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Retour sur le débat régional à Nancy : Quelle France dans 10 ans ?

Dans sa tournée en région pour ébaucher « Quelle France dans dix ans ? », le Commissariat général à la stratégie et à la prospective a choisi la ville de Nancy pour débattre du modèle de croissance durable. Les participants se sont penchés sur deux thèmes complexes qui sont des enjeux forts pour demain : « Comment produire des logements abordables qui intègrent l’ambition environnementale et répondent aux besoins de la population ? » et « Comment faire de la transition énergétique un levier de développement pour l’économie locale en s’appuyant sur ses ressources ? »

Publié le : 15/11/2013

Mis à jour le : 23/12/2024

Retour sur le débat régional à Nancy -- Quelle France dans 10 ans ?

C’est au cœur de l’université de Nancy que le Commissariat général à la stratégie et à la prospective a organisé un débat sur la soutenabilité de la croissance. Dans cette ancienne région industrielle, on connaît bien la problématique de la reconversion et les enjeux de la croissance verte. Avec la crise, commencer une rénovation aux normes basse consommation dans les logements sociaux peut sembler un luxe.

Pourtant, ce type de surinvestissement offre un double bénéfice. D'une part, il réduit considérablement les charges énergétiques pour les locataires, qui peuvent être divisées par deux, voire par dix. D'autre part, pour les bailleurs, cela limite la vacance et le turnover tout en augmentant la solvabilité des locataires, leur permettant de payer leurs loyers de manière plus stable.

La question ne s’arrête pas aux économies d’énergie : elle touche également à la santé publique. Des bâtiments construits avec de mauvais matériaux peuvent avoir des conséquences graves, telles que des maladies respiratoires, des allergies, voire des cancers. Pour la collectivité, ces enjeux sont essentiels à considérer.

La transition énergétique peut également être un levier pour l’économie locale, notamment en intégrant l’empreinte carbone dans les critères de commande publique. Favoriser les produits locaux grâce à une empreinte carbone plus faible pourrait transformer les habitudes de consommation et stimuler les économies locales tout en préservant l’environnement.

Dans cette dynamique, des cultures comme celle du chanvre, peu consommatrices en eau et capables de capter le CO₂, offrent de nouvelles opportunités. Utilisé pour fabriquer des matériaux à haute valeur ajoutée, le chanvre présente des débouchés intéressants pour les agriculteurs, tout en attirant des secteurs comme l’automobile et le bâtiment grâce à ses qualités techniques exceptionnelles.

Et si cette croissance verte locale devenait un levier pour soutenir la croissance de la France dans dix ans ? Une piste à approfondir dans le rapport du CGSP.

Produire un logement économe en énergie, c’est possible mais cher. Et l’ambition environnementale s’ajoute à un empilement de règlementations – sur l’accessibilité des personnes handicapées, la sécurité, l’hygiène – qui renchérit déjà le coût de la construction. Pourtant, il s’agit aussi de répondre à un enjeu social : « Les habitants sont confrontés à l’augmentation des charges, principalement due à la forte progression du prix du chauffage. » souligne Raphaël Altani, directeur de la Société lorraine d’habitat. En France, 3,8 millions de ménages seraient en état de « précarité énergétique », c’est-à-dire qu’ils consacrent plus de 10 % de leurs revenus à l’électricité et/ou au gaz. De plus, l’évolution de la société, avec davantage de couples séparés et de familles monoparentales, nourrit une demande de logements de taille moyenne, ce qui provoque des tensions sur le marché.

Le surcoût d’une habitation respectueuse des normes environnementales s’élève à 15 %. Pour le locataire, c’est 25 % de moins sur la facture d’énergie. Mais les intervenants invitent à le considérer davantage comme un « surinvestissement ». « L’approche comptable n’est pas une bonne logique, remarque Dominique Valck, président par intérim du Conseil de développement durable du Grand Nancy. Il faut mesurer la rentabilité à long terme, en intégrant par exemple les enjeux de santé publique ; la mauvaise qualité de l’air dans les logements entraîne des maladies représentant un coût pour la société. » Mettre un frein à l’étalement urbain qui génère de plus longs trajets domicile-travail et donc de la pollution, devrait aussi être une priorité. Travailler sur le bien-être en ville, en y faisant revenir la nature (toits végétalisés, potagers) en est une autre.

Cette question de coût est aussi un enjeu dans les défis de la transition énergétique, si on veut en faire un levier pour l’économie locale. Pour François Werner, délégué à l’attractivité et à la compétitivité du territoire du Grand Nancy, il est nécessaire de faire évoluer certaines pratiques d’achat : « Un préalable est de chiffrer l’empreinte carbone des produits importés. En passant d’un critère prix qui incite à acheter le moins cher à un critère coût global, il serait ainsi possible de donner la préférence aux productions les plus proches. »

Au pôle de compétitivité Fibres, regroupant 250 acteurs (entreprises et centres de recherche) pour concevoir des éco-matériaux à destination du bâtiment et des transports, on incite les entreprises à utiliser davantage de matériaux bio-sourcés d’origine locale, qu’elles peuvent valoriser sur des marchés à plus haute valeur ajoutée. Exemple avec la création d’une filière chanvre en Lorraine : « C’est une plante intéressante qui capte le CO2, consomme peu d’eau et très peu de pesticides ou d’engrais, explique Agnès Szabo, déléguée générale par intérim du pôle. Ses fibres peuvent être utilisées dans des matériaux composites par les industriels du transport. Pour les agriculteurs, cette utilisation est beaucoup plus intéressante. »

Quelques participants mettent cependant en garde contre l’effet d’illusion du potentiel de la transition énergétique, notamment en terme de création d’emplois. L’objectif de rénovation de 500 000 logements par an va, par exemple, soutenir l’activité locale dans le bâtiment. Mais plus globalement, on assistera à une transformation des métiers traditionnels qui devront se mettre au vert plutôt qu’à une vague de nouveaux emplois.

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