Plusieurs travaux ont déjà été consacrés à l’analyse de l’impact du CICE, soit sur la base d’estimations a priori, soit sur la base de l’analyse des évolutions sectorielles de l’emploi et des salaires. Mais faute de disponibilité des données individuelles d’entreprise, aucune étude ne s’était fondée sur l’observation directe et individualisée des comportements des bénéficiaires.
Ce rapport, comme les précédents, résulte d’une initiative originale du législateur. Le crédit d’impôt pour la compétitivité et la croissance (CICE) est entré en vigueur le 1er janvier 2013. Son montant élevé – de l’ordre de 20 milliards d’euros – justifie que ses effets sur les comportements des entreprises et sur l’économie en général fassent l’objet d’un examen scrupuleux. C’est pourquoi la loi de finances rectificative pour 2012 qui l’a institué a, d’emblée, prévu qu’un comité de suivi établisse chaque année un rapport d’évaluation et le publie avant le dépôt du projet de loi de finances au Parlement.
Dès son installation en 2013, le comité a exprimé son intention de recourir, lorsque des données individuelles seraient disponibles, à des méthodes d’évaluation ex post permettant de mesurer de manière rigoureuse l’impact du CICE. Mais cette évaluation prend nécessairement du temps, pour deux raisons. D’une part, les effets du CICE transitent par des canaux variés, qui agissent sur l’économie à plus ou moins long terme. D’autre part, parce que la collecte et le rassemblement de données individuelles d’entreprises de plusieurs sources sont générateurs de délais très peu compressibles. Les données concernées sont non seulement les montants des créances CICE déclarées, mais aussi tout un ensemble de variables économiques (effectifs, salaires, investissement, prix, effort de recherche-développement, commerce extérieur).
C’est la raison pour laquelle les trois premiers rapports du comité d’évaluation, remis en septembre 2013, 2014 et 2015, se sont surtout attachés à décrire les conditions de mise en oeuvre du dispositif (comportements de déclaration des entreprises, évolution du préfinancement par les banques et en particulier Bpifrance) et à donner, sur la base d’enquêtes, des éléments d’appréciation quant à la façon dont il avait pu toucher les entreprises et affecter leurs comportements (éléments statistiques sur le profil des entreprises selon qu’elles en sont plus ou moins bénéficiaires, opinion sur l’utilisation qu’elles entendent faire du CICE).
Le présent rapport est d’une nature différente puisqu’il se fonde, non sur un recueil des intentions, mais sur l’observation directe des comportements individuels.
En vue de cette évaluation, le comité a demandé aux services producteurs de données (Insee, Acoss, DGFIP, service statistique du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche) une mise à disposition accélérée des données individuelles provisoires pour 2014, en sorte que l’évaluation puisse porter à la fois sur les deux premières années d’application du CICE. Il tient à les remercier pour leur diligence.
Pour formuler une appréciation d’ensemble aussi complète et fiable que possible, le comité a sélectionné par appel d’offres trois équipes de recherche universitaires indépendantes qui ont travaillé parallèlement et sur la base de méthodologies distinctes. Ces travaux ont été complétés par ceux de la Dares et par des éléments d’appréciation fournis par la Banque de France.
Les résultats préliminaires de ces travaux présentaient des écarts significatifs. Ils ont été confrontés les uns aux autres au cours de l’été. Des investigations complémentaires ont été conduites en vue de déterminer les raisons de ces écarts. Chacun de ces travaux a également fait l’objet, comme il est d’usage en matière de recherche, d’un examen par plusieurs référents externes appartenant à l’université ou à l’administration. Le comité tient à remercier les équipes de recherche, non seulement pour l’intensité et la qualité de leur travail, mais aussi pour la disponibilité avec laquelle elles se sont prêtées à cet exercice de comparaison.
Dans un souci de complète transparence, ce rapport et l’ensemble des travaux de recherche sur lesquels il se fonde sont publiés simultanément, ainsi que les rapports d’experts dont ces travaux ont fait l’objet.
Ces différents éléments forment la base de l’avis du comité. En dépit de la quantité et de la qualité des travaux effectués, et de l’examen scrupuleux auquel ils ont donné lieu, ces analyses laissent un certain nombre de questions sans réponse. Le comité est donc convenu de travaux complémentaires qui seront conduits d’ici la fin de l’année pour publication début janvier 2017.
De manière plus générale, la publication de ce rapport ne marque pas la fin de la mission du comité. Il s’agit bien plutôt du franchissement d’une étape, certes importante, mais qui en appelle d’autres. Le recul de deux années reste très insuffisant au regard de certains délais d’action du CICE, et il faudra encore plusieurs années avant de pouvoir en tirer un bilan exhaustif. Le comité de suivi et d’évaluation veillera à poursuivre sa tâche de façon transparente, rigoureuse et méthodique.