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Événements
Publié le
Lundi 20 Novembre 2017
Lundi 20 Novembre 2017
09h00 à 11h30
À l’occasion de la sortie lundi 20 novembre de l’étude de l’OCDE « Le recrutement des travailleurs immigrés : France », France Stratégie en partenariat avec l’OCDE organise une table ronde sur les politiques d’immigration de travail en France.

Ce nouveau rapport de l’OCDE et les recommandations qu’il contient sont susceptibles d’éclairer sous un nouveau jour le débat public sur cette question alors que le gouvernement réfléchit, dans le cadre d’un nouveau projet de loi sur l’immigration, à la modernisation de la politique d’immigration de travail afin de renforcer l’attractivité de la France pour les talents étrangers, notamment les étudiants présentant un haut potentiel, les chercheurs et les créateurs d’entreprise.

Jean-Christophe Dumont, chef de la division des migrations internationales de l’OCDE, et l’équipe qui a rédigé cette étude présenteront les principales conclusions de ce rapport qui sera discuté par Pierre-Antoine Molina, directeur des étrangers en France au ministère de l’Intérieur. Michel Yahiel, commissaire général de France Stratégie, ouvrira et présidera les débats ; Stefano Scarpetta, directeur de la direction de l'Emploi, du Travail et des Affaires sociales de l'OCDE introduira la séance.

Programme

9 h – 9 h 15 : Ouverture par Michel Yahiel, commissaire général de France Stratégie, et introduction par Stefano Scarpetta, directeur de la direction de l'Emploi, du Travail et des Affaires sociales de l'OCDE

9 h 15 – 9 h 45 : Présentation du rapport « Le recrutement des travailleurs immigrés : France » par Jean-Christophe Dumont, chef de la division des migrations internationales de l’OCDE

9 h 45 – 10 h : Discussion du rapport par Pierre-Antoine Molina, directeur des étrangers en France au ministère de l’Intérieur

10 h – 11 h 00 : Échanges avec la salle

En partenariat avec :

Compte rendu

Cette présentation a exposé différents enjeux du rapport publié par l’OCDE. D’abord, la France connaît une situation démographique et un contexte économique relativement favorables favorisant le débat sur la question migratoire. Cette thématique a été entamée dans le pays en 2016 avec l’introduction du Passeport Talent. De plus, un projet de loi sur l’immigration devrait être présenté l’année prochaine. L’étude se focalise sur l’immigration professionnelle mais aborde aussi des problématiques migratoires plus larges (immigration illégale, réfugiés et demandes d’asile). Elle démontre par ailleurs que les migrations non professionnelles (familiales, libre circulation dans l’UE) participent davantage au marché du travail que l’immigration pour l’emploi.

  1. Éléments de contexte.

L’immigration professionnelle en provenance de pays tiers est faible en France, en termes relatif et absolu (par rapport aux autres pays d’Europe et par rapport aux autres types de migration). L’immigration familiale et la libre circulation des ressortissants européens participent respectivement 2 fois et entre 2 et 4 fois plus au marché du travail que l’immigration professionnelle. L’immigration compte au total pour 8-9 % des entrées sur le marché du travail. Ce point n’a pas manqué de frapper H. Besancenot (ministère de l’Intérieur) qui a rappelé l’objectif annoncé cet été par le président de la République et le Premier ministre : accueillir les migrants non pas comme inactifs mais en favorisant leur accès au travail.

Les changements de statuts (d’étudiant vers professionnel) et les régularisations (importantes dans certains secteurs comme le bâtiment, la restauration) représentent plus de la moitié des premiers titres délivrés, illustrant les besoins non satisfaits du marché du travail français.

  1. Efficacité du dispositif législatif et réglementaire

L’OCDE appelle de ses vœux une évolution du dispositif législatif réglementaire guidée par trois concepts clefs : coordination, harmonisation et modernisation.

Le système de délivrance des titres français est très complexe – ce qui n’est pas en soi une singularité – et peut constituer un repoussoir pour certains migrants (le processus menant à une autorisation de travail compte 11 étapes). Les deux organismes clefs dans le processus sont les préfectures et les SMOE (Services main-d’œuvre étrangère). La part des dossiers traités par les SMOE est décroissante, ils sont placés sous une cotutelle des ministères de l’Intérieur et de l’Emploi. Il est nécessaire de renforcer la coordination des acteurs. H. Besancenot souligne que des efforts sont déjà faits en ce sens mais reconnaît toutefois l’existence d’une marge de progression.

Il y a un problème d’hétérogénéité dans l’application des procédures administratives. Cette hétérogénéité est particulièrement marquée pour les SMOE qui sont des acteurs isolés par département, en charge de la vérification de l’adéquation employé/emploi. Les pratiques locales sont par ailleurs marquées par une forme de dépendance au sentier (cinq départements délivrent ainsi deux tiers des titres d’immigration saisonnière). Une plus grande harmonisation des pratiques est souhaitable.

