Les débats qui ont eu lieu à l’occasion du redécoupage régional français ont soulevé la question de la dimension territoriale de la croissance. Plusieurs études récentes émettent des recommandations de politiques économiques au niveau régional ou au niveau national pour favoriser la croissance au niveau des régions. Pour la plupart, ces recommandations découlent des enseignements de l’économie géographique qui conclut que ce sont les grandes métropoles qui tirent la croissance des territoires. L’approche menée ici est complémentaire à ces analyses car elle cherche à identifier les régions dans lesquelles existent des liens économiques forts entre les territoires susceptibles de faciliter les décisions de politique économique. Elle est également complémentaire aux comparaisons faites entre les régions en matière de richesse économique et démographique. Nous nous intéressons à la cohérence économique qui découle de l’intensité des liens économiques, mesurés par les déplacements domicile – travail et par l’origine des actionnaires des entreprises (« liens d’actionnariat »).
Nous rappelons d’abord les raisons pour lesquelles l’interdépendance économique des territoires à l’intérieur d’une région facilite la prise de décision et la mise en place de politiques économiques. Le principal canal est celui de la convergence des préférences au sein de la région, nécessairement plus élevée lorsque les destins économiques des territoires sont liés. Nous mesurons l’intensité des liens entre départements d’une même région en recourant à des données sur les liens d’actionnariat ainsi qu’à des données sur les déplacements domicile – travail. Nous identifions quelques départements qui subissent des forces centrifuges qui les rapprochent (économiquement) d’une région autre que leur région de rattachement. Nous identifions également un certain nombre de départements qui sont relativement isolés économiquement au sens où ils entretiennent peu de liens économiques avec les autres départements.
Puis nous examinons le rôle que peut avoir la (future) capitale régionale dans l’organisation géographique du territoire en complétant l’analyse faite à l’aide des indicateurs évoqués cidessus par celle réalisée avec des données sur les temps de parcours.
Enfin nous cherchons à identifier le découpage régional qui maximiserait les cohérences économiques internes des régions tout en réduisant les temps de parcours par rapport aux capitales régionales.
Les principales conclusions sont les suivantes :
- La cohérence économique interne des régions est renforcée par le nouveau découpage régional, ce qui devrait faciliter la prise de décision et la mise en place de politiques de développement économique régional. Toutefois, certains départements semblent économiquement tournés vers une région autre que celle à laquelle ils appartiennent. Par ailleurs, certains départements apparaissent relativement isolés, n’entretenant des liens économiques forts ni avec leur région, ni avec d’autres régions.
- Quelle que soit la capitale régionale choisie parmi les plus grandes villes économiques de chaque région, il ne semble pas possible d’atténuer ces forces centrifuges sans créer de nouveaux déséquilibres.
Les auteurs remercient Tristan Cazenave (Université Paris Dauphine, Lamsade) qui a construit l’algorithme utilisé dans la dernière partie de cette étude, ainsi que Per Yann Le Floch pour son aide dans la mise en forme finale des cartes.