“The sea is swallowing villages, eating away at shorelines, withering crops. Relocation of people... Cries over lost loved ones, dying of hunger and thirst. It's catastrophic. It’s sad…but it's real. My home, my school, my source of food, water, money was totally destroyed. My life was in chaos.” [1]
Début novembre 2017, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) soulignait le danger : les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre pris jusqu’à présent par les différents États conduisent à une augmentation de température d’au moins 3 °C à 2100. Et le directeur du PNUE n’a pas hésité à qualifier de « catastrophique » l’écart qui existe aujourd’hui entre les efforts nécessaires pour limiter l’augmentation de température nettement en dessous de 2°C et les engagements pris lors de la COP 21 à Paris. Sur ce point, les réponses apportées par la COP 23 apparaissent à la fois décevantes et peu compréhensibles par l’opinion publique. Et pourtant, cette nouvelle Conférence des parties a rempli son rôle…
La COP 23 a préparé les règles d’application de l’Accord de Paris
L’Accord de Paris ne pourra être mis en œuvre que lorsque la Communauté internationale se sera entendue sur ses modalités d’application : composition et mandat des comités prévus, règles de perception et de redistribution des financements, transparence à observer par les Etats... À Marrakech en 2016, les parties avaient décidé d’adopter ce cadre au plus tard en 2018. À Bonn, lors de la COP 23, sa préparation a donné lieu à un travail important de négociation – malheureusement peu visible des médias – portant sur des centaines de pages. La finalisation demande encore de longues discussions : chaque pays veut retrouver dans le texte final les mesures qui lui tiennent à cœur, en cherchant parfois à les compléter au-delà du consensus international établi à Paris. L’adoption de ces règles constituera l’un des principaux enjeux de l’année 2018.
La COP 23 a précisé les modalités du dialogue destiné à renforcer les engagements nationaux
Le constat du PNUE sur l’insuffisance des efforts annoncés jusqu’à présent par les différents pays n’est pas une surprise. Il s’inscrit dans la logique même de l’Accord de Paris, qui prévoit des rendez-vous tous les cinq ans pour que chaque pays, au vu de l’effort global, décide de renforcer ses objectifs. La COP 23 a permis de préciser le déroulement de ce processus dynamique qui devra mener à la révision des contributions nationales, attendue pour 2020. Cette concertation, désormais appelée « dialogue de Talanoa », commencera dès janvier 2018 : une première phase, technique, se déroulera selon les règles inspirées des traditions du Pacifique d’un dialogue global, transparent et mené dans une volonté de compréhension mutuelle. Elle sera ouverte à tous : États bien sûr, mais aussi experts et société civile. Un séminaire en mai devra notamment répondre à trois questions relatives à la lutte mondiale contre le changement climatique : où en sommes-nous ? où voulons-nous aller ? et comment comptons-nous y aller ? Une seconde phase, politique, se déroulera lors de la COP 24 : elle devra prendre en compte les conclusions du nouveau rapport du GIEC, attendu pour septembre, consacré aux conséquences d’un réchauffement de la planète de 1,5 °C, réchauffement que nous devrions atteindre avant 2050 au rythme actuel.
