La présidence du groupe de travail a été confiée à Joëlle Toledano, professeur d’économie à CentraleSupélec. Le groupe de travail cherche à représenter une diversité d’acteurs de l’écosystème de la blockchain : des entrepreneurs, des industriels, des universitaires, des juristes, des représentants de la société civile, des administrations. Cette diversité de points de vue vise à construire une analyse solide et partagée sur les enjeux et formuler les recommandations qui permettront d’en tirer parti.
Essayons de trouver une définition de la blockchain – ou plutôt des blockchains, car il en existe de nombreux exemples : un registre public de transactions organisées par blocs horodatés, géré par un réseau pair-à-pair, où les gestionnaires des nœuds sont incités à assurer la mise à jour continuel du registre parce que leur rémunération est inscrite elle-même dans le registre. Ce dispositif, sans centre, permettant la gestion décentralisée de transactions, est souvent présenté comme une révolution comparable à l’internet.
Cette promesse soulève plusieurs questions, que le groupe de travail devra explorer :
- S’agit-il d’un objet pour les geeks, du fait de sa technicité ? La technologie sous-jacente à un dispositif numérique est toujours très technique (c’est vrai de l’ordinateur, du téléphone portable, ce qui n’empêche pas de les utiliser). Les ingrédients sous-jacents au bitcoin, et aux blockchains de manière générale, sont en fait plutôt standards : (cryptographie à clé publique, réseau pair-à-pair, preuve de travail) : l’originalité de la blockchain tient surtout dans l’assemblage.
- S’agit-il d’un phénomène marginal ? La capitalisation du bitcoin est de l’ordre de 20 milliards de dollars ; le dispositif fonctionne depuis 2009, avec des crises, mais il tient le coup. Et d’autres réalisations se pressent au portillon (dont Ethereum). C’est peu, rapporté à la masse monétaire (M1 à l’échelle mondiale est de l’ordre de 40 000 milliards de dollars), mais c’est déjà pas mal. Quant à la puissance de calcul qui est mobilisée (gaspillée ?), elle est considérable (4 milliards de milliards de hashs calculés par seconde).
- Quelle est la promesse ? Elle est immense : un registre totalement infalsifiable, une nouvelle architecture mondiale comparable à internet, permettant l’exécution automatique de contrats. Elle suscite l’imaginaire d’un monde sans centre, d’une totale indépendance par rapport à tout contrôle, qui n’est pas sans rappeler, les débuts de l’internet.
- Mais après avoir cru que l’internet était un monde sans règle, on constate bien qu’il obéit à des règles, que certaines anciennes règles deviennent obsolètes, que d’autres demeurent parfaitement applicables, que de nouvelles règles doivent parfois être inventées.
- Quelles sont les faiblesses ? Une débauche de consommation énergétique (on évoque une puissance énergétique de l’ordre de 1 GW pour le bitcoin, soit 9 méga tonnes de CO2 par an si tout est produit à partir du charbon ou encore 2 % des émissions françaises), des délais de validation des transactions de l’ordre de l’heure : ces caractéristiques sont-elles inhérentes au concept ou pourront-elles être radicalement améliorées à l’avenir, selon les usages ?
- Quel est le degré de maturité ? Il y a beaucoup de « démonstrateurs », de proofs of concept (POC) mais les réalisations pleinement opérationnelles sont rares, en dehors du bitcoin. Est-ce que les outils sont suffisamment mûrs pour être utilisés, est-ce que le code informatique est suffisamment stable ? C’est un sujet de controverse.
France Stratégie a pour mission d’éclairer l’avenir, d’appréhender les enjeux de façon transversale – et la blockchain est typiquement un sujet transversal : social, technologique, économique, qui remet en jeu le rôle de l’État, de la puissance publique et qui soulèvent des questions de compétitivité et d’innovation.