La croissance en Europe reste décevante. Pratiquement tous les pays de l'UE devraient connaître une modeste expansion cette année, mais selon les dernières projections du FMI, le taux de croissance moyen de la zone euro ne dépassera guère 1%. Et si l'économie britannique a retrouvé de l'allant, son PIB vient tout juste de dépasser son niveau d'avant-crise. En termes de PIB par tête, l'UE est plus pauvre qu'elle ne l'était il y a sept ans.
Dans ce contexte un nouvel objectif s'est fait jour : promouvoir l'investissement. A la tête de la présidence tournante de l'UE depuis le 1er juillet, le Premier ministre italien, Matteo Renzi, pousse dans ce sens. Jean-Claude Juncker, le futur président de la Commission européenne, en fait sa "première priorité" et entend mobiliser au cours des trois prochaines années 100 milliards d'euros supplémentaires par an (0,75% du PIB) en faveur de l'investissement public et privé.
Indéniablement, l'appel à investir est politiquement séduisant. L'objectif peut rassembler keynésiens et partisans de l'offre, défenseurs des dépenses publiques et avocats des entreprises privées. Des taux d'intérêt à long terme historiquement bas créent en outre un contexte exceptionnellement favorable à la formation de capital.
De cela ne découle cependant pas mécaniquement que l'Etat doive injecter de l'argent public dans des projets d'infrastructure ou soutenir davantage l'investissement privé, alors même que les conditions de marché y sont déjà très favorables.
A un moment où les revenus des ménages sont stagnants ou en baisse, les fonds publics rares et le fardeau des dettes difficilement supportable, les projets de stimulation de l'investissement doivent faire l'objet d'un examen attentif.
Même des projets a priori bien intentionnés et bien choisis peuvent se révéler contre-productifs : il y a seulement quelques années, la politique européenne de soutien aux énergies renouvelables a donné naissance à une bulle de l'énergie solaire de proportion macroéconomique.
Favoriser les énergies renouvelables est une bonne chose, mais pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, il faut trouver le bon équilibre entre déployer les technologies actuellement disponibles, dont le rendement est relativement faible, et consacrer des moyens à la recherche de technologies de production d'énergie verte plus efficaces.
Avant de se lancer dans un programme d'encouragement à l'investissement, il faut commencer par déterminer si la médiocre croissance en Europe résulte une formation anormalement faible du capital. Les statistiques suggèrent que c'est le cas : entre 2007 et 2013, l'investissement a chuté de 18% dans l'UE, alors qu'il n'a diminué que de 6% aux Etats-Unis. En Europe du Sud, il s'est littéralement effondré ; et même en Allemagne, ce n'est que cette année qu'il a retrouvé son niveau d'avant-crise.
Mais cette observation ne suffit pas. L'excès d'investissement dans l'immobilier des années 2000-2007 devait inévitablement être suivi d'un ajustement à la baisse : les mises en chantier inconsidérées d'immeubles sans occupants et d'aéroports sans passagers ne pouvaient se prolonger longtemps. Plus généralement, l'investissement tend à s'aligner sur la croissance : les entreprises n'augmentent leur capacité que si la demande correspondante existe. Presque toujours la récession entraîne une chute plus que proportionnelle de l'investissement.