Sous l’impulsion des pays en développement, la COP 23 a relancé le Protocole de Kyoto
Dans l’esprit de tous, la période couverte par l’Accord de Paris ne commence qu’en 2020. Se trouvent ainsi passées sous silence les actions qui seront menées d’ici là. A Bonn, les pays en développement ont saisi l’occasion de rappeler aux pays développés l’insuffisance de leurs efforts. Dès le premier jour de la conférence, l’Iran, au nom du groupe des LMDC[2], soutenu par l’Inde et la Chine, s’est opposé à l’adoption de l’ordre du jour proposé et a demandé que soient traitées les ambitions pré-2020. L’Inde a souligné l’incohérence qui existait entre les objectifs de l’Accord de Paris et les engagements de réduction de la période actuelle jusque 2020 qui, malgré les décisions prises à Cancun et confirmées à Paris, n’ont pas été rehaussées. Elle a donc proposé de relancer le processus d’adoption de la seconde période du Protocole de Kyoto décidé lors du sommet de Doha en 2012. Dans son intervention, António Guterres, Secrétaire général de l’ONU, est même allé plus loin, en recommandant non seulement de mettre en œuvre cette seconde phase mais même de baisser d’au moins 25 % supplémentaires les émissions mondiales d’ici à 2020 ! En pratique, la mise en œuvre officielle d’une seconde période jusqu’à 2020 du Protocole de Kyoto n’a qu’un intérêt relatif : il reste trop peu de temps pour que son entrée en vigueur officielle ait des conséquences tangibles. Plusieurs pays européens, dont la Pologne, de même que l’Union européenne, ne l’ont d’ailleurs pas encore ratifié. Néanmoins, dans l’esprit des pays en développement, l’augmentation des efforts est nécessaire pour ne pas trop amputer le « budget carbone mondial », c’est-à-dire le montant maximal total d’émissions de gaz à effet de serre qui reste aujourd’hui compatible avec les objectifs ambitieux de l’accord de Paris, et pour constituer le socle de confiance indispensable à l’atteinte de ces objectifs. Conformément à leur souhait, le texte final de la décision de la COP 23 demande la mise en œuvre de cette seconde phase du Protocole de Kyoto. Il prévoit de plus qu’un bilan des actions pré-2020 soit effectué lors des deux prochaines COP, en 2018 et en 2019.
Pas de véritable réponse sur la nécessaire réduction mondiale des émissions
Le véritable problème auquel est confrontée la communauté internationale reste cependant celui du niveau insuffisant des engagements post-2020 de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il est aujourd’hui nécessaire de réviser ces engagements à la hausse, ce que tout le monde savait il y a deux ans, mais aussi, désormais, de s’interroger sur la faisabilité de limiter l’augmentation de la température nettement en dessous de 2 °C, objectif qui figure explicitement dans l’accord de Paris. L’année 2018 sera de ce point de vue cruciale pour le processus onusien et pour la planète. Le GIEC, dans son futur rapport sur le 1,5 °C, puis la COP 24, seront soumis à la tentation de reporter le fardeau des efforts sur les générations futures à travers un choix redoutable :
- reconnaître l’impossibilité de limiter la hausse de la température nettement en dessous de 2°C, au risque de voir les États les plus vulnérables au changement climatique se rebeller contre un Accord de Paris (et contre l’Union européenne) qui leur avait laissé l’espoir d’échapper à des événements météorologiques catastrophiques pour leur population ;
- conserver cet objectif de 1,5 °C, ce qui suppose d’imposer aux générations futures de capturer des gaz à effet de serre dans l’atmosphère à grande échelle et de les stocker en plus grande quantité que les émissions produites, ce que nous ne savons pas faire aujourd’hui.
Dans tous les cas, les prochaines conférences des Parties, et notamment le sommet sur le climat qui se tiendra à New York en 2019, devraient logiquement demander à tous les États d’accroître très fortement leurs efforts de réduction d’ici 2030, voire 2020 comme le préconise le Secrétaire général de l’ONU, pour limiter la hausse de la température.
Le sommet sur la finance climatique peut conforter la dynamique de l’Accord de Paris
Dans ce contexte incertain, le sommet sur la finance climatique, organisé par la France, les Nations unies et la Banque mondiale le 12 décembre 2017, jour anniversaire de l’adoption de l’Accord de Paris, peut permettre une nouvelle impulsion, non pas simplement pour trouver les 100 milliards de dollars par an promis aux pays en développement, mais, plus généralement, pour mobiliser la finance en général en faveur de l’investissement vert.
Dire que l’Accord de Paris est un processus dynamique, c’est souligner qu’il suppose un nouvel effort de la Communauté internationale. L’oublier serait s’exposer à de graves déconvenues dans le futur.
[1] Propos tenus à la tribune de la COP 23 par un jeune Fidjien, Timoci Naulusala, dont le village a été détruit par le cyclone Winston en 2016
[2] La coalition des Like Minded Developping Countries (LMDC), créée en 2005, rassemble environ 25 pays dont la Chine et l’Inde, mais aussi l’Arabie saoudite, l’Iran, l’Irak, la Jordanie, le Koweit, la Malaisie, le Pakistan ou le Vietnam. Ses déclarations reflètent bien souvent la volonté des pays en développement de préserver leurs intérêts.