La Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (CNEPI) a commandité trois études d’impact réalisées par des équipes académiques – l’étude de Bozio et al. (2017), l’étude de Lopez et Mairesse (2018) et l’étude de Giret et al. (2018) – afin d’identifier les effets de la réforme de 2008 du crédit d’impôt recherche (CIR). Par ailleurs, une étude complémentaire a été lancée par le ministère en charge de la recherche et de l’innovation (MESRI) et réalisée par Mulkay et Mairesse (2018). Cet avis se fonde notamment sur ces quatre études récentes, ainsi que sur les différentes réflexions que la CNEPI a menées sur le CIR depuis 2015
Un impact sur les dépenses de recherche et développement des entreprises globalement équivalent au montant du CIR
Le CIR correspond à un coût budgétaire de près de 6 milliards d’euros par an, soit environ 60 % de l’ensemble des soutiens publics à l’innovation en France et les deux tiers des seules aides de l’État. C’est la deuxième dépense fiscale de l’État, après le CICE. Au regard de l’objectif principal du CIR, qui consiste à renforcer les capacités des entreprises en matière de R & D, les études concluent pour la réforme de 2008 à un effet globalement conforme aux attentes.
Portant sur la période 2004-2011, l’étude de Bozio et al. (2017) estime ainsi que, sous l’effet de la réforme du CIR de 2008, un euro de CIR entraîne de 1,1 à 1,5 euro de dépenses R & D supplémentaires par les entreprises bénéficiaires. À partir des données 2002-2012, l’étude de Lopez et Mairesse (2018) conclut à un effet de levier de l’ordre de 1,2 à long terme. Quant à l’analyse de Mulkay et Mairesse (2018), elle estime à partir des données 1994-2013 que, si ce multiplicateur a été supérieur à l’unité sur la période 2010-2014, il est à long terme légèrement inférieur à un, de l’ordre de 0,9 : un euro de CIR se traduirait à cette échéance par 90 centimes de R & D supplémentaires par les entreprises.
En outre, la réforme de 2008 s’est traduite par une hausse plus modérée pour l’emploi de personnels de R & D que pour les dépenses de R & D, de l’ordre de 5 % à 18 %, par rapport aux entreprises non bénéficiaires, selon Bozio et al. (2017). En ce qui concerne le volet « Jeunes docteurs » du CIR, l’analyse de Giret et al. (2018) montre que la réforme de 2008 a amélioré l’accès des jeunes docteurs aux emplois de R & D dans les entreprises, notamment par comparaison avec la situation des jeunes titulaires d’un diplôme d’ingénieur.
Des effets encourageants mais un impact du CIR encore peu perceptible en matière d’innovation et d’activité économique
Les études récentes aboutissent à deux conclusions principales. D’une part, l’étude de Bozio et al. (2017) montre que la réforme de 2008 s’est traduite par une augmentation de 5 % de la probabilité que les entreprises bénéficiaires déposent un brevet. Ce résultat peut être jugé faible au regard du montant de la dépense fiscale que représente le CIR, mais cet indicateur ne fournit qu’une mesure indirecte de l’innovation et en l’espèce les données ne vont que jusqu’en 2011.
D’autre part, Lopez et Mairesse (2018), en mobilisant notamment le volet français de l’enquête européenne sur l’innovation, mettent en évidence des effets positifs non seulement sur la probabilité d’introduire des produits nouveaux pour l’entreprise mais aussi sur la probabilité d’introduire des produits nouveaux pour le marché – c’est-à-dire concernant des innovations potentiellement de plus grande envergure –, ainsi que sur la part relative de l’ensemble des nouveaux produits dans le chiffre d’affaires. Ils montrent de plus que l’introduction de produits nouveaux pour le marché, accrue à long terme de 2,5 %, exerce à son tour un effet positif et significatif sur la productivité du travail : la réforme du CIR en 2008 a, par ce biais, permis un surcroît de 1,7 % en moyenne pour les entreprises bénéficiaires, au bout de quatre ans, soit un sixième du gain annuel de productivité pour ces entreprises.
En outre, les entreprises de grande taille auraient le plus bénéficié de ce surcroît de productivité lié au CIR, sans doute en raison de leur plus grande capacité à valoriser les innovations sur la vaste échelle des marchés étrangers. En revanche, Lopez et Mairesse (2018) montrent que les effets positifs sur l’intensité en R & D et sur la probabilité d’innover (produits « nouveaux pour le marché ») sont plus importants pour les entreprises de 50 à 1 499 salariés et, plus encore, pour les entreprises de moins de 50 personnes.
Un premier pas dans l’évaluation du CIR
La CNEPI peut ainsi entamer la seconde étape d’évaluation du CIR, qui visera notamment à répondre aux questions telles que les impacts micro et macroéconomiques du CIR, notamment sur la croissance économique, la création d’emploi, les exportations. Mais aussi, elle portera une attention particulière à la comparaison avec d’autres dispositifs du même ordre et à l’impact du CIR sur l’attractivité de la France comme pays d’implantation d’activités de recherche et développement.
Les travaux permettant de répondre à ces questions sont en cours de lancement et feront l’objet des prochains avis de la CNEPI.
Au total, ces études concluent globalement à un effet positif du CIR sur les dépenses de recherche et développement (R & D) des entreprises, avec une hausse d’un montant de même ordre de grandeur que pour la dépense fiscale. L’effet est cependant moins prononcé sur leur personnel de R & D, l’emploi des jeunes docteurs, sur la propension des entreprises à déposer des brevets et à réaliser de l’innovation de produit, ainsi que sur leurs gains de productivité.