Le droit social français se caractérise par un haut niveau de rigidités préjudiciable à la performance macroéconomique du pays. Pour impérieux qu’il soit, le nécessaire assouplissement de la réglementation ne peut s’opérer au détriment du rôle protecteur du droit social. Plutôt que pour une réduction du champ dévolu au droit réglementaire, il convient de plaider pour une substitution progressive du droit conventionnel dérogatoire à celui-ci. Il s’agit de choisir entre une stratégie de refus des compromis, qui condamnerait notre pays à la paupérisation et de nombreux salariés au chômage, et une stratégie, illustrée par l’ANI du 11 janvier 2013, de recherche continue de nouveaux équilibres renforçant à la fois la protection des travailleurs et l’efficacité économique par un rôle accru des partenaires sociaux.
Dans le cadre de cette stratégie de réforme, les six priorités de réforme sont à nos yeux les suivantes :
- L’articulation entre les différents niveaux de normes dans le domaine du droit social ;
- Le développement de la syndicalisation, La représentativité des organisations patronales et celle corrélative du nombre de branches ;
- La formation professionnelle et plus globalement la question du maintien et du renforcement de l’employabilité des actifs ;
- L’éradication des freins institutionnels à la mobilité professionnelle et géographique des actifs ;
- Le traitement plus efficace (en termes de rapidité et de sécurité juridique) des litiges ;
- Une réforme des minima sociaux visant à lutter plus efficacement contre la pauvreté tout en réduisant le préjudice de ces minima pour l’emploi.
Dans le domaine du droit social et du fonctionnement du marché du travail, la stratégie de réformes efficace permettant, dans la paix sociale, d’élever conjointement l’efficacité économique et la protection du travailleur est celle de l’extension du droit conventionnel dérogatoire. Cependant, quatre types de limites doivent s’imposer à l’expression du droit dérogatoire par accord collectif :
- Les dispositions d’ordre public mais au sens strict, c'est-à-dire absolu, qui concernent les droits fondamentaux du travailleur et les libertés collectives. Il serait utile que les partenaires sociaux déclinent ces limites à l’autonomie contractuelle dans le monde du travail4 ;
- Les dispositions relevant du droit supranational, dont bien sûr le droit communautaire qui est d’application directe comme la loi interne ;
- Pour chaque niveau de négociation, les limites éventuelles prévues par les niveaux supérieurs. L’ANI doit pouvoir limiter l’autonomie des accords de branches et d’entreprises. C’est par exemple ce qu’a fait l’ANI du 11 janvier 2013 dans de nombreux domaines. L’accord de branche doit quant à lui pouvoir limiter l’autonomie des accords d’entreprises, au nom de ce qu’on peut appeler l’ordre public propre à la branche, et ou à l’intensité du dialogue social ;
- La prise en compte de l’intérêt des outsiders et des éventuelles externalités financières des accords. Il revient prioritairement à l’État de mettre en œuvre ce dernier type de limites, mais des moyens existent – par exemple des garanties sociales fondées sur la mutualisation – permettant que l’accord soit créatif de droits pour d’autres personnes que les salariés en fonction.
Téléchargez la contribution de Jacques Barthélémy et Gilbert Cette (PDF) :