent au nord (entre Lille et Maubeuge notamment), au centre (autour de Nevers et de Dole) et au sud de la France (entre Montélimar et Nîmes et au nord de Toulon). Relevons également la bonne posture de la Corse, dont cinq zones d’emploi appartiennent à cette catégorie, alors que l’impact de la crise y a été important (cartes 1 et 2). Cela révèle que, malgré une structure sectorielle défavorable, l’emploi local y a particulièrement bien résisté.
À l’inverse, près d’un tiers (30 %) des zones d’emploi sont confrontées à une double difficulté en ce début d’année (en rouge). On retrouve une partie des territoires les plus fragiles structurellement (au nord de la France), mais en majorité ceux qui ont le plus souffert de la crise en 2020 : l’Île-de-France, la façade est de la France, la Côte d’Azur, de Figeac à Clermont-Ferrand, ainsi que plusieurs métropoles. Cette carte dessine ainsi des fragilités nouvelles, estompant pour partie la ligne de fracture traditionnelle traversant la France depuis Caen jusqu’à Nice.
Une majorité de territoires (32 %) combinent quant à eux créations d’emplois salariés et augmentation des demandeurs d’emploi (en jaune). Ce paradoxe apparent peut traduire le délai d’ajustement du marché du travail au niveau local et l’attractivité démographique de ces zones en périphérie des grandes métropoles. Elles révéleraient un nouvel « exode urbain[24] », notamment autour des métropoles de Strasbourg, Nantes, Rennes, Bordeaux, Lyon, Toulouse et Marseille qui figurent dans cette catégorie. Notons que l’ouest et le sud de la France, traditionnellement dynamiques en matière d’emploi, retrouvent au premier trimestre 2021 leur niveau d’avant-crise. Cela confirme les tendances observées depuis plusieurs années d’un développement de l’économie présentielle dans ces zones, accompagné d’un afflux de population. Géographiquement, on observe que le traditionnel « U » de création d’emploi se trouve amputé de son côté droit – à l’Est –, où sévit la crise.
Enfin, près de 15 % des zones d’emploi affichent une évolution encourageante en matière de DEFM mais continuent pourtant à détruire de l’emploi (en orange). Ces zones se situent en très grande majorité dans la moitié nord de la France. Au regard du peu de recul dont on dispose sur la crise, il est difficile à ce stade d’interpréter les causes de ce phénomène, qui peut résulter de plusieurs facteurs (exode, vieillissement de la population, découragement des demandeurs d’emploi, etc.).
Carte 5 – Typologie de l’évolution de l’emploi salarié privé et de la part de demandeurs d’emploi de catégorie A
dans la population active entre le T1 2019 et le T1 2021
Note de lecture : les zones d’emploi sont classées en quatre catégories selon l’évolution – positive ou négative – de l’emploi salarié privé et des demandeurs d’emploi entre le T1 2019 et le T1 2021.
Sources : France Stratégie à partir de Séquoia (Acoss), Dares (DEFM trimestriels par zone d’emploi)
et Insee (recensement de la population active en 2017)
[*] Voir Bouvart C., Flamand J., Dherbécourt C. et Le Hir B. (2021), « L’emploi en 2020 : géographie d’une crise », La Note d’analyse, n° 100, avril.
[**] Insee (2021), « Le PIB rebondit légèrement au premier trimestre 2021 (+ 0,4 %), mais reste en deçà de son niveau d’avant-crise (– 4,4 % par rapport au quatrième trimestre 2019) », Informations rapides, n° 111, avril.
[1] Pour s’affranchir de la saisonnalité des données au cours de l’année et entre zones d’emploi, nous privilégions comme référence le premier trimestre 2019 pour apprécier l’évolution de la géographie de la crise au premier trimestre 2021.
[2] Nous privilégions les données de demandeurs d’emploi de catégorie A dans cette étude dans la mesure où l’interprétation des évolutions de ce taux est difficile pendant la crise, le contexte sanitaire empêchant par moments une recherche active d’emploi. Le taux de chômage localisé n’est utilisé que pour mesurer la performance des territoires avant-crise.
[3] Voir Bouvart C., Flamand J., Dherbécourt C. et Le Hir B. (2021), « L’emploi en 2020 : géographie d’une crise », op. cit.
