Le concept de jeunesse est incertain, voire improbable, si l’on entend par là un creuset générationnel homogène, sans lignes de fracture ni ambivalences. En fait, la dimension générationnelle est constamment traversée par des marqueurs sociaux fondamentaux, à l’instar de l’origine de classe ou du niveau de certification scolaire, qui resurgissent souvent sous forme de discriminations.
Il y a un deuxième travers assez répandu qu’il s’agit de relativiser. C’est le fait de considérer que les jeunes seraient porteurs de manière exacerbée de tendances plutôt négatives comme l’individualisme, la dépolitisation, voire le conformisme qui impactent ensuite le reste de la société. Dans un jeu spéculaire, on inverse ici le raccourci selon lequel les jeunes seraient spontanément "révoltés", friands d’engagement civique et d’action contestataire.
Or, si les jeunes se distinguent culturellement sur certains aspects, tels les modes de communication en réseaux et l’usage des nouvelles technologies de l’information, dans bien des domaines ils ne s’éloignent pas beaucoup des autres parties de la population. Il est caractéristique qu’ils accordent autant, voire même davantage d’importance à la "valeur travail" que les adultes. Comme l’expliquent Guy Michelat et Michel Simon dans leur ouvrage Les Ouvriers et la politique (Presses de Sciences Po, Paris, 2004), les jeunes français ne sont pas plus favorables au libéralisme économique que leurs aînés. Ils sont en revanche beaucoup plus acquis au libéralisme culturel. Par ailleurs, s’ils votent plus à gauche dans leur ensemble que les autres classes d’âge, le tropisme de gauche tend à s’estomper. Dans les choix électoraux, les écarts entre générations se réduisent au fil du temps.
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