Synthèse des échanges :
Cette 3ème session est consacrée à la question des coûts de déploiements du très haut débit. Comme le rappelle Fatima Barros, depuis 2016 l’accès à Internet est un droit universel reconnu par les Nations Unis, et si l’Europe a fait d’importants progrès, la crise COViD a souligné les importantes inégalités en Europe en matière d’accès à Internet en particulier dans les zones rurales. C’est 40 Md€ d’investissements annuels qui seront nécessaires en Europe pour atteindre les objectifs de la Gigabit Society et la couverture de toute la population européenne par du Très haut débit. La régulation des coûts d’accès aux infrastructures de génie civil existante et un environnement concurrentiel compétitif devraient permettre d’accélérer les investissements et les déploiements. De ce point de vue, le Portugal est un bon exemple d’une combinaison optimale entre ces deux leviers. Toutefois, réunir les meilleures conditions ne suffit pas à garantir la couverture des zones rurales. Quel que soit le contexte, les coûts de déploiement dans ces zones sont plus élevés. C’est pourquoi la maîtrise de ces coûts est essentielle pour maintenir un niveau d’investissement privé suffisant mais aussi pour maximiser les bénéfices socio-économiques des investisseurs publics. Une large partie des débats sera consacrée au rôle déterminant que peuvent avoir les co-investissements dans le déploiement des réseaux FttH.
Après un rappel des impacts positifs des technologies de l’information et de la communication, sur la croissance, le niveau de l’emploi, la productivité, J. Hatönen présente les résultats de son travail sur l’évaluation des coûts de déploiement de réseaux de très haut débit : il s’agissait d’observer si les gains socio-économiques augmentent proportionnellement aux coûts d’investissements que nécessitent leur déploiement ? Dans son article, J. Hätönen montre que les coûts de déploiement pour atteindre les objectifs du Digital Eeuropean Agenda (DEA) sont d’environ 200 Mds€ et que les économies permises par un meilleur débit des réseaux pourraient aller jusqu’à 0,5 à 1,5% par an sur le budget européen. Ces gains seraient donc supérieurs aux coûts engagés. Certes, ces estimations restent globales, mais elles justifient à elles seules l’investissement public consenti dans les réseaux THD en Europe, y compris l’investissement public dans les zones rurales. La crise COVID l’a montré, les réseaux ne sont plus un luxe mais une nécessité.
Au regard de l’expérience de Vodafone implanté dans de nombreux pays européens, Stephen Pentland considère que l’accélération des déploiements de la fibre nécessite une forte intensité concurrentielle des marchés. Or en Europe, le cadre de régulation pour le déploiement des marchés fixes peut varier fortement selon les Etats-membres : il est donc intéressant d’observer quelle est la configuration la plus favorable pour l’arrivée de la fibre. La réduction des coûts est partout un critère important pour les investisseurs privés. Au-delà, Vodafone a aussi cherché à comparer plus attentivement les différents cadres réglementaires en Europe. Il a ainsi publié en 2019 un Digital Deployment Index qui compare plus de 120 dispositif de régulation. Au-delà des bonnes pratiques qui ont été identifiées, il en ressort que le co-investissement en opérateurs, doit être encouragé et favorisé, comme cela a été fait par exemple en Espagne, au Portugal et maintenant en Irlande. Et si l’intervention publique s’avère nécessaire, notamment dans les zones où l’on constate une défaillance du marché, il est néanmoins nécessaire que la transparence et la concurrence soit garantie par le régulateur. Si les mécanismes du marché ont bien fonctionné en Espagne et au Portugal, le modèle qui est en train d’émerger en Italie présente des risques importants : en limitant la concurrence entre opérateurs, il risque en effet de ralentir le rythme des investissements et, par voie de conséquence, des déploiements eux-mêmes.