[4] Voir Charton C. et Durieux E. (2021), « Confinement du printemps 2020 : un impact économique différencié selon les départements » , in La France et ses territoires, coll. « Insee Références », avril ; Groupe « Prospective et connaissance territoriales de Régions de France » (2021), « Impact économique de la crise sur les régions et leurs territoires », Les notes de Régions de France, n° 1, Régions de France, mai.
[5] Barrot J.-N. (2021), Accélérer le rebond économique des territoires, rapport au Premier ministre, juin.
[6] Insee (2021), « Comptes nationaux trimestriels au premier trimestre 2021 », Insee Résultats, avril.
[7] Ces trois secteurs représentent environ 10 % des emplois.
[8] Voir l’annexe méthodologique de la Note d’analyse n° 100 sur le site de France Stratégie.
[9] Coquet B. (2021), « Crise sanitaire, emploi, chômage : l’Ile-de-France en première ligne », Billet, OFCE, mars.
[10] Dangerfield O. et Mainguené A. (2021), « Au 1er trimestre 2021, la fréquentation hôtelière se situe au tiers de son niveau habituel », Insee Focus, n° 242, juillet.
[11] Barrot J.-N. (2021), Accélérer le rebond économique des territoires, op.cit., p. 21-23.
[12] Cet indicateur n’avait pas été retenu dans la Note d’analyse n° 100, car il n’était pas disponible à la maille des zones d’emploi 2020 au moment de sa publication.
[13] Audoux L. et Mallemanche C. (2021), « En 2020, le chômage partiel préserve l’emploi dans les DOM », Insee Focus, n° 233, mai.
[14]Bouvart C. et Donne V. (2020), « Taux de chômage et zones d’emploi : vers une nouvelle approche de la performance territoriale ? », Document de travail, juillet, p. 50-52.
[15] Pour mesurer les trajectoires de chômage des zones d’emploi, nous utilisons dans cette étude les données de demandeurs d’emploi en fin de mois de catégorie A, qui ont l’avantage d'être mensuelles et moins sensibles au phénomène comptable de sortie d’activité. Lorsque nous évoquons les taux de chômage des zones d’emploi, nous faisons référence aux taux de chômage localisés, mesurés par l’Insee à partir de l’enquête emploi en continu. Enfin, la mesure de la population active utilisée est celle provenant du recensement de la population de 2017.
[16] Bouvart C. et Donne V. (2020), « Chômage et territoires : quels modèles de performance ? », La Note d’analyse, n° 93, juillet.
[17] Les Herbiers, Saint-Flour, Vitré, Le Mont-Blanc, Rambouillet, Ancenis, Rodez, Mende, Beaune, Ussel, Château-Gontier, Annecy, Aurillac, Épernay, Versailles-Saint-Quentin affichaient en moyenne un taux de chômage de 5,0 % en 2019, de 4,3 % aux Herbiers à 5,3 % à Versailles-Saint-Quentin.
[18] Vierzon, Béziers, Douai, Lens, Saint-Quentin, Sète, Forbach, Roubaix-Tourcoing, Valenciennes, Narbonne, Calais, Perpignan, Alès-Le Vigan, Maubeuge, Agde-Pézenas affichaient en moyenne un taux de chômage de 13,2 % en 2019, de 11,8 % à Vierzon à 15,7 % à Agde-Pézenas.
[19] Malgré de très forts taux de chômage, ces quinze zones étaient d’ailleurs plutôt dynamiques avant crise, accompagnant la baisse de chômage observée en 2019 (graphique 2a) : elles ont en moyenne créé + 1,0 % d’emplois par an entre 2016 et 2019.
[20] Les zones d’emploi de Martinique, Guadeloupe et de la Réunion présentent en moyenne en 2019 un taux de chômage de 19,2 %, de 13,6 % au Sud-Caraïbe (Martinique) à 24,0 % au Sud (La Réunion).
[21] Audoux L. et Mallemanche C. (2021), « En 2020, le chômage partiel préserve l’emploi dans les DOM », op. cit.
[22] Lainé F. (2017), « Dynamique de l’emploi et des métiers : quelle fracture territoriale ? », La Note d’analyse, n° 53, février.
[23] Nous considérons là encore le niveau d’avant-crise des zones d’emploi au premier trimestre 2021, malgré l’embellie générale survenue durant toute l’année 2019. Cela nous conduit à surestimer légèrement la reprise économique.
[24] Barrot J.-N. (2021), Accélérer le rebond économique des territoires, op.cit., p. 26-30.