Dépasser les divergences entre les États-membres
La politique européenne de l’énergie actuelle n’a pas atteint ses objectifs initiaux que sont la sécurité d’approvisionnement, la préservation du pouvoir d’achat et de la compétitivité européenne et la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.
Mais la constitution d’une Union de l’énergie risque cependant de se heurter à des divergences entre les États-membres. Elles sont particulièrement fortes quant à la construction d’un mécanisme de capacité, à la manière de déclencher des investissements de long terme ou encore aux relations avec la Russie.
Dans ce contexte, et en l’absence de coordination entre États, le mouvement d’intégration économique engagé depuis les années 2000 pourrait être remis en cause. Il serait souhaitable que les États coordonnent leurs initiatives, en gardant l’objectif d’une convergence à terme. La vision du mix de production électrique européen à l’horizon 2050 est également un enjeu tout comme l’intégration des ENR dans le système électrique global. Des débats doivent s’ouvrir sur ces sujets.
Les propositions de France Stratégie
Les auteurs de l’étude de France Stratégie (Dominique Auverlot, Étienne Beeker et Gaëlle Hossie) formulent quatre principes et sept recommandations pour mener à bien une Union de l’énergie en Europe, en s’appuyant sur les contributions de trois universitaires : Marc Oliver Bettzüge, professeur à Cologne, Dieter Helm, professeur à Oxford, et Fabien Roques, professeur associé à Paris Dauphine. Les trois universitaires ne sont pas engagés par les propositions de France Stratégie.
Quatre principes à mettre en œuvre pour construire une Union de l’énergie en Europe :
- Solidarité : la Commission et l’ensemble des États membres doivent réaffirmer un principe de solidarité envers chacun d’entre eux, pour assurer notamment la sécurité d’approvisionnement ;
- Responsabilité : c’est aux États membres de déterminer la structure générale de leur approvisionnement énergétique et par conséquent de décider des évolutions de leurs moyens de production ;
- Rationalité économique : dans une période économique difficile, il est plus que jamais nécessaire de réintroduire de la rationalité économique dans les politiques ;
- Résilience : la politique énergétique européenne doit tenir compte des évolutions de l’environnement mondial qui vont fortement l’affecter mais sur lesquelles elle n’a parfois qu’une faible emprise, voire aucune.
Sept recommandations pour mener à bien le renouveau d’une politique européenne de l’énergie :
- Préciser les objectifs de la politique énergétique de l’Union sans masquer leurs contradictions internes et en conservant la réduction des émissions de CO2 comme l’objectif principal du paquet énergie-climat 2030.
- Améliorer la sécurité de notre approvisionnement gazier en renforçant les pays de l’est de l’Union européenne dans leur négociation avec Gazprom, tout en rebâtissant un partenariat énergétique de long terme entre l’Union européenne et la Russie, une fois le conflit russo-ukrainien apaisé ;
- Modifier le cadre de régulation du secteur de l’électricité. La Commission se doit d’acter que la structure du marché dans sa forme actuelle est défaillante et qu’une révision profonde est nécessaire.
- Reconstruire un signal-prix crédible du carbone et plus généralement redonner de la crédibilité à la politique climatique. La mise en place d’un régulateur de marché qui pourrait intervenir rapidement (s’il en a le mandat) redonnerait sa crédibilité au marché.
- Élaborer une stratégie du raffinage européen tenant compte de la nécessité de garantir une certaine partie de notre approvisionnement en produits raffinés.
- Intensifier et coordonner les efforts de R & D en faveur des technologies non matures permettant la transition vers un système énergétique décarboné.
- Encourager les investissements dans le secteur de l’énergie dans le cadre du plan de relance de la Commission. La Commission doit, dans un premier temps, s’attacher à redonner de la crédibilité aux marchés de quotas de carbone et de gros de l’électricité. Dans un deuxième temps, et conformément au plan de relance, elle doit favoriser le lancement de nouveaux projets, reposant sur l’investissement privé, grâce aux systèmes de garantie et d’avances remboursables mis en place avec l’aide de la BEI.