En moins de dix ans, le numérique a révolutionné notre accès à l’information, transformé notre vie quotidienne et bousculé les positions acquises dans plusieurs secteurs économiques comme le transport et le tourisme.
Qu’en sera-t-il dans la décennie 2017-2027 ?
En 2014, plus de 40 % de la population mondiale avait accès à internet. Demain, des initiatives originales (drones, ballons, satellites) pourraient permettre de connecter l’ensemble de la population mondiale. La révolution numérique est encore loin d’avoir montré toutes ses facettes : des transformations en profondeur de nos organisations économiques et sociales sont à venir.
Les tendances actuelles laissent entrevoir des structures de production plus fluides et éclatées :
- la capacité à traiter une masse croissance d’information va permettre une personnalisation accrue des offres et services, même dans l’industrie ;
- le travail collaboratif, en dehors du cadre classique de production, est amené à se développer ;
- la technologie numérique jouera un rôle important dans la transition écologique, notamment en accompagnant l’économie collaborative ou l’économie circulaire.
Ces nouvelles organisations, plus agiles, innovantes, entrent en concurrence avec les industries traditionnelles et les déstabilisent. Les fractures importantes qu’ont provoquées Uber ou Airbnb dans leur secteur pourraient se reproduire dans d’autres où des rigidités actuelles, notamment réglementaires, freinent les innovations, comme les secteurs de la santé, de l’éducation, de la banque ou de l’assurance.
Le numérique conduit aussi au développement de nouveaux intermédiaires qui captent une partie significative de la valeur créée et vont exposer progressivement à la concurrence des secteurs jusqu’alors jugés protégés, comme la médecine ou le droit. Ainsi, les services et les prestations intellectuelles ne sont pas épargnés par cette dynamique, comme en témoigne le développement des plateformes de cours en ligne ouverts et massifs (MOOC).
Enfin, avec la prolifération des capteurs (objets connectés), les données et internet pénétreront de façon croissante l’espace public. L’enjeu va désormais résider dans l’exploitation des données générées par les nouveaux usages. Demain, les utilisateurs pourraient disposer d’une meilleure maîtrise de leurs données. Celles-ci pourraient permettre la mise en place de nouveaux services personnalisés : gestion des droits sociaux (Compte personnel d’activité), gestion de son dossier médical (comme le programme Blue Button aux États-Unis), nouvelles formes d’apprentissage (enseignements personnalisés)…
Les institutions publiques pourraient également mobiliser ces outils en faveur d’une démocratie plus participative, leur permettant de bénéficier, comme les entreprises privées, des contributions et initiatives de la multitude.
La France et l’Europe n’ont pas suffisamment pris le virage numérique
Si 83 % des Français utilisent internet, les entreprises, elles, investissent peu dans les compétences numériques de leurs employés. La mise en place d’outils numérique serait même perçue davantage comme une contrainte que comme un facteur d’amélioration des conditions de travail. La France doit mettre l’accent sur l’acquisition des compétences (formation initiale et continue) pour favoriser le développement de notre écosystème numérique, mais aussi pour réussir la transformation de notre société par l’adoption de nouveaux usages. Elle pourra alors devenir un pays producteur de numérique.
Certes, en France, la création du label French Tech a permis de consolider l’écosystème et de le rendre visible. Pour autant, on ne peut compter uniquement sur le dynamisme des start-up pour le développement du numérique. Petites et grandes entreprises accusent un retard certain qui pèse sur la compétitivité hors-prix de l’économie française. Ce retard pourrait être imputable à une diffusion insuffisante des compétences numériques dans l’entreprise mais aussi à la multiplicité et la rigidité des cadres réglementaires.
Enfin, malgré la volonté affichée de mener une politique ambitieuse d’ouverture des données publique (notamment avec la création d’Etalab), le changement de culture au sein des administrations est long. On peut le constater dans les difficultés rencontrées lors de la réalisation de grands projets numériques tels que le dossier médical partagé, le compte personnel de formation ou le logiciel de paie de l’armée (Louvois).
Alors même que le numérique remodèle les attentes des citoyens et des usagers, les administrations françaises peinent à redéfinir leurs organisations et leurs règles de fonctionnement. Les impératifs d’instantanéité, de personnalisation et de mise en capacité des individus sont encore trop souvent ignorés dans les relations avec le public.
Pour que ce retard ne se transforme pas en handicap, des choix politiques sont nécessaires. Ils doivent permettre de dessiner un cap dans un océan numérique qui laisse ouvertes de nombreuses possibilités. Données et algorithmes : quelle gestion des ressources ? Les institutions : quel cadre donner à la société numérique ? Compétences : quel accompagnement pour une citoyenneté numérique active ? Les services publics : quelle appropriation des opportunités du numérique ?