Document de travail

Les systèmes électriques dans la transition énergétique, en France et en Europe

Face au développement de la production décentralisée d’énergie renouvelable et des « réseaux intelligents », comment repenser la gouvernance des systèmes électriques européens et financer la décarbonation de notre électricité ?

Publié le : 28/11/2019

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L’électricité est devenue un bien essentiel, pour ne pas dire vital, sous l’effet de la double transition numérique et écologique. Du véhicule électrique aux pompes à chaleur, réduire les émissions de CO2 passe par une électrification des usages. Ces évolutions mettent les systèmes électriques face à de nouveaux défis : intégration des énergies renouvelables, développement de moyens de production et de stockage décentralisés, arrivée des « réseaux intelligents ». Et parce que l’électricité est « une industrie du temps long », c’est dès maintenant qu’il faut penser sa transformation pour prévenir le risque d’une déstabilisation du système dans son ensemble. Dans cette perspective, France Stratégie met en ligne deux contributions au débat.

Dans un premier document de travail, Dominique Auverlot a demandé à trois économistes européens, Dieter Helm, Marc-Oliver Bettzüge et Fabien Roques de formuler des propositions pour réorganiser le secteur au niveau européen, cinq ans après leur contribution sur la crise du système électrique. Quelles sont les régulations nécessaires à horizon 2030 pour assurer la transition vers la neutralité carbone du système énergétique européen? C’est en somme à cette question que le groupe d’experts international se propose de répondre, en tenant compte notamment du problème du prix de l’électricité pour le client final, de la dépendance de l’Europe aux importations d’hydrocarbures et d’équipements tels les panneaux solaires photovoltaïques ou les batteries, et de l’intégration des énergies renouvelables intermittentes dans le système électrique, intégration qui tend à le fragiliser.

Dans ce contexte, les réseaux de distribution se trouvent fortement impactés. Un chiffre pour s’en convaincre : selon la Commission européenne, 64 % du coût estimé de la transition énergétique (soit 450 milliards d’euros) sont liés aux investissements nécessaires à l’adaptation des réseaux. Dans le cas français, sur lequel s’est penché Étienne Beeker dans un second document de travail, il apparaît clairement que le réseau de distribution fait face à des défis de taille. Géré majoritairement par Enedis, il n’avait jusqu’ici qu’un rôle d’acheminement de l’électricité vers le client final. Ce rôle évolue avec le développement de la production décentralisée d’énergie renouvelable, celui des possibilités de stockage et du véhicule électrique, et l’aspiration des citoyens à l’autonomie énergétique. Il se complexifie aussi avec l’arrivée des « réseaux intelligents », c'est-à-dire l’intégration des technologies numériques (compteurs et objets connectés notamment) pour optimiser la production et la consommation d’énergie. Le réseau de distribution est donc appelé à jouer un rôle « de plus en plus assurantiel » et de gestionnaire de données, tout en continuant de garantir la solidarité entre territoires. Avec quelles conséquences en termes de portage des risques et de tarification ?

Infographie les réseaux de distribution d'électricité dans la transition énergétique

Un système électrique historiquement centralisé

Depuis l’origine, les réseaux de distribution sont la propriété des communes. Leur gestion est confiée à un opérateur dans le cadre d’une délégation de service public. La loi de nationalisation de 1946 ajoute à ce fonctionnement, au niveau territorial, une organisation nationale autour d’EDF.

RTE - Résau de transport à très haute tension

ENEDIS - Réseau de distribution de moyenne et de basse tension

Cette organisation de la distribution autour d’un opérateur national a permis à la France de :

  • mettre en place une solidarité entre les territoires ;
  • investir dans les nouvelles technologies en faisant de son réseau l’un des plus automatisés d’Europe ;
  • offrir aux consommateurs un tarif compétitif comparé aux autres pays européens.

Un système électrique sous tension

À ces objectifs de sécurité d’approvisionnement et de prix s’ajoute l’impératif de réduction des émissions de CO2. Pour y répondre, une adaptation des réseaux est nécessaire.

Un défi pour le réseau : intégrer les énergies renouvelables

Les énergies renouvelables représentent 15 % de la puissance totale électrique du parc français et sont raccordées dans 95 % des cas au réseau de distribution.

Or, le réseau avait jusqu’ici un rôle « plutôt passif », consistant à acheminer des flux de courant descendants vers le consommateur. Parce qu’elle est intermittente, la production décentralisée d’énergies renouvelables change la donne. Désormais les flux sont bidirectionnels. Le réseau doit prendre le relais en cas d’absence de vent ou de soleil, par exemple. À l’inverse, il doit aussi « faire remonter » l’énergie non consommée vers le réseau à très haute tension.

Écoquartiers, communautés énergétiques locales, bâtiments à énergie positive… le nombre d’installations en autoconsommation pourrait atteindre 4 millions en 2030, selon RTE.

Électrification des usages et réseaux intelligents

Véhicules électriques, pompes à chaleur, domotique… la transition vers une économie bas carbone passe par une électrification des usages.

Par exemple, l’arrivée à moyen terme de millions de véhicules électriques et de points de charge « mobiles » à raccorder au réseau pose la question des infrastructures de recharge, et celle de la gestion des pics de puissance si tous les véhicules venaient à se recharger au même moment.

Les réseaux intelligents peuvent permettre de répondre à ce besoin de flexibilité accru grâce à un pilotage plus efficace de l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité. Mais ils impliquent également que le réseau collecte des quantités importantes de données, les protège contre la cybercriminalité et les fournisse aux utilisateurs.

Conclusion

Le réseau de distribution est donc appelé à évoluer, tout en continuant de garantir la solidarité entre territoires. Parce que l’électricité est « une industrie du temps long », c’est dès maintenant qu’il faut penser cette transformation pour prévenir le risque, souvent sous-estimé, d’une déstabilisation du système tout entier.

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