Lien éducation / croissance : corrélation ou causalité ?
Depuis le début des années 2000, la question du lien entre croissance (du PIB) et éducation connaît un regain d’intérêt avec l’amélioration des données disponibles. S’il y a dès lors un relatif consensus pour affirmer que l’éducation a bien des effets positifs sur la croissance, l’amplitude de ces effets varie considérablement d’une étude à l’autre. Parce qu’elle utilise une mesure de la qualité du capital humain fondée sur une évaluation empirique des compétences des élèves de type PISA (et non une estimation de la quantité d’éducation), l’étude de Hanushek et Woebmann* sort néanmoins du lot. En rapportant sur longue période le taux de croissance de vingt-quatre pays de l’OCDE à celui de la qualité de leur capital humain, les deux chercheurs aboutissent à la conclusion qu’une augmentation durable de ce capital, de l’ordre de cent points de score PISA, produit un gain de croissance d’un point de PIB par an, une fois le plein effet de la réforme atteint. Une prévision néanmoins conditionnée à l’hypothèse forte d’un effet propre de l’éducation sur la croissance, c’est-à-dire d’un lien de causalité directe qui est loin d’être encore prouvé…
Un « choc PISA » qui ferait gagner à la France 11,5 milliards d’euros…
Cette précaution posée, le même type de simulation appliqué au cas français montre qu’une réforme éducative qui conduirait à rehausser le score PISA de la France au niveau de celui de l’Allemagne en 2012 rapporterait 11,5 milliards d’euros (bruts) en gains de PIB annuels sur la période 2015-2050. Mieux encore, cette amélioration du score PISA pourrait être atteinte par une « simple » réduction des inégalités scolaires dont la France détient le record mondial, avec un écart de performance entre les plus et les moins favorisés des élèves de l’ordre de 24 % contre 9 % en Allemagne et 5 % en Corée du Sud, le premier du classement PISA. Reste enfin LA question du contenu de la réforme. Augmenter les ressources éducatives ne suffit pas en soi à améliorer les compétences des élèves. Les projets de réforme doivent faire la preuve, notamment expérimentale, de leur efficacité. C’est donc sur l’évaluation des politiques éducatives qu’il faut miser, en combinant études d’impact et calcul socioéconomique, pour que la France tire (elle aussi) avantage de son « choc PISA ».
* Eric A. Hanushek et Ludger Woeßmann, “Do better schools lead to more growth? Cognitive skills, economic outcomes, and causation”, NBER Working Paper, No 14633, 2009.
Céline Mareuge