L'incertitude sur cette rentabilité et sur les coûts d'abattement dans le secteur résidentiel en général reste toutefois grande. Les principales sources d'incertitude portent, d'une part, sur les prix futurs des énergies et la capacité des producteurs d'énergie faiblement carbonée (dont l'électricité) à répondre à la demande et, d'autre part sur les coûts et la performance effective des travaux de rénovation. Ces incertitudes rendent difficile l'optimisation du dosage entre performance énergétique (isolation par ex.) et décarbonation de l'énergie (passage d'une chaudière fioul à une chaudière bois par ex.). A terme, l'objectif visé de performance énergétique moyenne du parc de logements au niveau BBC pourrait être réinterrogé dans une certaine mesure. D'après les simulations réalisées, des rénovations vers C avec électrification du vecteur pourraient en effet réduire significativement les coûts d'abattement en comparaison à des rénovations au niveau BBC rénovation (vers B), pour l'atteinte d'un même objectif national.
L'électrification du parc, avec notamment des systèmes performants type pompes à chaleur air-eau ou géothermiques, représente un potentiel d'abattement important mais ne peut-être en aucun cas considérée comme l'unique solution, en particulier dans le contexte énergétique actuel.
Définition et travaux
Le coût d'abattement d'une solution de décarbonation se définit comme le coût rapporté aux émissions évitées. Le recours au coût d'abattement socioéconomique permet de hiérarchiser les actions de décarbonation et d'identifier celles susceptibles de maximiser les réductions effectives d'émissions de gaz à effet de serre, à niveau d'effort donné pour la collectivité. C'est une donnée essentielle pour l'élaboration d'une stratégie climat efficace.
Après une première partie méthodologique qui explicite le concept et les méthodes de calcul des coûts d'abattement socioéconomiques, France Stratégie publie depuis plusieurs mois des travaux sectoriels : transports, électricité, hydrogène, et aujourd'hui logement.
Le logement : un secteur clé dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre
Le secteur résidentiel-tertiaire représente 45 % de la consommation totale d'énergie finale en France et 17 % des émissions territoriales de gaz à effet de serre dont près des deux tiers dans le résidentiel. La Stratégie nationale bas carbone (SNBC) 2020 fixe pour 2030 un objectif de réduction des émissions du résidentiel-tertiaire de près de 50 % par rapport à 2015 et la décarbonation quasi complète à l'horizon 2050. Le renforcement des objectifs communautaires avec le paquet « Fit for 55 » (réduction de 55 % des émissions européennes de GES par rapport à 1990) devrait se traduire par un renforcement des objectifs dans ce secteur, avec notamment la mise en place d'un système d'échange de quotas d'émissions européen dédié (SEQE-UE).
Principaux enseignements du rapport
L'atteinte des objectifs nécessitera de pousser loin à la fois les gains d'efficacité et la décarbonation du mix énergétique, qui elle-même devra s'appuyer sur des sources diverses - électricité ; réseaux de chaleur ; bois ; biogaz - du fait de la limite de potentiel de chacune de ces sources. Cela implique des rénovations ambitieuses[2] dont le coût par tonne de CO2 évitée dépend fortement des caractéristiques du logement. Cette forte hétérogénéité, ainsi que les freins organisationnels à l'investissement dans la rénovation, comme par exemple dans les situations de copropriétés, de propriétaires bailleurs ou de difficultés d'accès au crédit, sont à prendre en compte dans la conception des instruments des politiques publiques.
La rénovation des logements occupés par des ménages en situation de précarité énergétique[3] doit être la première des priorités. Cela représente un peu plus de 5 % des logements et un potentiel d'abattement d'environ 5 % des émissions actuelles du secteur résidentiel. La rénovation de ces logements serait socio-économiquement rentable indépendamment même de l'enjeu climatique, c'est-à-dire sans prise en compte d'une valeur du carbone, du fait des bénéfices sanitaires associés.
La priorité d'action doit ensuite se porter sur l'ensemble des logements chauffés au fioul et des logements d'étiquettes F et G chauffés au gaz.
Dès 2025 il serait socioéconomiquement rentable de rénover 5,8 millions de logements vers B, dont l'essentiel des logements chauffés au fioul et un peu plus de la moitié des logements F et G chauffés au gaz. A l'horizon 2030, cela concernerait plus de 12 millions de résidences principales (soit plus du tiers) de toutes les étiquettes.
L'incertitude sur cette rentabilité et sur les coûts d'abattement dans le secteur résidentiel en général reste toutefois grande. Les principales sources d'incertitude portent, d'une part, sur les prix futurs des énergies et la capacité des producteurs d'énergie faiblement carbonée (dont l'électricité) à répondre à la demande et, d'autre part sur les coûts et la performance effective des travaux de rénovation. Ces incertitudes rendent difficile l'optimisation du dosage entre performance énergétique (isolation par ex.) et décarbonation de l'énergie (passage d'une chaudière fioul à une chaudière bois par ex.). A terme, l'objectif visé de performance énergétique moyenne du parc de logements au niveau BBC pourrait être réinterrogé dans une certaine mesure. D'après les simulations réalisées, des rénovations vers C avec électrification du vecteur pourraient en effet réduire significativement les coûts d'abattement en comparaison à des rénovations au niveau BBC rénovation (vers B), pour l'atteinte d'un même objectif national.
L'électrification du parc, avec notamment des systèmes performants type pompes à chaleur air-eau ou géothermiques, représente un potentiel d'abattement important mais ne peut-être en aucun cas considérée comme l'unique solution, en particulier dans le contexte énergétique actuel.
[1] Le secteur tertiaire n'est pas traité dans ce rapport.
[2] Les rénovations étudiées dans le rapport sont des rénovations permettant d'atteindre en une seule étape un niveau de performance correspondant à la classe énergétique A, B ou C, selon les cas, avec ou sans changement de source énergétique pour le chauffage. Ces rénovations regroupent en grande partie les rénovations performantes et globales telles que définies par la loi « climat et résilience ».
[3] Définis ici par les ménages appartenant au 3 premiers déciles de revenu et occupant un logement d'étiquette énergétique F ou G (passoire énergétique).