Avant de se projeter à 10 ans, il convient de revenir sur le passé récent. Début 2008, le passage du taux de chômage sous la barre des 8 % est considéré comme quasi-définitive en France. Ainsi, le FMI dans sa livraison d’avril 2008 confirme les prévisions faites un an plus tôt, le chômage sera de l’ordre de 7,8 % en France en 2008 comme en 2009. Même si des réformes du marché du travail sont alors encore jugée nécessaires, les « progrès » déjà effectués, la montée continue de la qualification moyenne de la main-d’œuvre, le ralentissement de la croissance démographique la population active et une croissance économique correcte feront du chômage un problème vaincu de la même manière qu’un quart de siècle plus tôt l’inflation avait été éradiquée. Dans une telle perspective, l’ensemble du programme de Nicolas Sarkozy prenait tout son sens : augmenter l’offre de travail à travers le « travailler plus pour gagner plus », l’auto-entreprenariat, le recul de l’âge de départ à la retraire ou le RSA activité.
Et l’austérité, idiot !
Les réalisations sont connues. En 2009, la France n’affiche pas un chômage de 7,8 % mais de 9,5 %, pour probablement dépasser les 11 % en 2014. Entretemps, on ne peut accuser les institutions du marché du travail retouchées dans un sens d’une flexibilité imposée ou la politique de l’emploi d’avoir généré un tel chômage. Au contraire, c’est bien la politique d’emplois aidés qui modère la hausse du chômage des jeunes par exemple.
La situation déplorable présente du marché du travail français est donc en premier lieu le résultat du contexte macroéconomique et des politiques d’austérité mises en oeuvre en Europe simultanément. Il en est de même dans la plupart des pays européens y compris les pays scandinaves ou Outre-Manche. Entre 2008 et 2012 le taux de chômage a progressé de 4 pts au Danemark, 2,5 en France et au Royaume-Uni, 1,8 en Suède et 1,4 en Finlande. Les dernières prévisions du FMI (octobre 2013) reposant sur une absence d’inflexion de la logique européenne de « consolidation » s’attend en 2018 à des niveaux de chômage encore largement supérieurs à ceux d’avant crise ; Danemark, Suède ne pourraient faire mieux que 6,4 % malgré une balance budgétaire primaire équilibrée alors que ces économies affichées d’insolents surplus avant crise. La France elle repasserait péniblement en deçà de 10 %, partiellement le prix d’un excédent budgétaire primaire nettement supérieur à ces pays et surtout contrastant avec un déficit primaire dix ans plus tôt.
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