L’Europe de l’énergie repose sur deux piliers : d’une part, la création au début des années 90 d’un marché intérieur de l’électricité intégré et libéralisé qui devait permettre une baisse des prix pour les ménages et les entreprises ; et, d’autre part, le « paquet climat-énergie » qui posait fin 2008 des objectifs ambitieux en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, d’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables.
Pourtant, l’Europe de l’énergie est aujourd’hui en crise. Les objectifs de la politique énergétique et climatique européenne (sécurité d’approvisionnement, préservation du pouvoir d’achat et de la compétitivité, lutte contre les émissions de gaz à effet de serre) sont mis à mal par trois facteurs principaux :
- La crise économique, qui a fait baisser la demande électrique bien en-deçà des prévisions, provoquant ainsi une situation de surcapacité ;
- L’augmentation rapide de la part des énergies renouvelables variables (éolien et solaire photovoltaïque), subventionnées « hors marché » et bénéficiant d’un accès prioritaire sur le réseau électrique, dans un mix énergétique européen déjà en surcapacité ;
- La révolution du gaz de schiste aux Etats-Unis qui remet le charbon au centre de la scène européenne.
En s’appuyant sur les contributions de Marc-Oliver Bettzüge, Dieter Helm et Fabien Roques, sans toutefois les engager, ce rapport du Commissariat général à la stratégie et à la prospective formule sept recommandations pour tendre vers un marché de l’électricité européen et un cadre politique durables :
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Recommandation n° 1 : Considérer l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre comme le principal, sinon l’unique, objectif du prochain paquet climat-énergie en introduisant un objectif de réduction, lisible, stable et de long-terme, à l’horizon 2030.
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Recommandation n°2 : Reconsidérer les politiques de soutien aux énergies renouvelables en remplaçant les tarifs d’achat pour les technologies qui ont atteint la maturité technologique par des mécanismes de type « marché + prime2 » et par des appels d’offres portant sur des quantités limitées, en soumettant les énergies renouvelables aux mêmes responsabilités que les énergies conventionnelles et en arrêtant enfin le paiement des tarifs d’achat lorsque les prix de gros sont négatifs ou lorsque les lignes sont saturées.
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Recommandation n° 3 : Lancer des réformes structurelles du marché européen du carbone en introduisant des prix plancher et plafond afin de donner un signal-prix clair pour les investissements de long terme et en créant une banque centrale du carbone afin de disposer d’une certaine marge d’ajustement.
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Recommandation n° 4 : Achever le marché européen de l’électricité en étendant le marché journalier (dayahead market) à d’autres pays européens, en améliorant le marché infra-journalier et en construisant, après une analyse coût-bénéfices, de nouvelles interconnections entre les États membres.
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Recommandation n° 5 : Réaffirmer le rôle des États membres dans le choix de « la structure générale de leur approvisionnement énergétique » : conformément à ce principe, ils seraient ainsi responsables du design de leur mécanisme national de capacité dès lors qu’il respecte les (éventuelles) règles européennes encadrant ces mécanismes, mais ils devraient soumettre leur politique énergétique à des peer reviews européennes afin de permettre à chaque État membre de prendre connaissance du programme d’investissement et du design des mécanismes de capacité de leurs voisins.
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Recommandation n° 6 : Renforcer les coopérations de recherche et développement entre États membres pour les technologies qui n’ont pas encore atteint une certaine maturité.
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Recommandation n° 7 : Autoriser les contrats de long terme afin de favoriser les investissements de long terme dans une production à faibles émissions de carbone.