Annegret Groebel rappelle que l’Allemagne, est moins avancée que l’Espagne, le Portugal ou la France en matière de déploiement de la fibre. Les coûts de déploiement du FttH sur l’ensemble du territoire allemand ont été estimés par le cabinet spécialisé WIK (Wissenchaftliches Institut für Infrastrukturune Kommunikationsdienste) à 65 Mds€. Cette première estimation du coût global du déploiement a ensuite été ajustée à 61 Mds€ en 2020, pour tenir compte des effets d’apprentissage et de réduction des coûts. Pour le WIK et le régulateur allemand, les principaux critères de coûts sont la densité et la distribution de la population sur le territoire, puis en second lieu les coûts d’accès aux infrastructures de l’opérateur historique, et enfin les coûts de génie civil. Mais pour Annegret Groebel, les freins importants à l’arrivée de la fibre en Allemagne tient d’une part au trop faible niveau de demande des consommateurs pour la fibre qui résulte de la présence de réseaux câblés et du vectoring qui offrent, pour l’instant, un niveau de service suffisant. A cela s’ajoutent d’autre part des coûts de déploiement relativement élevés pour les opérateurs. Dans ce contexte peu favorable, les prochaines décisions du régulateur allemand sont très attendues.
Pour Alejandra de Iturriaga Gandini, le déploiement de la fibre en Espagne est maintenant largement réalisé (90% du territoire couvert). A partir de 2009 le cadre de régulation a permis d’accélérer le déploiement du Haut débit et d’intensifier la concurrence entre plusieurs opérateurs. Mais c’est à partir de 2016 que le régulateur espagnol a modifié le cadre de régulation de façon décisive en distinguant plusieurs zones. Dans les zones concurrentielles (représentant 66% de la population espagnole et 66 communes), il n’existe pas de contraintes en matière de choix technologique. Le reste de l’Espagne est considéré par contre comme une zone non concurrentielle, où l’opérateur historique doit ouvrir son réseau fibre aux opérateurs commerciaux tiers. De manière plus générale, il faut aussi relever l’importance des accords de co-investissement entre Téléfonica et Orange ou Vodafone : ils ont permis que l’Espagne dispose aujourd’hui du plus important réseau FttH d’Europe (90% du territoire), pour le plus grand bénéfice des 10 millions d’abonnés à la fibre.
Summary:
This 3rd session is devoted to the question of the costs of deploying very ultra fast broadband (UFB). As Fatima Barros reminds us, since 2016 Internet access is a universal right recognised by the United Nations. Although Europe has made significant progress, the COVID crisis has highlighted the major inequalities in Europe in terms of Internet access, particularly in rural areas. 40 billion € of annual investment will be needed in Europe to achieve the targets of the Gigabit Society and the coverage of the entire European population by UFB. The regulation of access costs to existing civil engineering infrastructures and a competitive environment should help to accelerate investments and rollout. From this point of view, Portugal is a good example of an optimum combination of these two criteria. However, meeting these conditions is not enough to guarantee coverage of rural areas. Whatever the context, deployment costs in these areas are higher. This is why controlling deployment costs is essential to maintain a sufficient level of private investment but also because it maximizes the socio-economic benefits for public investors. A large part of the discussions will be devoted to the decisive role of co-investments.
After recalling the positive impacts of ICT on growth, employment levels and productivity, J. Hätönen worked on the assessment of the costs of deploying UFB networks. Can we assume that the socio-economic benefits increase in proportion to the investment costs linked to their deployment? In his article, J. Hätönen estimated that the roll out costs, to achieve the targets of the Digital European Agenda (DEA) are around €200bn and that the savings made possible by better network speeds could be as much as 0.5 to 1.5% per year on the European budget. The gains would therefore be greater than the costs incurred. These estimates, if they remain global, alone justify the public investment made in UFB networks in Europe, including public investment in rural areas. As the COVID crisis has shown, networks are no longer a luxury but a necessity.
In view of Vodafone's experience in many European countries, Stephen Pentland believes that the acceleration of fiber roll-out requires highly competitive markets. However, in Europe, the regulatory framework for the deployment of fixed markets can vary greatly from one member state to another and it is interesting to observe what is most favourable for the arrival of fibre. Vodafone has observed the different regulatory frameworks in Europe more closely and has published a Digital Deployment Index in 2019 which compares more than 120 regulatory systems. Beyond the good practices that have been identified, it emerges that co-investment in operators must be encouraged and promoted, as has been done for example in Spain, Portugal and now in Ireland. And if public intervention proves necessary, particularly in areas where there is a market failure, it is nevertheless necessary that transparency and competition be guaranteed by the regulator. While market mechanisms have worked well in Spain and Portugal, the model that is emerging in Italy presents significant risks because by limiting competition between operators the pace of investments and deployments themselves could be slowed down.