Enfin, certains instruments de gestion des migrations sont obsolètes. Par exemple, la liste des métiers en tension est inchangée depuis 2008 et a été figée par les AGC (Accords de gestion concertée). Une partie des procédures sont encore effectuées sur papier et la remontée de l’information est trop partielle. Une modernisation est donc souhaitable et des outils existent. Le portail « France visas » permet d’effectuer des pré-demandes en ligne et en cours d’expérimentation. Deux autres projets numériques sont en cours : un projet de validation numérique de la transformation d’un visa long séjour en titre de séjour et une gestion automatisée des migrations professionnelles (test du pilote d’ici la fin du premier trimestre 2018).

L’OCDE propose également une réforme des tests du marché du travail, l’actualisation de la liste des métiers en tension éventuellement fondée sur l’exemple britannique. Au Royaume-Uni, la liste des métiers en tension est actualisée par le Migration Advisory Committee en croisant trois critères sur l’emploi (quantifiés par des indicateurs statistiques) : la qualification requise, la difficulté de recrutement sur le territoire national et le préjudice aux employés britanniques. L’OCDE propose par ailleurs une adaptation des moyens des SMOE aux nombres de dossiers à traiter, la suppression du principe d’adéquation poste/travailleur, le développement du traitement numérique des dossiers, la renégociation d’un nouveau cadre pour remplacer les AGC. C’est tout le cheminement pour le recrutement professionnel qui gagnerait ainsi à être simplifié.

  1. L’attractivité de la France

La France est attractive pour les immigrés mais on constate qu’elle est d’autant moins attractive que le migrant est qualifié. La France est par ailleurs en dessous de la moyenne de l’OCDE pour ce qui est de la rétention des talents.

La France reste très attractive pour les étudiants diplômés du secondaire (2e pays non anglophone) mais le potentiel des étudiants n’est pas toujours exploité (avec une probabilité plus élevée pour ces étudiants d’être au chômage ou déclassés). Un accent sur la sélection et l’orientation pourrait peut-être résoudre ce problème. Au rang des réussites, on peut également trouver le titre de séjour spécifique et attractif pour les scientifiques chercheurs (la France se classe 2e dans l’UE derrière le Royaume-Uni avec 20 000 chercheurs entre 2012 et 2014). Enfin, la politique proactive pour attirer les créateurs de start-ups semble porter ses fruits.

Le Passeport Talent est également salué par l’OCDE. Il est un titre pluriannuel, accessible aux étrangers diplômés du 3e cycle en France, aux étrangers diplômés en France qui ont quitté le pays puis reviennent, et aux entrepreneurs et porteurs de projets innovants. Il regroupe dix catégories de migrants qualifiés. La Carte Bleue Européenne (CBE) est incluse dans le Passeport Talent et elle est peu utilisée en France (600 à 700 par an) du fait d’une accessibilité conditionnée par un seuil de salaire élevé. L’OCDE recommande de rendre la CBE plus attractive pour les travailleurs qualifiés en abaissant le niveau de salaire.

L’OCDE recommande pour améliorer l’attractivité de la France de :

  • promouvoir le Passeport Talent (auprès des employeurs et à l’étranger) ;
  • former les personnels des consulats et préfectures sur le Passeport Talent (puisque les SMOE n’auront plus de regard sur ce titre) ;
  • mesurer l’impact des changements introduits sur les entrepreneurs et investisseurs ;
  • renforcer les dispositifs d’accueil et d’orientation des étudiants.
  1. Autres enjeux et défis

Au-delà de la question de l’attractivité de la France sur les talents, l’immigration de travail peut-elle répondre aux besoins croissants d’aide à la personne d’une population française vieillissante ? France Stratégie a identifié qu’en 2022, ces métiers pouvaient devenir la principale catégorie créatrice d’emploi. Cependant l’immigration professionnelle peut apparaître comme inadaptée pour répondre à ces besoins dans la mesure où l’appariement entre travailleurs et bénéficiaires des services peut difficilement se faire à distance et que des problèmes de langue peuvent se poser. De manière générale, la politique migratoire invite également à penser le développement des pays d’émigration.

Enfin, une réflexion a été menée sur la tension qui peut exister entre une approche de la politique migratoire privilégiant la micro-régulation et une autre centrée au contraire sur la gestion globale des flux.

L’utilisation de l’immigration pour faire fonctionner le marché du travail rencontre rapidement des limites (sur les notions de flexibilité, de compétitivité et de qualification). La politique migratoire en tant que liée au marché du travail et à l’économie dans son ensemble ne doit pas être trop précise, trop ciblée sur un secteur unique. Attirer les entrepreneurs, c’est aussi créer une demande pour toutes les fonctions support, les services à la personne. À court terme, il est nécessaire de répondre aux besoins du marché et mener une politique de micro-régulation. À moyen et long terme, il convient de se concentrer davantage sur les compétences plutôt que sur les métiers et les tâches en permanente mutation. Le Canada a par exemple clairement défini sa politique d’attractivité : c’est un modèle d’installation avec des objectifs de long terme identifiés. Les migrants sont sélectionnés sur la base de leurs compétences et non des besoins immédiats du marché du travail, tout en s’assurant qu’ils puissent s’intégrer à court terme sur le marché du travail. Du côté de la France, le choix du modèle est moins clair avec une volonté explicite de répondre à des besoins de court terme mais des objectifs plus implicites à long terme.

Marc Ginestet

 

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