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Journées de l'économie | Mobilités sociales : quels obstacles ? quels leviers ?

L’édition 2014 des Journées de l’économie avait lieu à Lyon les 13, 14 et 15 novembre 2014. Dans le cadre de ces rencontres, Jean Pisani-Ferry, Commissaire général à la stratégie et à la prospective, présentait la table ronde « Mobilités sociales : quels obstacles ? quels leviers ? », organisée par France Stratégie

Publié le : 13/11/2014

Mis à jour le : 24/01/2025

Mobilités sociales : quels obstacles ? quels leviers ? (JECO)

Est-ce que le diplôme est une garantie de réussite sociale ? Est-ce que la situation des parents détermine le destin des enfants ? Pour répondre à ces questions, France Stratégie a réuni chercheurs et praticiens de l'enseignement lors d'une table ronde pour confronter leurs regards.

L'image selon laquelle la mobilité sociale décline et le déterminisme social augmente est nuancée par les débats. On constate une mobilité ascendante et un progrès de la fluidité sociale, bien que lent et insuffisant. Par exemple, les micro-lycées accueillent des jeunes en échec scolaire complet et leur permettent d'obtenir le bac avec un taux de réussite très élevé, montrant qu'il n'y a pas de fatalité.

En France, deux grandes causes d'inégalités persistent. D'une part, les enfants d'ouvriers obtiennent en moyenne de moins bonnes notes que ceux de cadres, pour les mêmes épreuves. D'autre part, l'orientation scolaire reste influencée par le milieu social. Les discussions mettent en avant l'importance d'agir sur ces inégalités en investissant davantage dans l'enseignement élémentaire et pré-élémentaire, qui est sous-financé par rapport à d'autres pays. Les initiatives visant à réduire l'auto-sélection et à intervenir précocement sur les parcours scolaires sont également cruciales.

Le débat s'est aussi porté sur les élites françaises, jugées de qualité mais trop restreintes en nombre par rapport à d'autres pays. Il est nécessaire d'élargir l'accès à l'excellence et aux responsabilités, tout en réduisant la dépendance au diplôme initial, dont le poids reste trop élevé en France.

Les interventions précoces, l'élargissement des opportunités et la diversification des parcours sont identifiés comme des leviers essentiels pour réduire les inégalités et répondre aux enjeux éducatifs et sociaux

Alors que la mobilité sociale est au cœur du projet méritocratique, les Français n’ont plus confiance dans la capacité de promotion de leur modèle social. Le thème de la « panne de l’ascenseur social » revient ainsi régulièrement dans le débat public depuis une quinzaine d’années. L’étude de la mobilité sociale entre 1977 et 2003[1] montre qu’en réalité la société française est devenue plus fluide. Cependant, la part des trajectoires ascendantes n’a que faiblement augmenté, contrairement aux trajectoires descendantes, avec un déclassement plus fréquemment constaté depuis 1985. En particulier, l’augmentation du chômage des jeunes, y compris pour les jeunes diplômés, alimente une remise en cause du système éducatif, de sa capacité à remplir son rôle d’ « ascenseur social » et de sa fonction de correcteur des inégalités.

Le système scolaire est évalué aujourd’hui comme plus inégalitaire que dans les années 2000 et les enquêtes PISA 2012 montrent que l’incidence du milieu économique sur les résultats scolaires est plus importante en France que dans de nombreux pays de l’OCDE, y compris en Allemagne, en Suède et au Royaume-Uni pour prendre trois modèles européens assez différents. Dès l’école primaire, les performances scolaires sont fortement corrélées au milieu social et ces inégalités se renforcent tout au long de la scolarité, accentuées par les choix d’orientation dès le collège. Enfin, la ségrégation sociale se traduit par une forte ségrégation scolaire, accrue par la sélectivité sociale des choix scolaires des familles de classes supérieures.

Si les enfants de catégories populaires sont les premiers à avoir bénéficié de la démocratisation scolaire, celle-ci n’a pour autant pas suffi à permettre l’égalité des chances. On parle ainsi de « démocratisation ségrégative ». Pour que la promesse d’égalité républicaine soit effective, il faudrait réformer le système scolaire. La faible mobilité sociale pose aussi un problème de compétitivité en France. Depuis 1995, la progression de l’accès au bac, pour atteindre l’objectif de 80% d’une classe d’âge, s’est faite essentiellement par la progression des bacheliers professionnels alors que la proportion de bacheliers généraux a légèrement régressé. Ce sont pourtant les bacheliers professionnels et techniques qui rencontrent la plus forte croissance du taux de chômage, signe d’une mauvaise adéquation entre formation et marché du travail. A l’inverse, certains secteurs en expansion qui ont besoin de main d’œuvre qualifiée, comme le numérique, risquent d’avoir des difficultés pour trouver suffisamment de diplômés dans les prochaines années.

Devant ce constat, quels leviers activer ? Quelle responsabilité attribuer au contexte économique, de faible croissance et faible création d’emplois stables ? Quels effets du système éducatif ? Faut-il réformer le modèle de gestion, les pratiques d’enseignements ou les politiques pour la mixité sociale ? Sur ces sujets, la littérature économique et sociologique est profuse, mais se heurte à la difficulté de distinguer les effets purs du système éducatif sur les performances des élèves. Pour séparer l’effet de l’environnement social et familial, de la qualité de l’école, des pratiques pédagogiques et des compétences individuelles, les économistes utilisent des expérimentations, naturelles ou contrôlées, qui sont encore trop peu nombreuses en France. Enfin, dans un contexte de baisse des dépenses publiques, comment prioriser les chantiers de réforme ?

Participants

  • Simone Bonnafous, Directrice générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle, Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
  • Francis Kramarz, Directeur du Centre de Recherche en Economie et Statistique (CREST)
  • Jean Pisani-Ferry, Commissaire général de France Stratégie
  • Christine Thiebot, Proviseure du Lycée Jacques Brel (La Courneuve)
  • Louis-André Vallet, Directeur de recherche au CNRS

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