L’économie circulaire implique d’économiser les ressources en amont et de privilégier celles qui sont les moins émettrices de rejets, de réutiliser la matière en aval, d’allonger la durée d’usage des biens et d’optimiser leur utilisation. Nous sommes encore loin de disposer d’un instrument de mesure adéquat pour identifier ces progrès et déterminer les efforts à consentir. Néanmoins, il est possible d’apprécier la situation de la France avec des indicateurs partiels de l’empreinte environnementale.
- La consommation de matières progresse moins vite que la population. Alors qu’un Français consommait en moyenne 14 tonnes de matières par an durant les années 1990 et jusqu’à la crise de 2008, il en consomme 12 tonnes en 2013. Ces chiffres sont bien inférieurs à ceux des pays scandinaves, de l’Irlande ou de la Roumanie, dont la consommation est la plus élevée d’Europe.
- Les déchets restent encore trop importants. Avec 14,4 kilogrammes de déchets par jour et par habitant en 2012, la France se situe au-dessus de la moyenne des pays de l’UE-15. Ces déchets proviennent surtout du secteur de la construction. Un Français produit 1,3 kg de déchets ménagers par jour en 2012 (+0,2 kg par rapport à 2004) dont 20 % de déchets triés recyclables. Les déchets courants (non recyclables) sont en diminution pour les ménages et pour les activités économiques. Les déchets produits (activités économiques ou ménages) sont valorisés à 60 %, un ratio très supérieur à la moyenne européenne (46 % en 2012). En revanche, en 2013, seuls 30 % des déchets municipaux sont valorisés contre 10 % pour les pays du nord de l’Europe. Les taux de recyclage et d’incorporation dans les processus de production varient selon les matières. La France est très éloignée des résultats des meilleurs élèves européens pour le taux de recyclage des plastiques (20 %) ou pour le taux d’incorporation des papiers-cartons (62 %).
- Un certain découplage se manifeste entre l’évolution de la croissance française et la consommation de combustibles fossiles qu’elle induit. Depuis 2008, la consommation de matières et les émissions de gaz à effet de serre ont baissé plus fortement que la production et le revenu. Pour autant, le découplage doit être relativisé. Si l’on distingue par matière, seule la consommation de combustibles fossiles a été découplée de la croissance économique. La baisse de la consommation des autres matières est largement due au ralentissement économique.
- La surface des sols artificialisés continue de croître au même rythme que le PIB.
Vers une réallocation de l’emploi ?
Aujourd’hui, les effectifs de l’économie circulaire peuvent être évalués, a minima, à près de 800 000 emplois équivalents temps plein (ETP), soit plus de 3 % de l’emploi global. 58 % est employé par les éco-activités, le reste se répartit entre la réparation (28 %), la location (10 %) et le marché de l’occasion (3 %).
- Les éco-activités. L’assainissement de l’eau et le traitement des déchets représentent 40 % de l’emploi dans les éco-activités contre 18 % pour la maîtrise de l’énergie et les énergies renouvelables. L’évolution dans ces deux derniers secteurs est plutôt orientée à la baisse en raison de dispositions réglementaires moins favorables aux énergies renouvelables (baisse des tarifs de rachat de l’électricité solaire). La plus forte progression de l’emploi se situe dans la réhabilitation des sols.
- La réparation. La réparation automobile (plus de 120 000 ETP) occupe une place centrale, soit près d’un emploi sur deux du secteur de la réparation. L’emploi se rétracte dans la réparation d’équipements professionnels sauf dans la mécanique, l’électronique et l’optique. La réparation d’ordinateurs et d’électronique grand public est en forte croissance.
- La location. C’est le secteur dont les effectifs croissent le plus fortement depuis 2008, notamment dans l’automobile où l’on assiste à une transformation des modes de déplacement, privilégiant l’usage à la possession.
- Le marché de l’occasion. Selon l’enquête Emploi de l’Insee, le commerce de détail de l’occasion emploie près de 20 000 équivalents temps plein (2014). Le succès de la vente d’occasion en ligne et des gros revendeurs aurait eu un effet d’éviction sur les activités traditionnelles de brocante et de dépôt-vente et sur les activités associatives qui financent par ce biais leurs œuvres caritatives. Enfin, le marché des véhicules d’occasion est très développé mais difficilement repérable statistiquement en termes d’emplois.
Élaborer une comptabilité des matières et des rejets par produit et par activité apparaît déterminant pour envisager l’ampleur de la transformation et les impacts en termes de croissance et d’emploi des politiques publiques susceptibles d’accompagner cette transition. De même, prolonger la réflexion sur le contenu en emploi de l’économie circulaire et de ses activités périphériques est une condition pour mesurer le volume et la qualité des emplois créés. Cet outillage permettra d’orienter l’action publique et d’assurer son suivi sans biais de mesure.