Le déclin industriel français
La France est parmi les grands pays industrialisés celui qui a subi la plus forte désindustrialisation durant les dernières décennies avec le Royaume-Uni. Depuis 1980, les branches industrielles ont perdu près de la moitié de leurs effectifs (2,2 millions d'emplois), et l'industrie ne représente plus aujourd'hui que 10,3% du total des emplois. La part de l'industrie dans le PIB a reculé de 10 points sur la même période et s'établissait ainsi à 13,4 % en 2018, contre 25,5 % en Allemagne, 19,7 % en Italie, ou encore 16,1 % en Espagne.
Si en 2018 et 2019, le retour à une croissance de l'emploi industriel a pu laisser penser à une interruption de la dynamique de désindustrialisation, le manque de souveraineté industrielle qu'a révélé la crise de la Covid-19, notamment en matière de médicaments et matériels médicaux, remet les choses en perspective. Gains de productivité, emplois, innovations technologiques, ou encore déficit commercial : ce déclin industriel impacte notre économie. En particulier, les entreprises françaises sont devenues les championnes de la délocalisation.
Une fiscalité pénalisante sur les facteurs de production
A la fin des années 2000, la France était soumise à un niveau de de prélèvements obligatoires - charges sociales, impôt sur les sociétés, impôts de production - très supérieur à ce qu'on observait chez certains de nos principaux concurrents, et en particulier en Allemagne. Parallèlement, la France avait fait le choix d'un soutien à la
demande alors que l'Allemagne et d'autres pays partageant la monnaie unique faisaient le choix de renforcer leur compétitivité par une politique de l'offre.
C'est ainsi que l'industrie française souffre d'un déficit de compétitivité hors-prix, qui explique que les industriels français parviennent moins bien que leurs homologues allemands, par exemple, à exporter des produits à fortes marges. Elle pâtit également d'un déficit de compétitivité-coût. Celui-ci ne s'explique pas par un dérapage des salaires dans l'industrie, mais par une fiscalité qui pèse lourdement sur ce secteur. Les impôts de production constituent avec le taux facial de l'impôt sur les sociétés un trait distinctif de la France parmi les facteurs qui influencent les choix de localisation des sites de production.
Des actions correctives engagées depuis une dizaine d'années
Depuis une dizaine d'années environ, une inflexion très sensible s'est produite. La prise de conscience, notamment avec le rapport Gallois, des handicaps pesant sur l'industrie française s'est traduite par une série de décisions visant à y remédier. Le CICE, le pacte de responsabilité, la transformation du CICE en allégement de cotisations sociales, le choix de rapprocher le niveau de l'impôt sur les sociétés de ce qu'il est dans les principaux pays comparables, et les orientations récentes vers un allégement des impôts de production vont dans ce sens. Ces évolutions se sont accompagnées de réformes juridiques - loi travail, ordonnances travail, loi Pacte - qui ont eu des objectifs similaires.
Un panorama inédit des aides à l'innovation
Au cours de la dernière décennie, la France a revu ses soutiens à l'innovation et à la R&D, notamment avec la réforme du Crédit impôt recherche (CIR) en 2008. Les interventions publiques en faveur de l'industrie viennent aussi des territoires, du fait notamment de l'affirmation des compétences des régions en matière économique. Aussi, le rapport propose un panorama inédit des aides à l'innovation et un chiffrage original des moyens financiers de la politique industrielle en 2019. Sur 100€ d'aides aux entreprises du secteur industriel, 40€ sont des aides à l'emploi et à la formation (allégements de charges et CICE essentiellement), 25€ des aides à la R&D et à l'innovation, 10€ de réduction ou d'exonération de la TICPE (électricité), 6€ de participations et prêts bonifiés.
Un focus sur sept secteurs industriels stratégiques
Le rapport passe au crible sept secteurs industriels - les produits de santé, l'aéronautique, l'automobile, le spatial, le ferroviaire, l'électricité et les télécoms, où l'Etat joue un rôle particulièrement important.
Dans les télécoms, la priorité a été donnée au pouvoir d'achat des consommateurs. Les politiques publiques n'ont pas permis de maintenir une industrie d'équipements de taille suffisante. La politique du médicament a quant à elle été davantage marquée par le souci d'en limiter les coûts pour la dépense publique que de renforcer la localisation des productions en France. Par ailleurs, la volonté de réduction de la part du nucléaire dans la production d'électricité s'est faite au détriment du maintien d'une filière d'excellence industrielle. L'automobile, malgré un recours fréquent à des aides à l'achat, a subi une baisse rapide de son empreinte industrielle en France.
De son côté, l'industrie ferroviaire conserve une position forte et une grande maîtrise technologique, mais fait face au défi de l'apparition d'un géant chinois.
L'aéronautique est typiquement un secteur ou la politique industrielle a été couronnée de succès ces dernières décennies, même si Airbus est soumise à rude épreuve par la crise que nous traversons.
Enfin, dans le spatial, le modèle qui a permis pendant près de quarante ans la constitution en Europe d'une puissante industrie des lanceurs et dans les satellites se trouve confronté à des bouleversements majeurs qui le menacent, avec notamment l'apparition de nouveaux acteurs étatiques en Asie ou l'émergence d'industriels privés majeurs aux États-Unis, bénéficiant de soutiens publics importants.