Interroger la prise en compte de la diversité des usagers dans la construction des listes de métiers ainsi que la réelle portée de ces listes sur le terrain, notamment à l’échelle territoriale ; c’est, en somme, les principaux enjeux discutés par les participants venus échanger sur le sujet, le 7 juin 2022.
Dans une économie en pleine(s) mutation(s) et en accélération, anticiper l’évolution des métiers est nécessaire à l’accompagnement des entreprises et des individus dans leur adaptation aux changements. Pour caractériser ces dynamiques métier, en termes de volume et/ou de contenu, plusieurs terminologies se sont développées : métiers d’avenir, métiers émergents, métiers porteurs, métiers en tension, métiers en forte évolution, métiers en mutation, etc. Les listes de métiers coexistant sont nombreuses et les vocables utilisés semblent proches sans être totalement réductibles.
De multiples sémantiques et des contraintes de méthodes et de données
Le champ des listes institutionnelles de métiers ici examiné est plus restreint et peut être résumé principalement en deux sémantiques : métier « en tension » et métier « porteur ou en forte évolution » (voir cartographies en téléchargement). Ces listes adossées à des dispositifs publics concourent à flécher un appui et/ou des financements pour répondre aux besoins actuels et futurs de l’économie (enjeux de réduction des difficultés de recrutement, de simplification administrative, de priorisation de formations ou de dispositifs d’accompagnement sur des métiers particuliers, etc.). Deux grandes finalités, répondant à des temporalités différentes, y sont associées : résorber les tensions sur le marché du travail (à court et moyen terme) et anticiper les tensions sur le marché du travail (à moyen et long terme, avec une vision plus prospective).
Pour une même finalité, les méthodes d’objectivation, les échelles et les acteurs mobilisés dans l’élaboration de ces listes divergent toutefois. Cela participe, de l’avis de membres du réseau, à des difficultés d’usage. A titre d’exemple, le projet de transition professionnelle (PTP) et la reconversion ou la promotion par alternance (Pro-A) s’appuient tous deux sur une liste de métiers porteurs ou en forte évolution. Mais la construction de ces listes mobilise des acteurs et des sources de données différents : la liste PTP est réalisée par les Associations de Transitions Professionnelles (ATpro) en s’appuyant notamment sur les travaux des observatoires prospectifs des métiers et des qualifications (OPMQ), des opérateurs de compétences (OPCO) et des Carif-Oref ; les listes ProA résultent elles d’accords de branches et sont validées par la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP).
Par ailleurs, les critères de définition des listes ne sont pas toujours objectivés à travers des indicateurs observables ou quantifiables. Cela tient parfois à l’absence d’alignement des nomenclatures utilisées, à la difficulté à caractériser de manière absolue l’évolution d’un métier, ou encore à un manque de coordination de la part des acteurs. Ces listes répondent donc à des réalités et à des attendus différents vis-à-vis des métiers, particulièrement lorsqu’elles sont déclinées à l’échelle territoriale et/ou sectorielle. Ainsi coexistent des listes sectorielles (listes Pro’A), des listes nationales (liste France Compétences), des listes nationales déclinées par région (liste des métiers ouverts à l’immigration choisie), des listes élaborées uniquement au niveau régional (listes Transco ou PTP).
Accessibilité et intelligibilité des méthodes et indicateurs, des éléments indispensables
Tout cela peut concourir à une difficulté d’appropriation des listes par les usagers. Si certains acteurs régionaux tentent d’établir des listes communes socles pour y répondre (Crefop et Carif-Oref en Bourgogne-Franche-Comté ; Crefop et AT Pro en Auvergne-Rhône-Alpes, etc.), cela participe à l’enchevêtrement de l’écosystème des listes. Et ce d’autant que les listes « maison » (des listes réalisées par les Opco ou OPMQ portant des noms divers comme métiers d’avenir, métiers de demain etc) se multiplient pour répondre aux besoins spécifiques des utilisateurs.
Homogénéiser les définitions et les méthodes de construction de ces listes serait-il susceptible d’améliorer leur lisibilité ? La réponse à cette question n’est pas évidente car la multiplicité des listes répond à des demandes spécifiques, mais les participants à la réunion soulignent tous l’intérêt de l’outil Dares/Pôle emploi sur les métiers en tensions, qui a le mérite de servir de tronc commun à la conception de certaines listes. A l’avenir, il serait nécessaire, avant de créer de nouvelles listes, de privilégier l’adossement à des listes existantes ou de penser à la cohérence des différentes nomenclatures avec celles existantes et avec les dispositifs attenants.
Les participants à cette réunion mettent également l’accent sur le manque d’accessibilité et d’intelligibilité des méthodes et indicateurs retenus pour la construction des listes. Documenter et diffuser la méthodologie employée seraient des leviers primordiaux à la compréhension et à l’appropriation de ces listes par les contributeurs et les utilisateurs.
D’autres questions restent en suspens. Comment les usagers se saisissent-ils de ces listes de métiers ? Quelle(s) utilisation(s) concrète(s), notamment dans l’orientation des politiques publiques ? pour quels résultats ? Mais aussi comment rapprocher les finalités et contenus de l’ensemble des listes (nationales, régionales, sectorielles) avec une politique publique cohérente au niveau national (dispositifs et financement) ?
Ces interrogations feront l’objet d’une nouvelle réunion de travail à l’automne 2022.
Cartographies des listes institutionnelles de métiers
Les deux cartographies discutées lors de cette réunion sont centrées sur les listes de métiers adossées à des dispositifs institutionnels, c’est-à-dire ouvrant un droit, par exemple, à des financements, à un appui technique ou à la reconnaissance institutionnelle de l’évolution et de la spécificité des métiers. La première est centrée sur les dispositifs institutionnels qui font appel à des listes de métiers. La seconde met l’accent sur les relations et les contributions aux listes des différents acteurs. Elles ont été réalisées à partir d’un questionnaire en ligne soumis aux membres du Réseau Emplois Compétences produisant et/ou utilisant des listes de métiers (63 répondants). Elles ont par la suite été discutées avec les producteurs des listes identifiées.
Sept dispositifs s’appuyant sur les deux principales sémantiques (métier en tension et métier porteur) ont été repérés : Rémunération de fin de formation (R2F), métiers ouverts à l’immigration choisie, Transitions collectives (Transco), Projet de transition professionnelle (PTP), Promotion par l’alternance (Pro’A), procédure d’enregistrement simplifiée au RNCP.
Ces représentations à plat ont vocation à être complétées. En effet, elles n’illustrent pas l’intégralité de l’écosystème des listes de métiers. D’une part car elles mettent en avant uniquement les listes de métiers adossées à des dispositifs institutionnels et renseignées par les enquêtés. D’autre part, les différences régionales dans les constructions des listes n’apparaissent pas dans les cartographies.