Modélisation légale de nouvelles finalités reconnues à l’entreprise ? Aggiornamento par la loi de la figure de l’entreprise ? L’entreprise à mission suscite, à l’heure de la réforme législative des articles 1833 et 1835 du code civil, de nombreuses discussions. Pourtant, la figure de l’entreprise n’a jamais cessé d’être redessinée dans sa dimension conceptuelle comme sa dimension spatiale.
Social business, entreprise sociale et solidaire, entreprise du commun, B-corp…. Différents modèles d’entreprise ont déjà été proposés et mis en œuvre selon les attentes exprimées dans certains secteurs d’activité et les exigences propres aux marchés économiques et aux États. À ces modèles d’entreprise, font écho des théories relevant des sciences du management et traduites parfois en droit, que l’on pense à la théorie du gouvernement d’entreprise ou de la théorie des parties prenantes. D’éminents juristes posaient les fondements d’un droit moderne des sociétés (Jean Paillusseau, Ecole de Rennes) ou encore d’une doctrine de l’entreprise (Antoine et Gérard Lyon-Caen). Le postulat de ces théories juridiques était articulé autour de l’intérêt de l’entreprise susceptible de naître de la création et de l’exercice d’une activité économique et sociale et des modalités de promotion de la sauvegarde, pourtant contre-intuitive, des intérêts altruistes par les actionnaires orientés ataviquement vers leurs propres intérêts. La divergence d’intérêts à atténuer au sein de l’entreprise apparaît loin d’être un constat regrettable puisque la défense d’un intérêt plus large que le sien dans les décisions arrêtées, nécessite l’attribution d’une mission qui à l’échelle individuelle prend la forme de la représentation (autrement dit la mission de représentation dévolue à une personne qui agit au nom d’une autre personne), et à l’échelle collective correspond à la finalité de l’entité.
Ces idées ne sont pas neuves. Mais les conceptions théoriques dégagées ont rarement été suivies d’une intervention législative. Pour l’illustrer, les Rapports Vienot I et II de la fin des années 90 soulignaient l’importance de développer un véritable gouvernement d’entreprise à travers la mise en place d’une direction transparente et l’instauration de contre-pouvoirs. Cependant, la portée juridique de ces rapports a été limitée aux recommandations qu’ils contenaient, à savoir celle d’un code de bonne conduite. Également, le Rapport Sudreau sur la réforme de l’entreprise de 1975 promouvait l’accroissement de l’autonomie des salariés, la protection des consommateurs et la prise en compte des contraintes environnementales. Le Rapport Notat-Sénard, inspirant directement le projet de loi Pacte redonne vigueur à ces propositions qui semblent ainsi en bonne voie d’être consacrées dans la loi. Ce qui donne l’occasion d’échanger dans un cadre universitaire, soutenu par France Stratégie afin de souligner les aspects originaux et les limites du projet, clarifier les points restés dans l’ombre et envisager les perspectives de la réforme à venir.
Programme
14h00 – Ouverture et présentation de l’entreprise à mission prévue par le projet de loi
Sylvain BOUCHERAND, président de la Plateforme RSE
Fleur LARONZE, maître de conférences HDR en droit privé – droit social, Université de Strasbourg, UMR 7354 DRES, membre de la Plateforme RSE
Pierre ROHFRITSCH, direction générale du Trésor
14h30 – L’entreprise et la société : enjeu doctrinal et pratiques d’entreprise
Gilles AUZERO, professeur en droit privé, Université de Bordeaux, UMR 5114 COMPTRASEC
14h50 – De l’engagement social ou sociétal à la mission. Ethnographie d’un réseau d’entreprises
Camille PHE, doctorante en sociologie, Université Paris-Dauphine, Institut de Recherche Interdisciplinaire en Sciences Sociales (IRISSO – UMR CNRS 7170)
15h10 – La théorie de la firme comme entité fondée sur le pouvoir : quelles missions pour l'entreprise ?
Virgile CHASSAGNON, professeur en économie, Université Grenoble Alpes, Centre de recherche en Economie de Grenoble, directeur de l'Institut de Recherche pour l'Economie Politique de l'Entreprise
15h30 – La société à mission contre la RSE ?
Michel CAPRON, professeur émérite en sciences de gestion, Université Paris 8, Institut de recherche en gestion
15h50 – « Entreprise à mission : quels droits pour les salariés ? »
Emmanuelle MAZUYER, directrice de recherche CNRS en droit privé, Université Lyon 2, UMR 5137 CERCRID
16h10 – Pause
16h30 – Entreprise à mission et Entreprise sociale et solidaire : convergence des modèles ou nette différenciation des intérêts ?
Sophie GRANDVUILLEMIN, maître de conférences en droit privé – droit des affaires, Université Paris 13, Institut de Recherche pour un Droit Attractif
16h50 – Entreprise à mission, codétermination et ... écodétermination
Olivier FAVEREAU, professeur émérite en sciences économiques, Université Paris Nanterre, co-directeur du département "économie et société" au Collège des Bernardins, UMR 7235 EconomiX
17h10 – Échange avec la salle
17h30 – Synthèse des travaux
Charley HANNOUN, professeur en droit privé, Université de Cergy-Pontoise, LEJEP
18h00 – Clôture