Germany is less advanced than Spain, Portugal or France in terms of fiber deployment. The cost of deploying FttH throughout Germany has been estimated by the Wissenchaftliches Institut für Infrastrukturune Kommunikationsdienste (WIK) at €65 billion. In 2020, the same Institute adjusted this initial estimate, taking into account the learning and cost-cutting effects, and estimates the overall cost of deployment at €61bn. For the WIK and the German regulator, the main cost criteria are the density and distribution of the population on the territory, then secondly the costs of access to the infrastructures of the incumbent operator and finally the civil engineering costs. But for Annegret Groebel, the too low level of consumer demand for fiber, combined with relatively high deployment costs for operators, are major obstacles to the arrival of fiber in Germany. In this unfavourable context, the next decisions of the German regulator are awaited.
Fibre deployment in Spain is now largely complete (90% of the territory covered). From 2009, the regulatory framework has contributed to accelerate the roll-out of broadband and intensify competition between several operators. However, it was from 2016 that the Spanish regulator made a decisive change to the regulatory framework, by distinguishing between competitive areas (66% of the Spanish population and 66 municipalities for 66% of the population) in which there are no constraints on technological choice and the rest of Spain, and a non-competitive area, where the incumbent operator must open its fibre network to third party commercial operators. For Alejandra de Iturriaga Gandini also underlines the importance of the co-investment agreements between Telefonica and Orange or Vodafone, which have enabled Spain to have the largest FttH network in Europe today (90% of the territory), for the benefit of the 10 million fibre subscribers.
Ce premier séminaire est organisé dans le cadre de ce dispositif d'évaluation en complément de projets de recherche visant à étudier les impacts socio-économiques du Très Haut Débit, y compris de ses nouveaux usages, la gouvernance du plan, et les effets de l'action et des fonds publics. Une étude spécifique est également en cours pour analyser les coûts de construction d'un réseau de fibre optique en comparant plusieurs réseaux d'initiative publique, notamment les réseaux locaux FttH (fibre optique jusqu'au domicile) français financés par l'État.
Autour de quatre ateliers consécutifs, le séminaire est destiné à confronter les notions liés au déploiement du Très Haut Débit et les points de vue des différents acteurs publics comme privés : institutions européennes, organismes nationaux de régulation, collectivités territoriales, industriels, fournisseurs d'accès à Internet, constructeurs de génie civil...
Ce sera également l'occasion de discuter des questions réglementaires liées non seulement au déploiement de la fibre optique (y compris dans les zones moins denses) mais aussi au nouveau CECE (code européen des télécoms). Nous nous intéresserons à ce qu'il implique et à sa transposition.
À l'avenir, d'autres ateliers auront lieu dans le cadre de la mission d'évaluation du Plan France Très Haut Débit (THD) de France Stratégie. Ils traiteront des nouveaux usages de l'Internet du grand public et des entreprises, de la couverture des territoires ultramarins...
consultez le programme détaillé de chaque session
International workshop
Ultra-Fast Broadband in Europe: State of play and trends Schedule
The French National Broadband Plan – the Plan France Très Haut Débit – has been initiated in 2013. In 2019, both the European Commission and the French government charged France Stratégie with the evaluation of this policy aiming at covering the whole territory with Ultra-Fast broadband by 2022 through subsidies. This first seminary is organised as part of this evaluation scheme along with research projects to investigate on socio-economic impacts including new uses, on the governance of the plan and on the effects of public action and funds. A dedicated study analysing the building costs of fibre network by comparing several Public Initiative Networks (French public-funded local FttH networks) is handled too.
Four consecutive workshops will deal with different points of view and notions of deployment of Ultra-Fast Broadband of public stakeholders; European institutions, National regulatory bodies, regional communities…but also of private stakeholders; Industrialists, internet providers, builders of civil construction…
It will also be the occasion to discuss the regulatory issues related not only to the deployment of optical fibre (including in less dense areas) but also the new EECC, what it involves and its transposal.
Other workshops will occur, as part of the mission of France Stratégie to assess the Plan France Très Haut Débit (THD), they will deal with the new uses of the Internet of the general population and the businesses, the coverage of ultramarines territories…
read the detailed program for each session