Point de vue Quelle France dans 10 ans ? Contribution de Patrick Artus Patrick Artus s’attache à souligner le caractère optimiste du constat fait sur les avantages comparatifs de la France du document d'introduction "Quelle France dans 10 ans ?". Publié le : 26/09/2013 Temps de lecture 4 minutes Ma réaction porte sur l’attractivité, les avantages comparatifs de la France. La France est présentée comme pouvoir profiter de la vague mondiale d’innovation, pouvant de ce fait obtenir entre 1,5% et 2% par an de croissance potentielle, disposant d’une main-d’œuvre bien formée attractive pour les investisseurs étrangers, capacité à croître grâce aux services. Cette vue me paraît extraordinairement optimiste. 1. On s’aperçoit d’abord que le progrès technique a pratiquement disparu en France, qu’il s’agisse d’innovations réalisées en France ou importées et incorporées dans la gamme de produits, dans les processus de production. La productivité du travail par tête n’a augmenté que de 0,7% par an en moyenne depuis 1996 (graphique 1). La productivité globale des facteurs, c’est-à-dire la productivité de l’ensemble du capital et du travail, est en 2013 au niveau de 1998 (graphique 2). Compte tenu des évolutions démographiques (recul de 0,2% par an en moyenne de la population de 20 à 60 ans sur les 10 prochaines années), ceci conduirait à une croissance potentielle de 0,5% par an. Mais on peut espérer une hausse du taux d’emploi, c’est-à-dire de la proportion de la population en âge de travailler qui a un emploi, pour des raisons à la fois cycliques (sortie de récession) et structurelles (hausse du taux d’emploi des salariés de 55 à 64 ans, avec les réformes des retraites). Le tableau 1 montre le taux d’emploi dans quelques pays de l’OCDE. Si on peut espérer une hausse en 10 ans de 6 points du taux d’emploi, ce qui l’amènerait au-dessus de 70% et est un objectif très ambitieux, il faut ajouter ½ point à la croissance annuelle, ce qui donne une croissance potentielle maximale de l’ordre de 1%. 2. L’attractivité de la France est probablement en réalité assez faible. Certes les infrastructures de transport sont de bonne qualité, mais on observe en sens inverse la dégradation de la qualité du système éducatif, avec par exemple la baisse continuelle des scores PISA de l’OCDE (Tableau 2). Les comparaisons internationales semblent montrer qu’un score PISA faible conduit à un taux d’emploi faible (graphique 3) et à un chômage des jeunes élevés (graphique 4). L’attractivité de la France est aussi menacée par la faible profitabilité de l’industrie et la faible rentabilité du capital dans l’industrie. Le prix relatif des produits industriels par rapport aux autres biens et services a beaucoup baissé (graphique 5), ce qui détourne le capital de l’industrie, et est sans doute lié à l’insuffisance de la concurrence dans les services ; les marges bénéficiaires de l’industrie se sont beaucoup resserrées depuis le milieu des années 2000 (graphique 6), avec une baisse des prix de l’industrie liée au faible niveau de gamme de l’industrie française (et révélée par le niveau très élevé de l’élasticité-prix des exportations en volume : 1,1 contre 0,3 en Allemagne et aux Etats-Unis, 0,1 au Japon et au Royaume-Uni). On voit au total que les sorties d’investissements directs vers l’étranger l’emportent presque tout le temps sur les entrées depuis l’étranger, et que les flux entrants d’investissements directs sont décroissants depuis le milieu des années 2000 (graphique 7). 3. Il paraît enfin très douteux que les services exportables puissent remplacer l’industrie. Le seul pays de l’OCDE où l’excédent commercial des services compense le déficit des biens est le Royaume-Uni. En France (comme aux Etats-Unis, au Japon, en Allemagne, en Italie…), l’excédent des services, même en incluant le tourisme, reste faible (graphique 8). On ne peut donc pas éviter de rééquilibrer le commerce extérieur des biens donc, compte-tenu de l’énergie, de générer un important excédent pour l’industrie. La situation structurelle de la France paraît donc difficile : avec la « disparition du progrès technique », la croissance potentielle est très probablement inférieure à 1% par an, d’où les difficultés pour financer les dépenses liées au vieillissement, pour réduire les taux d’endettement ; les services exportables ne peuvent pas être substitués à l’industrie, et l’attractivité de l’industrie en France est faible avec sa faible profitabilité ; la dégradation de la qualité du système éducatif est un obstacle à la hausse du taux d’emploi, donc à la capacité à obtenir une croissance potentielle convenable. Partager la page Partager sur Facebook - nouvelle fenêtre Partager sur Twitter - nouvelle fenêtre Partager sur Linked In - nouvelle fenêtre Partager par email - nouvelle fenêtre Copier le lien dans le presse-papier Téléchargement Quelle France dans 10 ans ? 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